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La crise de la liturgie : entretiens avec Mgr Piero Marini (2)

Publié le 04 mars 2010 par Hermas

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Que pensez-vous de ces initiatives œcuméniques où, comme à Taizé, la distribution du pain bénit se fait à côté de la communion aux hosties consacrée ?(page 74)

• Mgr Piero Marini : « Je reste un peu perplexe. Je ne refuse pas cette tradition venue d’Orient, mais je me demande quelle signification elle pourrait avoir chez nous. N’y a-t-il pas un risque de confusion entre le pain bénit et l’hostie ? Je n’aime pas les imitations des célébrations eucharistiques quand elles n’en sont pas. C’est un peu comme les ADAP (Assemblée dominicale en l’absence de prêtre) : je ne suis pas favorable à la solution d’imiter une prière eucharistique. Pourquoi chercher à imiter une Eucharistie quand il n’y en a pas ? Il existe en revanche la célébration de la liturgie des Heures, des Laudes, des Vêpres. Un laïc peut présider cette liturgie qui permet de faire clairement la distinction entre Eucharistie et autres rassemblement » (op. cit. p. 74).

Le problème de la distinction entre l’Eucharistie est abordé en ces termes dans un autre passage du livre, en raison de la pénurie de prêtres et de la difficulté pour les fidèles d’aller assister à la Messe : en nombre et vieillissent en âge :

« …Les prêtres diminuent et vieillissent en âge… Comment assurer le culte quand il y a pénurie de prêtres ? »

Mgr Piero Marini répond, en développant  la question abordée ci-dessus, des célébrations en l’absence de prêtre : « Il est possible de célébrer une Liturgie de la Parole, avec les lectures prévues pour le dimanche, et puis une prière des fidèles. Mais on ne peut faire suivre cette liturgie d’un ersatz d’Offertoire ou de Prière Eucharistique. Ce serait falsifier la Messe, car la liturgie se fonde sur la vérité des signes. J’aurais du mal à présenter aux fidèles quelque chose qui n’est pas vrai. Certes, la Communion peut être distribuée à la fin de la prière des fidèles. Mais je ne suis pas favorable à tout ce qui imite la Messe. Ne laissons pas entrer dans la tête des fidèles des expressions comme celle que j’ai déjà entendue : "la messe de la Sœur est plus belle que celle du prêtre", lorsque dans des communautés paroissiales des religieuses animent les célébrations sans prêtres » (op. cit. p. 147).

A plus forte raison quand il s’agit de laïcs, hommes et femmes non préparés…

La question se pose, face à cette pénurie de prêtres, de l’assistance à la Messe célébrée par un prêtre, car elle oblige les fidèles à se déplacer. D’où la question posée à Mgr Piero Marini, qui y répond en faisant appel à la cohérence et au bon sens des gens et des prêtres :

« Mais comment pratiquer quand les Messes se font rares et sont célébrées dans des lieux éloignés de son village ou de son quartier ? »

« Je sais, répond Mgr Piero Marini, que cette situation constitue aujourd’hui un grave problème dans l’Eglise pour de nombreuses petites communautés. On a tendance… à convaincre les fidèles qu’il est nécessaire de se déplacer pour la Messe. Mais, en Italie, les gens étaient habitués à avoir leur Messe dans leur église le dimanche. Difficile de changer les mentalités en disant simplement : ‘Allez à la Messe dans le village voisin’.

« Mais ces personnes qui se déplacent plus loin pour aller à la pharmacie ou, faire d’autres courses, veulent toujours avoir la Messe chez eux ! Mieux vaut donc changer les mentalités plutôt que de remplacer la Messe par de petits succédanés. C’est une question de changement de culture, mais aussi de temps. Dans les campagnes, ce sont des personnes âgées qui vont à la Messe. Les jeunes qui y restent encore, iront-ils toujours à l’église…

« Beaucoup de curés me disent : ‘Les enfants qui viennent pour le catéchisme et la Première Communion ne savent rien…’ Comme s’ils étaient nés dans le désert de Mauritanie ! Le Signe de Croix ? L’histoire de Jésus et de Marie ? Ils ne connaissent pas ! Il n’y a plus cette catéchèse et cette éducation délivrée par des parents qui emmenaient leurs enfants à l’église le dimanche. La déchristianisation commence aussi chez nous  » (note : en Italie) (op.cit. p. 148)

Devant cette réalité Mgr Piero Marini exprime un espoir, mais sans trop d’illusions :

« Face à ces réalités, espérons que les paroles de Jean-Paul II seront vérifiées : ‘L’avenir est, dans les mains des jeunes !’ Espérons que les Journées Mondiales de le Jeunesse porteront des fruits. MAIS, où sont ces jeunes qui avaient vingt ans quand ils ont participé aux premières Journées Mondiales de la Jeunesse et qui en ont maintenant quarante ? Toutes ces générations de jeunes ont-elles changé l’Eglise ?J’espère que oui, MAIS je m’interroge cependant.

« Après les applaudissements, l’enthousiasme à l’arrivée du Pape, les témoignages de foi et les catéchèses, que reste-t-il ? Une fois rentrés chez eux, les jeunes sont-ils retournés à la Messe du dimanche ? Vont-ils à l’église par nécessité, pour y exprimer leur foi ? Y a-t-il encore une tradition qui survit parce que leurs parents, les grands-parents leur recommandent d’aller à la Messe ? Ce sont des questions qui se posent pour l’avenir de la liturgie et qui sont déjà bien réelles aujourd’hui » (op. cit .p. 149)

Mais tout cela ne suffit pas à expliquer le pourquoi et le comment de la désaffection vis-à-vis de la Messe de la part des jeunes surtout, mais aussi des adultes et même des personnes âgées. Mgr Piero Marini n’hésite pas à aborder avec une grande lucidité cette question délicate, comme nous allons le voir dans les pages qui suivent [à suivre]
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J.M.

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