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Les Vanupieds (36)

Publié le 03 avril 2010 par Plume

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Elle ne ralentit sa course que quand elle se trouva suffisamment loin de la maison en ruine, et respira profondément, éclatante de bonheur. Enfin libre d’aller où bon lui semblait, comme autrefois !

Alissa se donna jusqu’à la nuit. Elle leva les yeux vers le ciel et plissa son petit nez légèrement retroussé : oui, elle avait du temps devant elle. Le soleil était encore haut. Elle ne s’inquiéta pas outre mesure des gros nuages noirs particulièrement menaçants qui masquaient l’horizon, et se mit à gambader joyeusement entre les pantalons et les jupons, jolie petite fille aux boucles dorées et au sourire radieux.

Mais qui s’en souciait ?

Alissa ne se préoccupait guère de leur indifférence et leur mépris. Elle leur affichait les siennes sans complexe et allait en chantonnant le long des hauts murs de pierres, rongés par les pluies de l’hiver. Ses bottes de peau, achetées dans cette même ville juste avant l’accident, sautillaient l’une après l’autre sur les pavés.

Elle passa devant une vitrine tout illuminée et reçut en pleines narines la succulente odeur de pain chaud qui réveilla aussitôt sa faim. Rayonnante de joie, elle se haussa sur la pointe des pieds, et, les mains agrippées au rebord en tuiles rouges, écrasa son visage contre la vitre.

A perte de vue, des étalages de bonbons multicolores, de boules de chocolat, de pains encore fumants et de gâteaux recouverts de crème… Hypnotisée, Alissa sentit l’eau lui venir à la bouche et entendit le grondement de son ventre. Elle contempla avec envie les enfants en costume qui, aux bras de leur mère ou gouvernante, déambulaient avec indifférence au milieu de toutes ces merveilles appétissantes, hésitant à choisir entre le bonbon sucré à souhait ou le pain grillé.

L’un d’eux, l’air plutôt arrogant de ces enfants auxquels la haute société ne refusait rien, l’aperçut, collée à la vitrine. Il sembla sur l’instant surpris, puis un sourire narquois sur les lèvres prit un chocolat et l’engouffra. Sous le regard envieux de la petite fille en guenille, il prit un immense plaisir à le déguster, longuement le faire tourner avec sa langue, au point qu’un filet de salive chocolatée se mit à couler le long de son menton, longuement le savourer avec ce plaisir évident sur les joues, avant de lui tourner le dos avec toute l’importance dont il se croyait investi et en prendre séance tenante un autre tout aussi succulent.

Le cœur serré, au bord des larmes, Alissa baissa la tête et un tremblement douloureux secoua son corps amaigri.

Brusquement une main immense s’abattit sur ses frêles épaules :

« Et toi, qu’est ce que tu fais là ? »

Alissa sursauta et, saisie de frayeur, pivota sur elle-même. Un homme de haute taille la regardait d’un air courroucé, ombre gigantesque sous son chapeau haut de forme. Epouvantée, la fillette voulut s’enfuir. Mais ses doigts lui broyèrent implacablement l’épaule et la secouèrent sans ménagement :

« Tu attendais l’occasion pour me voler, hein, sale vermine ? Déguerpis d’ici au plus vite ! »

Il la jeta brutalement dans le caniveau :

« File, t’as compris ? Et que je ne te vois plus roder dans le coin ! »

Alissa se remit debout péniblement, grimaçante et étourdie de son rude contact avec les pavés. Sans s’attarder sur son malaise, elle partit en courant dans la rue aussi vite que le lui permirent ses petites jambes, au milieu des gens qui, totalement indifférent à ces scènes quotidiennes, hâtaient leurs pas vers leur demeure. En effet, le vent s’était levé, balayant la poussière, les ordures et les feuilles mortes. Les gros nuages noirs s’amoncelaient sur les toits de la ville…


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