S2e05 : BANC DE PRISON CHAISE AU PLAFOND

- Écoutez. Tout ceci est ridicule. Mon petit frère joue les gros durs mais il est totalement inoffensif, plaidait Fleur

- ...

- Monsieur... Je vous en prie... Il est bientôt cinq heures du mat'. Nous sommes tous fatigués...

- ...

- Pourrions-nous mettre fin à ce malentendu et rentrer chez nous?

- Oh mais Mademoiselle, vous pouvez y aller. Rien ne vous retient. Mais je garde votre frère. Je vous rappelle qu'il y a eu outrage à agent public et que ce délit est puni par la loi... Votre frère risque six mois de prison et 7500 euros d'amende...

- Mais enfin... soupira Fleur qui ne se laissait pas du tout impressionner par les menaces de ce policier qui, selon elle, ne cherchait qu'une chose: "faire du chiffre".

Moi, de mon côté, j'étais loin d'être rassurée... Je pouvais déjà imaginer nos profils en noir et blanc avec nos cernes et nos cheveux hirsutes... J'avais une trouille bleue et en même temps, mon sang était en train de bouillir dans mes veines. Je me sentais impuissante...

À peine arrivés au poste, j'avais appelé Charlie au secours. Il avait tout de suite décroché, surpris de voir mon numéro s'afficher à une heure pareille... Heureusement qu'avec le décalage horaire, lui, était en train de siroter un Bourbon-no-ice au Harvard Club avec son ami Roger.

- Ma chérie! Que se passe-t-il?

- Charlie.... chouinai-je

- Elinor. Qu'y a-t-il?

- Louis s'est fait arrêté... Nous sommes au commissariat... On est tombés sur un con. Louis n'a rien fait... Enfin presque... Oh...

- Calme toi. Explique moi ce qu'il s'est passé.

Et je lui relatai toute la scène...

- Bon écoute, je vais tout de suite téléphoner à Marcus. Mais il est tard à Vienne et je ne sais pas si je serai en mesure de le joindre. Sois patiente. Un de ses très bons amis est avocat à Paris. Il va vous sortir de là ne t'en fais pas. Je m'en occupe. En attendant, prends ton mal en patience ma chérie et ne t'inquiète pas. Tout va s'arranger...

- Ok Charlie. Merci...

Charlie m'avait un peu réconforté mais ça faisait bientôt trois heures que je l'avais eu et depuis, aucune nouvelle... Marcus devait dormir...

- FIN DE LA DISCUSSION, martela l'autre con, me sortant de mes pensées

( ARGHHHH!)

Même Fleur, la patience incarnée, était en train de devenir chèvre...

- ÉCOUTEZ! Vous savez très bien que vous êtes en train d'abuser de vos pouvoirs. Nos avocats vont bientôt nous rappeller et je vous jure que vous n'allez pas vous en tirer comme ça. On ne traite pas les gens de cette manière. De plus, vous ne savez pas à qui vous avez à faire. Vous allez regretter votre attitude. Je vous en fais la promesse...

(...)

Et Fleur continuait à tenter de leur faire peur avec ses soi-disant-relations-haut-placées mais cet abruti ne prêtait aucune attention à ses menaces et lui jetait des regards méprisants et amusés, filant des coups de coude à son collègue, qui lui, était toujours aussi impassible et silencieux. Maxime et Milo s'étaient écroulés de fatigue sur un banc, un peu plus loin et moi, j'observais la scène, sentant monter en moi la rage et la frustration...

Trois heures que nous étions dans cet endroit sordide... Louis derrière les barreaux, recroquevillé dans un coin de la cellule, tentant de rester le plus loin possible de Joe l'Embrouille et de ses tatouages douteux... Et nous, sur les bancs miteux de la "salle d'attente"... Je devenais folle. Grimbert avait promis que nous finirions la nuit au poste et il n'avait pas menti. Oh celui-là, si je le recroisais...

(GRRRR....)

Un milliard d'idées démentes me traversaient l'esprit, tandis que Fleur continuait son discours, sans faillir, sans lever la voix plus qu'il ne le fallait...

- Savez-vous que notre père était à l'école avec M.Sarkozy? J'aurais peut-être dû vous le dire dès le départ.... Oui. Mais voyez vous, nous n'avons pas pour habitude d'utiliser nos relations chez les Bird! Mais, étant donné votre manque de coopération, vous me voyez obligée de vous mettre en garde...

Adossé dans l'encadrement de la porte, une main dans la poche et l'autre tenant son gobelet de jus de chaussette, le mauvais flic se tenait sur la pointe des pieds pour se donner de la hauteur. Ma soeur mesurant pas loin d'un mètre quatre-vingt, le pauvre vieux ne lui arrivait même pas à l'épaule... Et il ricanait comme une baleine, se moquant éperdument de ce qu'elle pouvait bien lui inventer...

- Je souhaite parler à vos supérieurs! décida-t-elle subitement

Le commisariat était vide. A part le petit teignieux, son collègue silencieux et Joe l'Embrouille, il n'y avait que nous... C'était d'ailleurs très angoissant...

- Je souhaiterais voir mon frère, demanda Fleur, qui, je crois, commençait à s'inquiéter...

- Ce n'est pas possible.

- Mais enfin vous plaisantez. Je veux juste m'assurer qu'il va bien...

- ...

- Monsieur!?

- ...

Mais ce connard avait maintenant décidé de jouer au roi du silence...

C'est alors que, d'un coup d'un seul, mon sang ne fit qu'un tour. C'était trop. Ça faisait des heures que je me retenais de péter un cable. J'en pouvais plus... Je voulais lui décoquiller les yeux des orbites et lui faire avaler... lui arracher les poils du nez à la pince à épiler... le ligoter, lui verser un pot de moutarde-extra-forte dans le gosier... Mais au lieu de tout ça, dans un moment de pure folie, je bondis sur lui, les bras en avant, les doigts écartés, prête à l'étrangler, en poussant un cri de guerre... Et je m'élançai avec une telle force que je lui fit perdre l'équilibre, se taper la tête contre le mur et renverser son café sur son uniforme...

(Oups...)

Fleur n'en croyait pas ses yeux. Maxime, qui s'était endormie, sursauta aux plaintes de ma victime, se leva d'un bon et se dirigea droit sur nous. Milo la suivit. Et je remarquai l'autre imbécile silencieux qui étouffait un fou-rire en voyant son abruti de collègue, recouvert de café, le visage rouge de rage...

- VOUS ALLEZ LE REGRETTER!!!! JE-VOUS-COFFRE!!!!!! me hurla-t-il en pointant son petit doigt trapu entre mes deux yeux terrifiés

- ...

- TONY! TU LA FOUS EN CELLULE AVEC SON IDIOT DE FRÈRE PENDANT QUE JE VAIS ME CHANGER! PUTAIN! QUELLE BANDE DE CONS ALORS! PUTAIN!!!! TONY! GROUILLE! PUTAIN! hurlait-il à travers les couloirs

Nous étions tous silencieux. Je me sentais tellement stupide... Fleur était folle de rage. On était foutu. Louis et moi allions passer les six prochains mois en cellule... Je ne retournerais pas à New York. Jack ne viendrait jamais me rendre visite, Billie et Paige seraient furieuses contre moi et ma bêtise... Charlie me réprimanderait de ne pas avoir patienter jusqu'à ce que son ami avocat nous vienne en aide. Pfou... Je n'irais pas au Mexique pour le shooting de Jolie Smith... Ma vie était foutue. Celle de mon frère aussi... Louis serait obligé de trafiquer avec les dealers de drogues de la prison pour s'en sortir... Il perdrait son sublime appartement du Marais, ainsi que son boulot...

- Dépéchez-vous, nous pressa Tony

- QUOI?

- Elinor purée, qu'est ce que tu fous? Viens vite, me chuchauta Louis en me poussant dans le dos

- QUOI???

- Chuuuut....

- Mais....

- Vite. Par là.

- Où sont les clés de la voiture?

- Milo. Tu prends le volant.

- Les filles derrière.

- MAIS???? Qu'est ce que vous faites?

Et voilà que nous étions tous les cinq entassés dans l'Austin, Milo au volant, Louis à côté, les trois filles à l'arrière. Nous roulions, les fenêtres ouvertes, sous le soleil levant, direction rive droite, traversant le pont au Change...

Pendant que j'étais perdue dans mes pensées, à dramatiser la situation, Maxime m'expliqua que l'autre blaireau silencieux, alias Tony, comme soulagé, avait d'un seul coup entreprit de nous aider à nous évader!

- QUOI????

- Mais enfin Elinor... T'étais où?

- Mais je sais pas...

- Il avait l'air tellement content de nous aider... Apparemment, c'était pas exactement l'amour fou entre lui et le petit teigneux, continua Maxime

- Noooonnnn!!!

- Mais si. T'as pas entendu quand il a dit qu'il t'avait reconnu de la campagne Jolie Smith... Encore un de tes admirateurs secrets Elinor...

- Nooooonnnn!

- Mais si enfin. Eli. Tu me fais peur. T'étais où au juste?

- Mais je sais pas... Je...

- Enfin le principal, c'est que nous soyions sorti.

- Oui mais ils vont nous retrouver, m'inquiétai-je

- Mais non... rassura Fleur

- Quand l'autre con va revenir des toilettes... Tu parles! Il va être fou de rage!

- T'inquiète qu'à mon avis, quand l'autre va le menacer de le dénoncer, il va s'écraser.

- Mais le dénoncer de quoi? Il n'a aucune preuve!!!

- Dénoncer ses pratiques douteuses et abusives pour gonfler sa prime tiens donc!

- ???

- BON! On va au QG? interrompit Milo

- Une bonne Chaise au plafond (1)! confirma Maxime

- Après les bancs de la prison, plaisanta Louis, qui ne semblait absolument pas perturbé par l'expérience pourtant traumatisante que nous venions de vivre...

- Oh oui... Un bon crème...

Et nous nous retrouvâmes dans notre bistro fétiche, en bas de chez mon frère, à se réchauffer à coup de café crème. Milo avait sorti sa guitare du coffre de la voiture et entreprit de nous jouer ma chanson préféré de Cold Play...

Careful where you stand by Cold Play

Ma surprise, qu'il avait répété depuis des semaines et qu'il n'avait pas eu l'occasion de me faire la veille, tombait à point nommé. Nous nous sentions effectivement en sécurite, tous ensemble. Alors, nous chantâmes tous en coeur, en nous baffrrant de croissants chauds et pains au chocolat. Cette nuit au poste était en train de se tranformer en lointain cauchemar et le plaisir d'être tous ensemble, à la Chaise, comme au bon vieux temps, gomma bien vite les longues et douloureuses heures passées...

♭

I feel safe, I feel warm when you're here,

When I do no wrong,

I am cured, when I'm by your side.

I'm alright, alright.

I am safe, when I am with you,

And I feel warm, If you want me to,

I am cured, when I'm by your side.

I'm alright.

Careful where you stand, my love.

Careful where you lay your head.

It's true we're always looking out for one another.

I feel safe, when I am with you,

I feel warm, when you want me to,

I am cured when you are around.

I'm alright.

Careful where you stand, my love.

Careful where you lay your head,

It's true we're always looking out for one another.

So I'd like a quiet time please,

Yeah, I'd like a quiet time.

Careful where you stand,

Now, careful where you stand

♭

(1) La Chaise au Plafond, 10 rue du Trésor, 75004 Paris, +33 1 4276 0322