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Le gouvernement des faiseurs de "marketing"

Publié le 16 avril 2010 par Hermas

Voici trois anecdotes qui nous paraissent assez éclairantes sur la situation de notre société.

Premier épisode : qu’on le sache ou qu’on l’ignore – au fond, cela est probablement égal – M. Luc-Marie [apparemment, le Marie est désormais abandonné] Chatel est ministre de l’éducation nationale. On dit beaucoup de choses de cette institution. Peu de bien. Au travers de l’expérience de ces quarante dernières années, elle offre surtout l’image d’une formidable usine à gaz et à décérébrer. Mais enfin, rien n’interdit de porter sur elle un regard naïf. Ceux dont elle a laissé la connaissance de la langue française à peu près intacte pourront penser que l’éducation nationale a vocation à “éduquer”, c'est-à-dire, selon l’étymologie latine, à “élever”. Bien que cela ne soit guère d’évidence, cette vocation à “élever” est d’ordre culturel. On peut donc encore penser, naïveté toujours, que le fonctionnaire chargé de cette noble tâche “nationale” soit un homme pour le moins docte, à défaut d’être sage. Un homme de savoir, de réflexion et de culture, qui soit à même d’entrer, en quelque sorte par connaturalité, en intelligence avec les finalités de sa mission.

Il est dès lors assez intéressant de consulter le “cursus” de ce M. Chatel. Né aux Etats-Unis, il a fait des études de… gestion à l’Université Paris I pour décrocher un DESS de “marketing”. Puis il est entré dans le groupe L’Oréal, où il a exercé des fonctions en rapport avec cette formation humaniste, et celles de “directeur des ressources humaines”, autrement dit, selon le jargon initialitique à la mode, de “DRH”. M. Chatel est aussi connu, dit-on, pour être spécialisé dans les problèmes de consommation. Voilà l’homme de sagesse et de culture que le gouvernement de la République française a commis à l’éducation de la Nation. Cherchez l’erreur. Les méchantes langues disent que le ministre aura pour le moins tiré de cette enrichissante expérience intellectuelle l’art de la crème, ou de la pommade. De fait, M. Chatel a été porte-parole de l’UMP et il est porte-parole du gouvernement.

Deuxième épisode : cette fois en terrain plus connu. Nul n’ignore que le divorce est une institution bien établie en France. Présenté comme un droit d’évidence et le garant de la liberté des individus par rapport aux liens du mariage civil, le divorce est en réalité une machine à fracasser les familles, les psychologies – en particulier des enfants qui en sont victimes – et les repères moraux. Or voici Dame Pervenche Dupond qui vit un divorce sanglant avec M. Archibald Dupond, son époux tant aimé cinq ans plus tôt. Tout se passe mal, et le Monsieur, qui ne dédaigne pas d’être catholique fervent à ses heures [dans ce domaine aussi, il y a du temps partagé], se montre odieux avec Pervenche. Il faut passer devant le juge.

Là encore, que la petite voix naïve s’élève : un juge est un magistrat. Il exerce un magistère, par l’exercice d’un pouvoir qui est une émanation du pouvoir politique, ordonné à rendre la justice. La justice : rendre à chacun ce qui lui est dû, art difficile et noble tâche, qui réclame une fermeté et une exactitude de jugement que seule confère la vertu qui lui est adaptée. Art qui réclame aussi de la hauteur de vue et, bien évidemment, de l’indépendance. Or voici que les époux Dupond comparaissent devant M. Arsène Codifiet. En fait de juge indépendant, haut dans ses vues, magistrat, M. Codifiet vient lui-même de divorcer de cette garce de Chloé, au terme d’une procédure déchirante. Ce juge ne devrait-il pas s’occuper d’autres choses que de juger des divorces ? Eh bien non. Cherchez l’erreur.

Troisième épisode : voici un jeune enfant de 8 ans soustrait à la garde de sa mère, immigrée de fraîche date, parlant à peine le français, et réputée par l’Administration toute puissante être incapable d’exercer ses devoirs maternels. Depuis cinq ans, cet enfant est placé dans une famille d’accueil, qui en tire 1.000 euros par mois, et multiplie ses gains avec d’autres enfants. La mère a moins de droits pour voir son enfant que n’en a une femme lambda pour aller visiter en prison son criminel de mari. Lorsqu’elle cherche à téléphoner à l’enfant, la conversation est surveillée, “médiatisée”, selon le jargon de l’Administration, dont l’agent instrumentaire décide discrétionnairement de ce qui peut être dit et de ce qui ne doit pas être dit. Nous sommes en France, naturellement, pas en ex République Démocratique Allemande.

Survient, encore une fois, petite Naïveté : bien sûr tout cela est difficile, mais sans doute nécessaire, pour le bien de cet enfant qui fait partie des quelque 70.000 enfants dont s’occupe ainsi l’Administration, pour des cas souvent dramatiques. D’ailleurs, à n’en pas douter, l’enfant doit être dans une famille exemplaire, et puisque la mère est catholique, sans doute cette famille l’est-elle aussi, qui doit veiller à ce que l’enfant fasse ses Pâques et reçoive une éducation chrétienne – respect de la liberté religieuse oblige. Il n’est pas douteux non plus que les personnes qui jugent si la mère peut ou non voir son enfant et apprécient sa capacité à être mère sont elles-mêmes des mères irréprochables, de familles unies, pleines de sagesse, exemplaires. Flûte, patatras !… voilà que petite Naïveté vient de s’étaler de tout son long ! Quelle glissade ! Eh non, là encore, que nenni. La famille d’accueil, qui concubine, n’a que faire de ces considérations, l’enfant a bien assez de sa télé, et puis ce ne serait pas facile d’emmener à la fois ce petit à l’église et ses “frères” de sort à la mosquée. Quant aux personnes qui s’autorisent à juger de la capacité de la mère à être telle, et de la qualité de sa “relation maternelle”, la charité commande de ne pas s’attarder sur ce point, mais de modèle de mère et d’épouse, et de famille, cela ne doit pas être prévu par les règlements de l’Administration. L’image même de ce que représente une famille ou une mère pour un chrétien paraît être totalement étrangère à ce monde et à ses valeurs. Cherchez une fois encore l’erreur.

Petits épisodes, petites anecdotes, mais significatives. L’humain, ici est là, est gouverné par la gestion, le marketing, cette résorption des fins dans l’utilitaire. Il suffit, pour ainsi "marketer", de savoir manier les instruments mis à votre disposition. Le reste, au fond, n'est que secondaire. L'essentiel est que la Machine tourne.


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