Lorsque trépasse l’excès
Dépassé à la limite d'un
Trop plein de jamais assez
Tout, faire, goûter, tout
Dépenser, boire, manger
Baiser, tout fumer, sniffer
Shooter, tout…
D’insuffisance en insatisfaction
Chronique, le cortège des sens
Défie la mémoire, l’endort…
Nos souvenirs mieux dessinés
Que des fossiles, qui tournent
Ça recommence, ça spin.
Encore et encore
Les tourbillons m’entraînent
M’enlisent.
En spirales plus profondes
Mouvement concentrique
Me suçant le sang
Sensations vers le fond
De mon centre
Pour un autre milieu
Pas tout à fait une autre
Dimension… Juste la fraction
D’espace régissant un univers plat
Tout en épaisseurs, par couches
Plus ça tourne, plus je glisse
Comme projectile sans issue.
À bout. Controuvé. Télescopé…
Jusqu’à l’émergence de l’autre coté
Le perpétuel devenir en bloc
Du temps fuit et il ne me reste
Que des trous de mémoire
Mes archives
Tout seul dans l’étroitesse
Du langage. Là où les mots existent
Là où il ne s’agit pas que
D’un petit peu de vent
Là où ça compte
Cette nuit ne t’inquiètes pas
Je me souviens
Sans desserrer l’étau de la voix
Dans le texte, ses irradiantes liminaires
Entre tendances du moment,
Le compte à rebours, en attendant
D’autres signaux; je me souviens
De toi… Du jeu
De glaces obscurcies
Paginant les moments troubles
De la biographie que je me fais
Je me souviens de tes paroles
Exactement. Tes subterfuges
Nos rires et les regards
Butés, obtus. Je me souviens
De rumeurs à notre sujet
Je me souviens de moi
Recollant déjà des morceaux
D’écorce de manuscrits
Afin qu’ils tiennent debout
C’est comme ça qu’on s’est connus
Tu m’as vu tomber souvent
Me redresser trop fracturé
Pour fausser la courbature du réel
Sur le plan du récit ou même
Insister lourdement
Cette nuit la bière
Les barbituriques et le passé
Persécutant la mémoire
Me tordent le bras
Encore une puis je m’étends
Par terre. Avant de faire
Trop de remous. Avant…
Ne Jamais Rien Dire, 1989: Écrits des Forges