Nous vous proposons ICI, de télécharger, en format PDF, l'intégralité de la traduction de l'article de M. Miguel ARGAYA ROCA, publiée par bribes sur Hermas.info
Nous profitons de la circonstance pour remercier l'AGEA, dont ce texte est tiré,
de son amitié.
(...) Il est clair que la solution ne peut pas consister à demander aux pays pauvres de le rester et d’abandonner leurs projets d’industrialisation, tandis que le monde “riche” continuera de polluer et de jouir des mêmes niveaux de production et de consommation. La seule solution consiste, fondamentalement, à assumer l’interdépendance comme un défi pour l’avenir et comme un engagement moral, et à ne pas en faire un simple scénario destiné à justifier l’enrichissement rapide et l’exploitation. Le mondialisme économique, s’il doit s’imposer, devra reporter sur ses protagonistes non seulement ses avantages mais aussi ses responsabilités. A cette fin, il faudrait que les pays riches assument sans réserve leur part de sacrifices. Compte tenu de ce que, pour chaque dollar investi dans le Tiers Monde, le monde développé en récupère quatre, c’est un élémentaire devoir de justice, ce qui devrait déjà suffire à l’imposer. De plus, il s’agit là de l’unique moyen véritablement efficace d’éviter le prévisible big-bang migratoire qui se présente et qui est déjà en cours. Bien que cela puisse paraître paradoxal, pour y arriver, il faut éliminer ou, à défaut, augmenter les quotas d’émigration dans les pays riches et faire disparaître les barrières douanières protectrices qui frappent les importations venant du monde en voie de développement. Sans oublier l’urgente annulation d’au moins une partie de sa dette. De la sorte, on obtiendrait à moyen terme, à n’en pas douter, une décongestion démographique et économique minimale dans ces régions, et, à plus long terme, une tendance certaine à un certain degré d’égalisation dans le niveau de vie de tous les habitants de la planète. En retour, le premier monde y gagnerait quelques siècles de paix. Bien sûr, de telles mesures imposeraient de notables sacrifices, tels que la chute immédiate des salaires et une réduction importante du bien-être individuel et social. La conséquence en serait une perte de voix et d’influence pour les partis politiques et les syndicats, chose qui, par ailleurs, de mon point de vue, est précisément l’une des causes de la grande difficulté actuelle à mettre en marche un véritable programme de stabilisation économique mondiale. Il y en a d’autres, beaucoup plus importantes et décisives, et moins explicables : le premier monde, convaincu en grande partie de sa supériorité biologique comme WASP [blanc (white), anglo-saxon et protestant], s’est vu perdre ces dernières décennies des points dans les pourcentages démographiques [tandis que les pays “riches” passaient, entre 1950 et 1990, de 832 millions à 1.207, les pays “pauvres” passaient de 1.684 à 4.086], ce qui offre au Tiers Monde des possibilités d'avenir jusqu'à présent difficilement atteignables dans le domaine géopolitique. Il est évident que le XXIème siècle n'est pas celui de la race blanche : si, à l'ONU, les différents pays étaient démocratiquement représentés en fonction de leur nombre d'habitants, les Etats-Unis auraient cinq fois moins de voix que l'Inde, et six fois moins que la Chine. Un hypothétique – mais non impossible – changement des règles du jeu politique international supposerait, donc, une véritable révolution copernicienne sur la scène géostratégique. Il est certain que le monde “riche” souhaite maintenir son statut et son rythme de vie sans perdre, en outre, son hégémonie politique. C'est la raison pour laquelle il a besoin de toute urgence de contenir la croissance démographique des pays en voie de développement et, pour cela, de les convaincre que leur pauvreté est due à un excès de population, tandis que, dans le même temps, il réduit ses quotas d'immigration et fortifie son protectionnisme.
Le formidable retard que les intérêts égoïstes des grandes puissances économiques ont fait subir à ce que l’on a appelé la “Ronda de Uruguay”, depuis 1986, et pendant près de deux ans, jusqu’à la signature du GATT, est très significatif à cet égard. Les pays en voie de développement, en revanche, font valoir que leur pauvreté est due au manque de moyens pour améliorer leur productivité et que ce manque est rendu insurmontable en raison d’une discrimination habituelle dans les échanges internationaux et des barrières douanières qui sont élevées devant leurs produits dans les pays riches. Il faut souligner sur ce point que le prix des matières premières – principale source de revenu du Tiers-Monde – suit une courbe “opportunément” descendante sur le marché mondial, ce qui ôte aux pays en voie de développement la capacité effective d’accumuler des devises. Le déficit de leur balance des paiements courants, de la sorte, augmente, au point qu’en 1991 il était de 100.000 millions de dollars, et, avec lui, le montant de leur dette externe, arme fondamentale que le monde “riche” utilise pour sa politique antinataliste. Les pays “pauvres” ne demandent rien d’autre qu’un comportement loyal dans les relations économiques internationales. Ils demandent aussi que la Banque Mondiale et le FMI cessent de conditionner leurs crédits à l’accomplissement des programmes démographiques du FPNU. Au lieu de cela, on leur impose un très dur – je dirais même inhumain – corset démographique. Dans le même temps, on atténue leurs famines et leurs crises par de généreux apports d’aide humanitaire, certainement utiles dans un premier temps face à l’urgence de la mort, mais qui, finalement, n’ont pour effet que d’accoutumer leurs bénéficiaires à dépendre de l’extérieur et à perdre tout intérêt pour leur propre production, soumise à une concurrence déloyale, dès lors que l’approvisionnement humanitaire est gratuit. Ce dont les pays en voie de développement ont besoin, ce n’est pas tant d’une aide permanente, et moins encore d’une brutale et intéressée pression sur leurs comportements démographiques, que de technologie et de commerce et surtout d’un débouché pour leurs excédents de population. A raison, les pays sud-américains ont su répondre au Caire aux prétentions des Etats-Unis, de la Banque Mondiale et du FPNU, en affirmant que l’alarmisme apocalyptique des pays riches ne correspond qu’à une conception pessimiste – et certainement protestante – de l’existence, qui ne parvient pas à saisir que l’être humain dispose non seulement d’une bouche pour manger, mais aussi d’un esprit pour penser et de bras pour travailler. J’ajouterais qu’il répond aussi à un manque de foi inavoué en la capacité de la civilisation occidentale à absorber, et aussi à occidentaliser les apports culturels qu’elle reçoit et qu’elle espère recevoir. Il est clair qu’une société qui n’a pas confiance en la capacité de son propre bagage spirituel à attirer et à gagner de nouveaux venus ne mérite que de disparaître. Les espagnols, et les méditerranées en général, savent ce que signifie le métissage biologique et culturel parce qu’ils ont su s’en enrichir et l’exporter tout au long de l’histoire. Nous devrions être à cet égard une bonne référence pour répondre aux exigences nouvelles, imposées par le phénomène de l’immigration. Bien plus, nous devons en être un, de gré ou de force, parce que personne ne peut enrayer le phénomène et qu’il sera sûrement impossible de freiner le cours naturel des vagues d’immigration. Apprenons donc à manifester au nouveau venu ce sens hispanique proverbial de l’hospitalité, et consolidons, en même temps, les piliers sur lesquels est édifiée notre civilisation, non seulement pour ne pas la perdre dans le marasme ethnique qui nous submerge mais aussi parce que c’est là que l’on peut trouver avec certitude, quoi que d’aucuns s’obstinent à penser, les mécanismes qui permettront d’obtenir le plus profond, le plus efficace et le plus indolore métissage possible.
Miguel ARGAYA ROCA