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Le Phalène et le Flambeau

Publié le 23 novembre 2007 par Laura Dove

Nous sortîmes sous les nuages, que le bonheur parait à mes yeux d'une douceur cotonneuse. J'aimais la brume qui nous enveloppait, j'aimais les vestiges flamboyants de l'automne, j'aimais les effluves des étables charriées par la brise, et plus que tout, j'aimais Eléonor. Les yeux de ma mie brillaient dans la pénombre, joyaux étincelants dans leur écrin de cils. Elle réclama de voir ma vitesse, et je lui fis traverser les champs plus vite que le vent; elle voulut constater ma force, et je soulevai pour elle troncs d'arbre et rochers. Son rire cristallin résonnait entre les collines et je louai le Ciel que nulle âme aventureuse ne rôdât à cette heure. Je flottais dans une mer de béatitude que rien ne pouvait assécher. Enfin, nous retournâmes à sa chambre et conversâmes jusqu'à ce que l'approche de l'aube me chassât.

Cinq nuits durant, nous nous retrouvâmes en secret, tantôt dans les ténèbres complices du jardin, tantôt dans le confort de ses appartements. Je ne l'abandonnais à contrecœur que pour mieux la retrouver le soir venu. Au cœur de la nuit, toutefois, je m'éclipsais afin de la laisser prendre un peu de repos -- et de satisfaire à mes sinistres besoins. Par prudence, je me nourrissais plus que nécessaire: le parfum de la peau de mon aimée m'enivrait trop pour ignorer mon angoisse d'y céder. Je vous ai déjà dit que la simple proximité d'un mortel éveille en nous le désir de son sang; mais quand s'y ajoute une attirance plus érotique, la tentation devient intolérable pour un jeune vampire. Cependant, ma volonté tint bon.

En ce soir du 12 novembre 1355, Eléonor accueillit ma venue assise sur son lit. Bien qu'elle fût habillée, ses cheveux dénoués caressaient ses épaules comme une invitation. Je m'installai à ses côtés, plus troublé que je ne voulais bien le laisser paraître, mais alors que je tentais de badiner pour me distraire de mes désirs, elle s'approcha, si près que je sentais son souffle réchauffer mon visage. Sa peau exhalait un arôme capiteux.

« Qu'attendez-vous, mon bel amant? » murmura-t-elle.

Comme je demeurais pétrifié, elle s'approcha encore et posa ses lèvres sur les miennes pour le plus délicieux des baisers.

Je m'abandonnai dans ses bras.

Par Fabien de Montargy


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