Nocturne

On pourrait croire que le deuxième enfant profite de l'expérience prise sur le premier. Mais non. On a tout oublié. Ou presque. Surtout les instants difficiles, noyés dans les bons souvenirs (sinon, je crois qu'on ne ferait pas le deuxième).
Je me faisais cette réflexion, la nuit dernière, debout dans le salon, avec Martin dans les bras.
T'es à moitié nu. Et au moins autant endormi. Il est quatre heures du matin. Tu t'es dépêché d'aller chercher le petit qui commence à pleurer parce qu'il vaut mieux éviter d'attendre qu'il se soit complètement réveillé. Sans parler de sa grande soeur. Il faut chercher la tétine à tatons et emporter ton petit chéri aussi loin que possible des deux autres occupants de l'appartement. Le bercer. Le porter. Remettre sa tétine. Le balader. Lui tapoter les fesses. Remettre sa tétine. Lui caresser la joue. Lui frotter le ventre. Lui fredonner ce qui vous passe par la tête. Remettre sa tétine. Au bout d'un temps plus ou moins long (mesuré à la petite horloge du magnétoscope, difficile à lire sans tes lunettes), le petit s'endort. Normalement, juste au même moment que la crampe dans ton bras droit se réveille. A ce moment, le Papa novice déposerait le petit dans son lit et repartirait se coucher. Mais le Papa expérimenté sait que rien n'est plus relatif que le sommeil d'un nourrisson. Alors tu trouves un moyen, n'importe quoi, pour reposer ton bras et avoir la force d'attendre suffisamment longtemps pour que tout le travail ne soit pas à recommencer 10 minutes plus tard. Faut-il se fier à la respiration du bébé ? Au relachement de ses membres ? Au degré de fermeture de ses paupières ?
Ne vous en faites pas. Il suffit de faire confiance à l'hérédité : c'est au moment où tu t'endors complètement, le front appuyé sur la bibliothèque, le bras soutenu par une pile de coussins, que ton fils est prêt à quitter tes bras pour retrouver son petit lit.
Et, avec un peu de chance, il reste un peu plus de 30 minutes avant que le réveil ne sonne.