Magazine Journal intime

Neutralité du réseau

Publié le 01 février 2010 par Cassandre
Je sens qu'il y en a qui vont lever la main pour demander ce que c'est... paniquez pas, je vais expliquer ;-)

Il s'agit tout simplement du principe fondateur (et quelque peu oublié) d'Internet qui :

"Exclut toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau".

Je sens venir la question suivante : "Mais pourquoi ? A quoi ça sert d'établir un tel principe ?"

Il sert à garantir aux utilisateurs qu'ils ne seront pas l'objet d'une gestion du trafic des données qui aurait pour effet de limiter leur accès aux applications et services disponibles sur Internet.

Cette neutralité assure que les flux d'information ne sont ni bloqués, ni dégradés par les opérateurs de télécommunications (FAI) permettant ainsi d'utiliser l'architecture communicationnelle librement.

L'origine en remonte aux premiers développements d'Internet qui est composé de deux architectures distinctes :
- L'une, physique, est le réseau lui-même : filaire (câbles, fibre optique...) ou hertzien (wi-fi, 3G...)
- L'autre, logique, est composée des protocoles et standards de communication (IP, TCP, HTTP...)

Historiquement, tout ce qui est physique est la propriété d'opérateurs privés ou d'entreprises publiques, l'architecture logique, a, quant à elle, toujours été ouverte et non-propriétaire, c'est à dire accessible à tous.
C'est pour cette raison qu'Internet permet d'accueillir une grande variété de services et d'usages, sans qu'aucune autorité centralisée ne puisse privilégier une utilisation spécifique du réseau.

L'un des principaux inventeur du World Wide Web, et aujourd'hui président du W3C (et sur Wikipédia pour des précisions sur cet organisme), Tim Berners-Lee a même expliqué que de garantir la neutralité du Net permet de réguler le réseau comme un bien public :

"Techniquement, il suffisait d’un seul point de réglementation centralisée pour que ceci devienne rapidement un goulot d’étranglement limitant le développement du Web, et le Web n'aurait jamais pu se développer." Weaving the Web : The Original Design and Ultimate Destiny of the World Wide Web by Its Inventor

Bon, ça c'est pour les bases du principe, nous n'aborderons pas la politique chinoise ou autres...

Juste quelque chose d'un peu plus général et d'un peu plus flippant.

Si l'on en croit la FFC (Federal Communications Communication), une agence gouvernementale américaine qui s'occupe de toutes sortes de communications, la définition implique la transparence et l'interdiction de s'attaquer à un type de protocole en particulier.

Ainsi, en 2008, alors que certains utilisateurs portaient plainte contre Comcast, un FAI américain, à cause de suspicion de blocage des échanges peer-2-peer (attention, pas d'amalgame vite fait, ce n'est pas le protocole qui est illégal, mais bien souvent le contenu échangé entre les personnes. Toutefois, celui-ci, n'est pas toujours illégal non plus !), la FFC avait soutenu la plainte en demandant au FAI de cesser ce bridage.
Comcast se défendait d'une telle manipulation, arguant que c'était dans l'intérêt de l'optimisation de son réseau.
Le fait est qu'ils essayaient de rediriger les adeptes des torrents et autres Mules vers leurs propres plate-formes de téléchargements payantes.

Ce faisant, la FFC se faisait la garante de la neutralité du Net.

Mais voilà que deux ans plus tard, le concept a bien évolué pour cette agence. Et pas qu'un peu, puisqu'elle propose de revoir la copie afin de permettre des pratiques de gestion du réseau "raisonnables" (reasonnable network managements practices).

Il deviendrait possible, si cette nouvelle définition était retenue, que les FAI puissent prendre des mesures "raisonnables" pour empêcher le transfert de contenus illicites. On se retrouve ici avec une variante de notre Hadopi.

Et que pourraient-ils bien bloquer alors ces opérateurs ?
La FFC cite la pédopornographie :
"Il semble raisonnable qu’un FAI refuse de transmettre ce type de contenu". La FCC explique "qu’en outre, il est important de souligner que les principes de l’Internet ouvert s’appliquent uniquement aux transferts légaux de contenu. Ils n’ont pas, par exemple, à s’appliquer à des activités telles que la distribution illégale d’œuvres protégées, qui a des conséquences néfastes sur l’économie et l'écosystème global du haut débit. En vue de faire coexister les obligations liées à l'internet ouvert et au renforcement approprié du copyright, il semble raisonnable pour un fournisseur d'accès à Internet de refuser de transmettre du contenu copyrighté, si ce transfert violait les lois applicables."

Mais du coup, on peut raisonnablement - aussi - se demander ce qu'il advient de cette fameuse neutralité du réseau.
Imaginez qu'EDF ne vous fournisse de l'électricité que si, et seulement si, vous avez payé votre redevance télévisuelle et si le contenu de ce que vous regardez dessus n'est pas illégal ?
La boite de Pandore semble s'être ouverte en mélangeant ainsi vecteurs de  l'information et informations elles-mêmes. Puisque fatalement, pour interdire le transit de certaines informations, il faudra bien analyser tout ce qui circule.

Pour l'Electronic Frontier Foundation (un groupement
défendant les libertés civiques dans le monde numérique), c'est une entaille importante au droit à la vie privée qui est faite dans cette définition, qui se retrouve à la merci des majors qui voudraient faire des FAI des flics au service de leurs intérêts catégoriels.
Afin de tenter de sensibiliser l'opinion et colmater cette brèche, l'EFF a mis en ligne une pétition pour dire à la FFC "de ne pas laisser Hollywood détourner Internet".

Vous pouvez la trouver en suivant ce lien.

Même si nous ne sommes pas américains, je crois qu'il était important de souligner les changements qui sont en train de se produire un peu partout sur la planète et pas vraiment pour notre bien.

D'autres articles sont à suivre sur le même genre de sujets, je songe notamment à faire des recherches sur le "traité ACTA". Si vous n'en avez jamais entendu parlé, c'est normal... on vous cache des choses, c'est bien connu ;-)



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