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Chalet en automne

Publié le 07 mars 2010 par Kranzler

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ne parenthèse hivernale. L’année dernière dans le département du Lot. Je ferme les yeux pour faire comme si j’y étais encore. Plusieurs semaines, de la fin octobre au tout début du printemps. Un break total, ça s’appelle. Quand il faut, il faut.

A dire vrai, je m’en cogne qu’on soit en plein l’été. L’été n’est qu’une obligation. C’est seulement pour rire. En général c’est en novembre décembre que je fais le moins de conneries. Alors comme j’ai dit, j’oublie où je suis en ce moment et je me remets là où j’ai bien aimé être il y a quelques mois.

Pour quelques temps, j’habite un chalet très simple dans un camping qui reste ouvert à la basse saison. Des volets en bois de couleur verte. Verts aussi les rideaux. Deux petites chambres. Une pièce principale avec canapé et coin cuisine. Une petite salle de bain d’angle propre et fonctionnelle. Ce n’est pas bien grand mais ça ma va tout à fait.

Le chalet s’appelle les Châtaigniers et celui d’à côté les Saules. Des vrais châtaigniers, il y en a tout autour. Plusieurs hectares de chênes pubescents, une variété dont le feuillage sec reste accroché une grande partie de l’hiver ; les troncs sont recouverts de mousse et de lichen. La route en bordure du terrain parsemée de globes lumineux posés sur des souches de vieux bois. Ils s’allument tous les soirs vers six heures. De grosses boules blanches avec une barbe de lierre.

C’est un peu en altitude. En bas, il y a la vallée du Lot et son épaisse brume du matin. Ce n’est pas la vallée du Rhin, c’est moins vertigineux mais c’est un paysage qui se regarde. La nuit de temps en temps un chevreuil dont les yeux brillent comme des perles hagardes entre les arbres. Vingt voitures par jour, et encore.

Les rideaux du chalet d’à côté, orange vif. Pour quelques temps il est habité par un couple qui vient de la Somme. Des gens qui ont la cinquantaine et se sont connus ici, en vacances, il y a seulement quelques années. Pour eux aussi le séjour est provisoire. Ils sont là parce qu’ils font construire dans le coin. Tous les jours ils vont voir le chantier de leur maison qui avance. Je les aperçois le matin lorsqu’ils partent et le soir lorsqu’ils rentrent. Ils ne m’ont pas sauté dessus pour m’obliger à écouter leur vie, et ça aussi ça me va.

La dame a apporté toutes ses plantes. Elle a hâte de pouvoir emménager. Elle m’a raconté que son vieux chien est mort il y a quelques mois. Elle a maintenant deux chats qui viennent d’un refuge et lui causent du souci car ils sont très craintifs.

Hier, le gérant et sa femme sont allés couper l’eau dans tous les chalets inoccupés. Ils ont également fermé tous les volets. Chaque année les mêmes gestes à la mi-novembre, en prévision du gel. C’est donc officiellement le début de la période du froid.

Le chalet est bien isolé, bien chauffé. C’est une baie vitrée qui sert d’entrée. Elle donne sur une terrasse où je prends mon café le matin – même s’il pleut. C’est également là que je bois mon verre de Cahors le soir. Je me sens toujours bien à ce moment de l’année où la nuit tombe de plus en plus tôt, et je ne crois pas que je pourrai jamais revivre en ville. Pourquoi lutter contre un besoin de silence qui est le plus fort ? L’espace d’un hiver, je ne veux rien d’autre que ça. Vivre loin de tout, ne connaître personne et pouvoir regarder les étoiles sans user une seule goutte de salive.

  ( juillet 2008)


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