Magazine Journal intime

Tentative d'alcoolisme - épisode 1

Publié le 23 janvier 2010 par Didier T.
Elle est arrivée un soir de novembre. Elle était froide et j’avais froid. Aucun de nous deux n’aurait pu réchauffer l’autre apparemment. Elle est entrée. Avoir plus froid que froid est une chose impossible à décrire. Comme mettre sa main au dessus d’une flamme et regarder sa peau rougir, puis noircir. Voir la chair devenir charbon puis cendre, décoller les lambeaux calcinés et voir apparaître l’os blanc, qui se noircit lui aussi de fumée âcre, sans jamais ressentir la chaleur, restée à l’extérieur, incapable d’entrer, alors que le froid est là, il respire au rythme de mon souffle trop court. J’avais le froid en moi, elle m’apportait la glace, l’azote liquide, le zéro absolu.
J’ai voulu la faire sortir mais je n’ai pas pu. J’étais engourdi et faible, j’étais glacé et mes tremblements me brisaient les entrailles, devenues verre, prêtes à voler en éclats. Un filet d’eau tiède coulait pourtant jusqu’à ma tête, me laissant le loisir d’admirer le désastre ; voir peu à peu le reste du corps s’engourdir, se raidir, se rompre, alors que mon cerveau mou et de plus en plus flasque n’en perdait pas une miette. J’étais effrayé. J’avais envie de hurler mais ma langue n’était plus que débris, petits morceaux roses et givrés, sorbet rosâtre qui n’avait plus de goût. J’ai voulu la regarder en face mais l’eau de mes yeux ne coulait plus, elle était devenue stalactite, tatouant ses sillons tristes sur ma peau grise. Mes yeux devenus opaques n’y voyaient plus que couic.
J’ai eu chaud pourtant, souvent, mais il y a trop longtemps. J’ai eu chaud quand elles furent dans mon lit, usant leur salive sur ma peau brune et ma queue fière devenue aujourd’hui brindille. J’ai eu chaud quand leur langue envahissait ma bouche. J’ai eu chaud quand elles buvaient mes humeurs, humiliées et heureuses. J’ai eu chaud quand mon manteau sur les épaules, je me sentais jeune et beau, brûlant de vie.
J’ai eu chaud aussi de toucher la peau de mes gosses. J’ai eu chaud de les voir courir vers moi et me sauter au cou. J’ai eu chaud grâce à leur regard, pétri d’ingénuité, miroir de mes échecs.
J’ai eu chaud un jour. Mais c’était il y a longtemps. Désormais, tout est devenu blanc et dur. Mon crâne lisse cherche encore les flammes noires qui en jaillissaient. Mon ventre blanc et creux a perdu ses vagues fermes, ondulées et puissantes. Mes fesses ne sont plus que deux feuilles mortes, accrochées à un dos voûté et brisé. Mes mains sont des crochets cassants qui éclatent quand je veux me raccrocher au monde. Moi qui jouais de mes mains pour l’écrire, ce monde.
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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