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Interview de Francis Parent par Pierre souchaud

Publié le 08 avril 2010 par Sculpteur @jongleurenclume

logo_artrinet.gif Un fabuleux moteur de recherche
Une nouvelle approche de la critique d’art
Une réouverture du regard sur la création actuelle

amateurs, collectionneurs, galeristes, commissaires, d'expositions, critiques...Un entretien de Pierre souchaud d'Artension avec Francis Parent *, concepteur d’Artrinet
Critique d’art. Membre de l’AICA. Préfacier et commissaire de centaines d’expositions. Auteur de…

Artension : Je me suis plongé dans le site Artrinet, comme dans une grande forêt, où
les 2 ou 3000 artistes qui y figurent sont comme autant de fleurs ou végétaux divers.
J’y ai passé une bonne heure. C’est extraordinaire, inédit, génial. On a une vision à
la fois panoramique et intime de la création artistique actuelle, de sa richesse, de la
multiplicité de ses espèces, de ses familles, de ses filiations, de la profusion
créatrice… On s’y promène librement dans les images, et pourtant on ne s’y perd pas,
car chaque découverte est parfaitement située dans l’ensemble du paysage artistique
mais aussi dans l’histoire de l’art. Il faudrait vraiment qu’Artrinet soit au
programme de toutes les écoles d’art !

Ce travail assez révolutionnaire que vous avez fait suppose une bonne connaissance
du milieu ?

Francis Parent : C’est en effet le fruit de trente ans d’expérience de critique d’art de
terrain, trente ans de proche fréquentation des artistes et des galeries, d’organisation
d’expos, de prospection et de cueillette dans tous les recoins de la  forêt comme vous
dites, d’interrogations sur les « raisons » de l’artiste, sur ce qui lui fait faire ceci plutôt
que cela, etc.

Ar. : Avez-vous fait ce travail comme un botaniste fait une flore, pour faire partager
sa connaissance et sa passion aux amoureux des plantes et les guider parmi toutes
les espèces ?

F.P. : C’est un peu cela pour le côté artistique, mais pour le côté pratique c’est 
d’abord une commande de Philippe Sauvant Magnet et Etienne Caveyrac de la
 société Active-Art qui m’ont demandé de concevoir  un moteur de recherche qui
permette aux amateurs d’art, aux galeristes, au programmateurs  d’expositions, etc.
de s’y retrouver un peu mieux dans le dédale de l’art vivant et ainsi de trouver plus
facilement ce qu’ils cherchent.

Ar. : C’est donc à la fois une cartographie et une classification ?

F.P. : Exactement, un peu comme un botaniste en effet, mais ici sans jugement
esthétique, et à partir de caractéristiques totalement objectives. Mais je ne peux bien
entendu prétendre à la rigueur scientifique ou méthodologique du botaniste…car les
artistes ne sont pas des végétaux !

Ar. ;  Alors comment vous y êtes-vous pris  pour les classer, eux qui sont par nature
inclassables ?

F.P. : Il m’a fallu une longue réflexion avant de retenir 4 axes ou dimensions
essentielles pour appréhender cet espace de l’art, un peu comme celui de l’espace-
temps où nous vivons.

Le premier axe est celui que j’appelle du « Formalisme », un formalisme apparent de
l’œuvre qui va, en gros, de l’abstraction la plus totale à plus ou moins de figuration
ou de réalité. Le deuxième, celui de la « Matérialité » de l’œuvre,  qui va du plus
immatériel (p.ex. ; la vidéo) à l’objet bien réel de la quotidienneté (p.ex. ; les « Ready
made »). Le troisième concerne le rapport «Investissement corps/esprit » dans l’œuvre,
qui va de la pensée pure, du concept, à celui de l’expression du corps, des « tripes ».
Le quatrième est celui de la « Communication », c’est-à-dire de la volonté ou non de
passer à travers cette œuvre un message et la nature de ce message, qui peut aller du
plus spirituel au plus sociétal ou politique.

Ar. : Sur chaque axe vous avez donc déterminé des niveaux, des codifications repères?

F.P. : Oui, sur chacun il y a plusieurs subdivisions caractéristiques, comme les gènes
sur une chaine chromosomique, comme des molécules d’ADN, comme des
ingrédients élémentaires qui caractériseront la composition des œuvres. Ainsi celle-ci
peut elle être repérée par chacun des gènes appartenant  à l’un des quatre axes.
Chaque artiste se voit donc proposer une analyse de tous les ingrédients qu’il
emploie, obtenant à la fois sa carte génétique et sa localisation dans l’espace et
l’Histoire de l’art.

Ar. : Cette analyse du travail de chaque artiste ne se fait pas mécaniquement, je
suppose. Comment vous y prenez-vous ?

F.P. : Evidemment ; pour appréhender une œuvre, quelle qu’elle soit, il faut « rentrer
dedans ». Pour chaque nouveau postulant je vais donc visiter son site internet et ce
n’est qu’après l’avoir visionné de fond en comble que je décide des diverses
annotations à mettre sur les divers axes.

Ar. : Peut-on assimiler ce travail à celui d’un Critique d’art ? Sinon en quoi est-ce
différent ?

F.P. : C’est un vrai travail de Critique dans le sens qu’il faut entrer complètement
dans l’univers de l’artiste pour en analyser tous ses ressorts et ensuite les transcrire
en annotations objectivement « neutres » De ce point de vue, les caractérisations ainsi
définies pour chaque axe peuvent très bien être mises bout à bout et former une
« critique » tout à fait opérante de l’œuvre de l’artiste. Evidemment il n’y aura pas là,
la poétisation, la dramatisation (etc.) ou tout simplement le « passage de pommade »
que peut mettre un critique pour écrire sur tel artiste…

Ar. : Mais  les artistes ne craignent-ils  pas d’être fichés comme cela, réduits à cette
sorte de surdétermination congénitale ?

F.P. : Non semble-t-il, car ils savent bien que la démarche artistique, c’est comme
celle de la vie, qu’elle est obligatoirement surdéterminée par l’héritage parental,
l’inné et l’acquis d’enfance, etc. Ils savent que la création n’est pas là, dans cette
matière première, mais dans la façon de la dépasser, la mettre en forme, la
transcender…et cet aspect là des choses bien sûr, qui est de l’ordre de l’ineffable,
n’est pas codifiable.  Mais ce que les artistes ont compris aussi, c’est l’intérêt et
l’efficacité d’une telle méthode pour qu’on puisse les  trouver à travers ce moteur de
recherche. Imaginez : je suis galeriste ou collectionneur et je suis à la recherche de tel
type de  création. Comment faire pour trouver celle-ci parmi celles de millions
d’artistes proposés sur internet  via des milliers de sites ou de portails !??

Et bien avec Artrinet, en quelques clics, par simple choix visuel à partir d’un panel de
quelques œuvres représentatives des diverses familles, je suis guidé simplement vers 
l’artiste ou le groupe d’art qui correspond à mes goûts. Les gens qui veulent se
promener dans la forêt pour cueillir des fleurs savent quel chemin prendre pour
trouver la famille.

Le moteur ne permet pas seulement de trouver l’artiste et de se diriger vers son site,
mais il regroupe toutes les fonctions d’une centrale de gestion de la communication
de l’artiste. Et, contrairement aux autres moteurs de recherche, il donne à l’artiste des
outils pour concevoir et administrer l’information à présenter au visiteur et annoncer
ses expositions.

En outre, au-delà de cette facilitation du contact avec le public, la vertu d’Artrinet est
aussi de révéler l’étonnante diversité de la création, de montrer cet extraordinaire
achalandage pour dynamiser et élargir un marché intérieur. Lequel a beaucoup
souffert ces dernières décennies de la domination esthétique et idéologique  du
grand marché spéculatif et de son corollaire institutionnel, pour une occultation de la
diversité au profit de la rareté ainsi survalorisée.

Ar. : Les produits labellisés « Art officiel » ou « Financial art », peuvent –ils être
classifiés dans Artrinet ?

F.P. : Mais bien évidemment ! Comme tout type de création puisque cet outil est
« neutre ». Et c’est alors que l’on voit qu’ils n’occupent qu’un tout petit segment dans
le  paysage global. C’est là également que l’on peut repérer les quelques ingrédients
nécessaires pour fabriquer les produits labellisés… !

Ar. : Êtes-vous conscient du caractère révolutionnaire ou subversif de votre système ?

F.P. : Je crois qu’en effet, outre des actions plus spécifiques, dès qu’on s’emploie à
montrer la réalité des choses, à faire accepter les différences, à ouvrir et démocratiser
le regard, à donner une vraie information,  on peut être qualifié de subversif.

Propos recueillis par Pierre Souchaud

Ce texe est mis en ligne avec l'autorisation de Monsieur * Etienne Caveyrac de Artrinet

* J'ai rencontré Etienne à l'époque ou il était directeur des arts visuels de l'American Center,
ensuite il a été conseiller du proprietaire des Jardins du Manoir d'Eyrignac, monument historique,
il est aussi l'auteur d'ouvrages pratiques et methodologiques sur la communication dans le
domaine des arts visuels.

Un exemple d'analyse, je préche pour ma paroisse! Alain Vuillemet sculpteur sur Artrinet


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