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[lu] entrée des fantômes, roman de jean-jacques schuhl

Publié le 04 février 2010 par Tilly
éditions Gallimard, collection L'Infini, décembre 2009, 145 pages

13, 21 euros sur amazon En 2000, dans son roman Ingrid Caven (prix Goncourt), Jean-Jacques Schuhl dressait sans indulgence (mais avec beaucoup de style) son autoportrait en écrivain :

" Faire revenir les morts, exercice macabre de ventriloque ou de marionnettiste manipulateur, et croire que je suis ce marionnettiste alors que je ne suis que la marionnette, le scribe qui bouge le bras, la plume, sous la dictée, composite de faraud et de snob dilettante entiché de gens célèbres, ghost writer qui profite de la célébrité des autres, écrivain fantôme ou plutôt fantôme d'écrivain qui a cessé d'écrire et maintenant s'affaire sur un manuscrit trouvé au lieu de parler de lui à la première personne, oser dire "je", abattre son jeu ou se taire. "

Dans Entrée des fantômes, dix ans plus tard alors qu'il n'avait rien publié depuis Ingrid Caven, Schuhl, " un rêveur for ever ", s'exorcise lui-même en faisant apparaître, comme un magicien, ses fantômes personnels.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par bruno chauvierre
posté le 21 février à 10:40
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L'entrée des fantômes m'a allumé. Un fantôme adresse des SMS !!!? ça se produit dès les premières pages. Schuhl a découvert le chronoviseur du Père François Brune. Avec sa machine à explorer le passé qu'il partage avec Simon Libérati, passé, présent et avenir cohabitent dans une zone hors du temps.

Le narrateur dîner seul un soir d’hiver, dans un décor déjanté. C’est foutraque. Un cinéaste lui propose de jouer le rôle du chirurgien, dans Les Mains d’Orlac, vieux film culte des années folles. Très morbid chic. Fascination à l’idée d’incarner une créature du mal. Rôle en phase avec le roman noir autour duquel ses pulsions de mort cristallisent son énergie à écrire.

Effet de morphing continuel, « ce procédé électronique par computer utilisé dans les nouvelles images pour transformer quelqu’un en un autre sous nos yeux. .. d’un fantôme l’autre… »

Après L’hyper Justine de Simon Libérati, le genre morbid chic prend de l’ampleur avec ce livre déconstruit et moderne. Personnage au look aristocrate voyou, paroles d’une chanson électro-pop d’Etienne Daho, fredonnées devant l’aquarium d’un petit chinois lettré. Le décor est planté. Alors pour se sortir de sa gadoue mentale, le narrateur s’imagine acteur pour mieux s’identifier à des personnages, se lance dans le théâtre, comme dans l’écriture d’un roman « sans savoir du tout pourquoi .» les mots raisonnent dans sa tête « comme quand on est très enrhumé »

Identification constante à tout personnage rencontré. Alors Schuhl s’interroge : « Mais fantôme, fantasme, projection, émanation, qu’est ce que ça changeait ? » Toute situation est transfigurée avec le support de dialogues internes. Le narrateur se parle beaucoup à lui-même, à son alter-ego, au petit autre qu’il porte en lui. Thème constant du double de soi-même car « la créature est une projection ou un double »

Le livre est plein de ces projections enrichies d’une vie sensorielle époustouflante. Ainsi avec la margarita « un tiers téquila un tiers cointreau… et le twist de citron vert, la fine écorce en hélice vient effleurer à nouveau ma lèvre… Au One Fifth on nous le servait en petit carafon évasés, le verre préparé, bien glacé, avec, la blancheur du givre autour, sur les vitres embuées » (p. 69)

Comme le coktail, le livre allume vite et rend léger… comme un fantôme !