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Toussaint Louverture et la France repentante

Publié le 25 février 2010 par Icipalabre

La France n’a pas laissé que de bons souvenirs en terre haïtienne.
Le mot est de Nicolas Sarkozy. Pour une fois, personne ne le conteste. Et venant d’un personnage peu disposé à la «repentance», la phrase méritait d’être soulignée.
En Haïti, justement, lorsque les artistes illustrent l’Histoire de leur pays, ils sont en effet moins enclins à célébrer l’Empereur des Français que ceux qui l’ont combattu. Et dans cet olympe des combattants de la liberté, aux côtés de Dessalines et du roi Christophe, trône Toussaint Louverture, devenu au fil du temps, l’une des icônes sacrées de la négritude.
Depuis deux cent ans, le personnage a été peint et sculpté des centaines de fois, sous des traits parfois surprenant.

Toussaint Louverture par Madsen Monpremier

Toussaint Louverture, Madsen Monpremier

L’une des représentations les plus intéressantes nous est donnée par Madsen Monpremier (né à Gonaives en 1952), considéré comme l’un des précurseurs de la peinture haïtienne, un peu oublié aujourd’hui. On y découvre un général Louverture en uniforme du premier Empire, sous les traits d’une sirène dominant les flots. A ses côtés, un personnage féminin, une autre sirène sans doute (principal attribut d’Agoué, le dieu de la mer du panthéon vaudou). Au dessus, un chapelet de poissons volants dessinent un arc du triomphe qui se termine par la lacération du drapeau tricolore: c’est l’idée de l’émancipation par la lutte, mais aussi celle d’une France qui a trahi les idées républicaines auxquelles Louverture s’était rallié. Un troisième personnage au visage tourmenté, grimaçant,  semble comme poussé vers les profondeurs, maintenu sous l’eau par le bras vengeur du général: c’est la France coulée par celui qui doit son surnom de Louverture en raison des brèches qu’il ouvre dans le camp ennemi.
Cette oeuvre est un hymne au courage et aux actes glorieux de celui dont Lamartine disait:  «Cet homme est une nation, le vengeur d’une race humiliée, le symbole de la fierté retrouvée». Hautement symbolique, elle consacre la victoire chèrement payée de l’opprimé sur la France. Mais elle est aussi «syncrétique» en ce qu’elle associe sous une forme allégorique des éléments puisés dans l’imaginaire vaudou à un personnage bien réel, dont les actes politiques, donc temporels, trouveraient -en partie au moins-  leur justification dans le surnaturel, les puissances mystérieuse du vaudou.
Et, longtemps avant l’aveu de culpabilité du président Sarkozy, elle postule que la France aura un jour à se repentir de sa traîtrise , tout en traduisant les ressentiments  légitimes du peuple haïtien à l’égard d’un pays qui  l’a maintenu dans la servitude bien au-delà de l’abolition de l’esclavage.

NJ


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