Magazine Journal intime

Où on va papa - Jean-Louis Fournier

Publié le 21 mars 2010 par Anaïs Valente

Il est 1h31 ce samedi soir.  Je suis ressortie de mon lit, revenue au PC, me suis emballée en nem dans un plaid.

Comme si, viscéralement, il était impératif que je parle d'Où on va papa ce soir.  Enfin ce matin.

Trois soirs de suite que je m'endors après 2 heures du mat', deux soirs que je me réveille à 6h30 (trois peut-être ?).  Deux matins, voulais-je dire.  C'est pas bon, de dormir si peu, à mon âge, ma bonne Dame.

ça fait un bail que je voulais lire Où on va papa.  J'ignore pourquoi.  Enfin, non, je sais, parce que j'avais lu sur un autre blog Skynet que c'était magnifique.  J'ai pas d'enfant.  Pas d'enfant handicapé non plus.  Mais je voulais le lire.  D'ailleurs, faut-il avoir des enfants (handicapés ou non) pour lire un ouvrage qui en parle ?  Ridicule, un peu comme s'il fallait être tueur en série pour lire un thriller.  Ou bien handicapée pour lire Snoopy.  Donc je voulais le lire, parce qu'à chaque fois que je l'ai eu en mains, soit plusieurs fois, et que j'ai lu la quatrième (de couv', comme on dit dans le milieu, enfin j'imagine, je ne fais pas partie du milieu), j'étais au bord des larmes.  Les larmes étaient au bord de tout.

Encore mercredi, quand je l'ai acheté, j'ai relu la quatrième, comme pour me confirmer une Xième fois que oui, je voulais le lire.  Et ben mes poils se sont dressés et patatras, en plein Agora, les larmes aux yeux.

Je l'ai précautionneusement déposé sur ma table de salon, au milieu de tout mon courrier pas encore ouvert (je vis dans un bordel immonde en ce moment, chez moi, dans ma tête, dans ma vie).

Et ce soir, vers minuit.  Donc demain.  Enfin aujourd'hui.  Je l'ai lu.  D'une traite.  On dit souvent "ça se lit d'une traite", mais ça signifie plutôt "d'une traite matin et soir pendant une semaine, comme des antibiotiques".  Mais ici, c'est d'une traite d'une traite.  A la fois, ça fait, euh, attendez, 150 pages tout rond.  C'est pas un exploit de lire 150 pages.  Même sans pause pipi.  En mangeant une mousse au chocolat et en buvant un lait de soja cacaoté, mais sans quitter le livre.  Et en me mouchant.  Beaucoup.

Parce que, pleurer à la quatrième, c'était un présage.  Mais je pleure souvent en lisant.  Un peu.  Parfois dès la quatrième.  J'ai pleuré en lisant la quatrième d'une histoire d'un chat qui a vécu dans une bibliothèque et est devenu une star.  J'ai pleuré lorsqu'on dit qu'il est mort.  Donc, j'ai l'habitude, je suis une pleurnicharde, au bureau, ça se sait (j'ai encore pleuré vendredi, les trois dernières fois que j'ai pleuré, c'était un vendredi, je ne supporte plus les vendredi, keske j'en peux ?).

J'ai même envisagé de vous faire une photo de mes yeux, après la lecture.  Ça mérite peut-être une place au Guiness Book, une tête pareille après avoir lu 150 pages.  Même si, comme on me l'a dit, le Guiness Book, vouloir y être, c'est con.  Je suis conne, j'ai voulu y être, y'a des années. 

J'ai pas fait de photo, j'avais peur que vous fassiez des cauchemars.

J'ai jamais autant pleuré en lisant.  A gros sanglots longs.  Même à la fin de Et si c'était vrai, pourtant j'avais bien pleuré, dans mon lit, face à la mer (j'extrapole, j'étais à la mer, mais la chambre donnait sur une cour sombre).

J'ai pleuré à la quatrième, puis à la page 1, la 2, la 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150.  C'est du copier coller d'un site sur la Bible... mais c'est du sérieux, j'ai réellement pleuré à chaque page.  Finalement, je n'ai pleuré qu'une seule et unique fois...

Pourtant, c'est pas un livre triste.  Enfin si.  Mais non.  Du tout.  C'est bourré d'humour.  Noir.  De l'humour plein d'amour.  Débordant d'amour, malgré la rage, la culpabilité, la détresse et les déceptions.  Débordant de tout ce que personne n'ose jamais dire.  Parce que ça ne se dit pas.  Mais lui, il le dit.  Il est le père, il a tous les droits.  Le droit d'avoir des idées pas catholiques, le droit de rire d'eux, le droit de raconter les drames avec une ironie proche de la poésie.  Tous les droits.  Y compris celui d'écrire à ses enfants, qui ne savent pas lire, qu'il les aime, avec des mots incongrus pour notre bonne société bien pensante. 

C'est sans doute le plus beau livre d'amour que j'aie jamais lu.

Ben voilà, je ne vous ai pas vraiment parlé de Où on va papa, je vous ai parlé de moi lisant Où on va papa.  Parce que les livres, c'est du contenu.  Et puis c'est aussi ce que les lecteurs en font, peut-être.  On ne parle pas d'Où on va papa, on le lit.  Et on pleure.  Pas de tristesse, d'émotions, avec s.

J'avais pensé vous mettre quelques extraits, les plus drôles, les plus touchants, car cela va quasi toujours de pair.  Mais en fait, j'ai envie de tout recopier, parce que tout m'a fait rire, tout m'a touchée, tout m'a fait pleurer, je vous l'ai dit, de la page 1 à la page 150.

Si je devais partir sur une île avec un seul livre, jusqu'à ce soir, je ne parvenais pas à choisir (non, je ne prendrais pas un des miens, je ne les relis pas, j'y trouve à redire sur chaque phrase, que j'aurais dû écrire autrement, tout bien réfléchi).

Depuis ce soir, je sais.

On m'a dit récemment que les gens drôles (j'avais écrit drôlent, on va dire que c'est à cause de l'heure tardive) sont, au fond d'eux, les plus tristes (enfin c'est pas ça qu'on m'a dit exactement, mais c'est ainsi que je l'ai compris).  Vu que je me trouve souvent drôle, avec mes blagues foireuses, ça m'angoisse, passque j'ai été pathologiquement triste durant toute la lecture, n'est-ce pas docteur ?

Il est 1h49.  Je me sens vidée.  Au dodo.  Avant 2 heures.   

ouonvapapa



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