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La fiche culture de Kerdef n°1 - Berêshîth

Publié le 15 avril 2010 par Thebadcamels

La fiche culture de Kerdef n°1 - BerêshîthLes Bad Camels te proposent aujourd’hui la première fiche d’une série destinée à te faire briller dans les salons parisiens. Nous commencerons par le début : la Genèse. La base de la base pour la crème de la crème, nous te connaissons fidèle lecteur. Nous savons que tu aimes la Culture.
Le texte que tu vas lire fourmille d’anecdotes Intelligemment buvardées, elles te permettront de paraître aussi savant qu’un lecteur de Chronic’art. Appris par cœur, tu deviendras une véritable arme de guerre, une bombe intellectuelle pour focaliser l’attention sur toi dans un dîner, obtenant ainsi œillades et admiration de tes voisines surpris par tant d’érudition. Pour cela, il conviendra d’affecter un air nuancé. Lpetite touche secrète du cuistreo consistera à réussir à débiter tout cela d’un air neutre et pénétré Mais attention à ne pas te faire couper! Rien n’est plus désagréable que d’être interrompu par un fâcheux et de perdre le fil de ses pensées. Assez parlé, concentre-toi et «repeat after me»:
Le sujet que je vais traiter est vaste. Il est probable qu’une existence entière ne suffirait pas à introduire correctement une matière si abondante. C’est humblement que je plonge de nuit dans des eaux d’une profondeur insondable éclairées par une lune câline. Les paroles de Qôhéléth dans l’Écclésiaste suffisent à exprimer mon sentiment :
Ce qui a été est ce qui seraet ce qui s’est fait est ce qui se fera:il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Qu’il y ait quelque chose dont on dise:vois ceci, c’est nouveau!Cela a déjà été aux siècles qui furent avant nous.
La Genèse est le premier des cinq livres du Pentateuque que la tradition attribue à Moïse. Elle narre la création du monde puis la vie des différents patriarches jusqu’à la mort de Joseph enterré en Égypte.
La tradition hébraïque veut que l’on nomme l’ouvrage par le mot qui débute le récit. Voici pourquoi on utilise le nom de Genèse venant du grec et du latin genesis. Le terme berêshîth signifie «Au commencement»  en hébreu. Le Pentateuque, quant à lui, a pour racine le mot grec ancien«πέντε», pénte, qui signifie cinq; il a été écrit originellement en hébreu. Il occupe une position centrale dans la littérature religieuse juive. Les quatre autres livres du Pentateuque sont respectivement l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deuteronome (deuxième loi).
Une version grecque, appelée les Septante, remonte au troisième siècle avant notre ère, son objectif était de permettre la pratique liturgique des juifs hellénisés d’Alexandrie qui ne comprenaient plus les textes sacrés. Le mythe à l’origine de cette traduction est intéressant: Ptolémée de Philadelphe aurait demandé à 72 érudits provenant des douze tribus d’Israël de venir traduire le texte. Pendant 72 jours d’isolement sur l’île de Pharos, ils auraient travaillé séparément pour tous aboutir à un résultat identique. Le ciel pleura de joie devant cette merveille
Le canon juif s’est constitué environ un siècle avant Jésus Christ. C’est donc à cette période que les textes sacrés, c’est-à-dire ceux qui «souillent les mains», sans connotation péjorative, ont été retenus. Ces textes provenant de diverses sources, ont été choisis et fixés pour permettre une transmission homogène de la tradition.
Diverses étapes antérieures se sont étalées sur plusieurs siècles sans que l’on sache avec exactitude comment tout cela s’est opéré. Le passage d’une tradition orale avec ses chants, sa poésie primitive à une tradition écrite a nécessité de rassembler des textes qui pouvaient être contradictoires ou bien des idées qui n’étaient plus acceptables. Ce redécoupage puis réassemblage en un tout cohérant a été effectué avec beaucoup de doigté mais il n’a pas effacé toutes les traces des différents matériaux hérités d’une longue histoire. On le date généralement vers le cinquième siècle avant Jésus Christ. Les éléments les plus visibles de ces origines composites se retrouvent dans les récits parallèles ou dans les différents noms utilisés pour dieu qui permettent d’identifier des séquences narratives distinctes.
C’est à partir de ces analyses que les principaux critiques scientifiques de bible hébraïque ont émis l’hypothèse d’une multiplicité des rédacteurs. Ainsi, un auteur Élohiste qui vient du mot Élohim,«Dieu» apparaît dans le premier récit de la création et un auteur Jahwiste de Iahvé, Dieu national d’Israël dont le nom sera révélé à Moïse, intervient dans le second récit de la création. Une autre couche, celle du Code Sacerdotal, vient s’ajouter  plus tard à ces cycles de narration qui forment des entrelacs difficiles à débrouiller. Chacun des auteurs cherche à mettre l’accent sur des valeurs et des conceptions qui lui sont propres avec une langue et des nuances particulières sans que cela soit pour autant clairement discernable.
Nous ne rentrerons pas dans les détails mais il faut bien percevoir la construction du récit biblique comme une mosaïque qui prend ses racines il y a plus de trois mille ans pour aboutir à une mise en forme finale qui s’est répandue et stabilisée à travers les siècles grâce au concours des scribes comme l’école des Massorètes, par exemple, où l’enjeu principal consistait à fixer le texte biblique par toute une série de techniques de retranscription.
Bien sûr, pour comprendre parfaitement toutes ces évolutions, il faut être capable de maîtriser l’hébreu mais aussi une solide connaissance des autres langues sémites comme l’araméen s’avère rapidement indispensable. Vous pouvez rajouter à cela des études approfondies des anciennes religions polythéistes du Moyen-Orient. Je pense que cela constitue un bagage suffisant pour une première approche de ces textes d’une rare complexité. Il suffit pour s’en convaincre de plonger dans l’épopée de Gilgamesh enakkadien, mythe provenant de la Babylonie au dix-huitième siècle avant notre ère,  pour trouver des similitudes troublantes avec certaines histoires de la Genèse comme le déluge
Il est certain que les origines des récits bibliques sont en partie influencées par le milieu dans lequel elles ont vu le jour. Cependant, la radicale nouveauté du monothéisme juif dans l’univers des religions païennes réside dans l’absence de théogonie et une séparation fondamentale du créateur avec la nature qu’il crée et qui lui est seconde. Ces idées sont développées au XXième siècle par Yehezkel Kaufman avec beaucoup de force. C’est cette séparation de dieu d’avec la nature que Baruch Spinoza avait pourtant rejetée avec violence avec sa célèbre formule «Deus sive natura». Pour comprendre tous ces enjeux, il faut prendre son bâton de philologue pour essayer de retrouver ou plutôt de deviner les sens perdus des textes sacrés.Le Pentateuque joue également un rôle fondamental dans l’Islam. Cependant, si les musulmans affirment que Dieu a bien délivré sa parole à Moïse, ils considèrent que celle-ci a été corrompue par des ajouts et des réécritures dans le canon de la bible hébraïque. Mais cela ne diminue en rien l’importance des patriarches. Par exemple, le personnage d’Ismaël, qui signifie «Dieu entend», fils d’Hagar, premier né d’Abraham, est considéré comme le père de la descendance des arabes dans la tradition islamique.
Pour les chrétiens, un évènement important s’est déroulé dans le courant de la seconde moitié du IVème siècle. Le pape Damase confia à Saint Jérôme la traduction en latin de la bible hébraïque. Il lui faudra plus de quinze années pour achever son travail. Cette version est devenue la version officielle de l’Église Latine connue sous le nom de Vulgate. L’appellation chrétienne d’Ancien Testament est par ailleurs connotée puisqu’elle crée implicitement une hiérarchisation. C’est pourquoi l’expression neutre de bible hébraïque a été utilisée dans ce texte.Article savamment rédigé par le prince de l'érudition, Kerdef.

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