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D comme Déportation, D comme Délation...

Publié le 18 mars 2010 par Araucaria
D comme Déportation, D comme Délation...    
Dans mon quotidien régional, Corse Matin, je lisais hier le compte-rendu des obsèques de Jean Ferrat. Je n'avais pas voulu suivre à la télévision les hommages qui lui ont été rendus, je ne me suis pas précipitée non plus pour acheter un de ses CD. Jean Ferrat, ses chansons engagées ou ses mélodies, je les ai entendues dès ma plus tendre enfance sur notre poste de TSF,  souvent je les fredonne, et il en sera toujours ainsi...
Il se trouve que sur la dernière page de ce même journal un grand titre a attiré mon attention : André Halimi : "Entre 3 et 4 millions de lettres de délation sous l'Occupation".... J'ai tout de suite pensé à ces ignobles corbeaux qui envoyaient leurs missives porteuses de drames et de morts à la Gestapo... Et puis tout naturellement me sont revenues les notes et les vers de "Nuit et Brouillard" :
NUIT ET BROUILLARD
  Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent
JEAN FERRAT
Quelle motivation aura poussé ces infâmes corbeaux à dénoncer des innocents? Difficile de trouver une raison à un tel comportement...mais cela me semble logique ils devaient éprouver du plaisir, oui de la jouissance, sinon ils se seraient abstenus.
André Halimi, dans cette interview nous éclaire un peu en publiant des dizaines de courriers de délation qui pendant la période d'Occupation, ont entraîné arrestations, spoliations, déportations et exécutions de juifs, de résistants et de francs-maçons. Il n'y a pas une géographie de la délation. Elles émanent de toute la France. (...) En réalité, chaque lettre porte en elle les germes de la lâcheté et de la haine.
Une lecture qui donne la chair de poule.
Comment expliquez-vous que la plupart des lettres n'étaient pas anonymes mais signées?
- Par le simple fait que les délateurs étaient persuadés que les occupants allaient gagner la guerre et ils estimaient alors qu'ils n'avaient rien à craindre.
Au début, les gens revendiquaient leur adhésion aux idées allemandes. Ils commençaient leur lettre ainsi :
"En tant que bon citoyen, bon chrétien, je dois vous informer qu'un tel écoute la radio de Londres et que tel autre cache chez lui un soldat anglais etc." Puis, quand les allemands ont commencé à essuyer des pertes, l'espoir de la victoire a changé de camp et les délateurs craignaient pour leur propre sécurité.
Un tel phénomène pourrait se reproduire, selon vous?
- Dans les mêmes circonstances, l'histoire peut, bien sûr, recommencer.
Une fois la guerre finie, la délation n'a pas disparu. C'est un mode de vie auquel on ne renonce pas aussi aisément.
Par quels sentiments êtes-vous vous-même passé à la collecte de ce courrier?
Quand on traite un sujet de ce genre, on se sent tout simplement misérable et révolté.
ANDRE HALIMI - propos recueillis par Jean-Marc Raffaelli (Corse-Matin du 17 mars 2010)
La délation sous l'Occupation - Editions Le Cherche-Midi - Collection Documents
Après la lecture de cet article, j'ai pensé que les délateurs de l'Occupation n'avaient pour instruments que du papier et de l'encre... Le téléphone était encore rare dans les foyers à cette époque... Et s'ils avaient eu le net!!! Imaginez un peu comme les délateurs pourraient être heureux et actifs à notre époque, toujours aussi lâches, mais protégés derrière un écran et tapotant allègrement sur un clavier. Le net est une bénédiction pour les corbeaux et malfaisants en tous genres. Je viens encore de le constater sur un forum où un amie blogueuse est la cible privilégiée d'une personne agressive et "très fatiguée". Avec un blog, je pensais être épargnée, les lecteurs me semblant beaucoup plus respectueux... Je me suis trompée! Il y a quelques jours un individu m'a offert un commentaire dont la prose est édifiante. Cette personne au sexe indéfini,  "Bonnasse au lit" m'a gratifié des termes élogieux de "Grosse pute salope pédale"... Blague de potache? Personne à qui j'ai pu nuire? Ennemi(e)? Faux(sse) ami(e)? Parfait(e) inconnu(e)? Je ne le sais pas, je ne cherche pas à le savoir. Je n'ai pas envie de perdre mon temps à pister une quelconque adresse IP. Grosse pute salope... je m'en fiche si ça lui fait plaisir (et ça ne peut que lui faire plaisir!) mais pédale... alors là, je lui donne un conseil à notre corbeau, qu'il fasse bien attention à ne pas se mettre hors la loi, l'homophobie est un délit!
J'ai la certitude que ce (cette) "Bonnasse au lit" a pris son pied en écrivant son commentaire. Grand bien lui fasse, ça ne doit pas lui arriver souvent! Pour en arriver à être aussi minable de lâcheté et d'aigreur, j'imagine très bien mon corbeau impuissant ou frigide, et se vengeant en crachant fiel et venin. Dans cette affaire de commentaire injurieux et déplacé il n'y a pas mort d'homme, l'auteur de ces gentillesses ne peut-être qu'un(e) mal-baisé(e) de la même engeance que celle ou celui qui va vous adresser un appel téléphonique ou un mail anonyme (ou non) pour vous apprendre que vous êtes cocu(e). Quelle grandeur d'âme, cette personne agissant toujours pour votre bien! Combien y en a-t-il eu de ses misérables pendant l'Occupation qui ont frémi de plaisir et ce sont offerts des orgasmes en écrivant leurs missives abjectes et criminelles?
"Bonnasse au lit", pendant la guerre comment aurais-tu agi?

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