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Je ne brille pas, j'allume.

Publié le 25 avril 2010 par Acidbubbles

658dans-ta-gueule.gifDans le domaine professionnel, la nonchalance ou l’excès de confiance ne sont que rarement louables et salués. Mais les miens rassurent, confortent, parce que je me branle de tout. Mais toujours avec beaucoup d’assurance, et un brin d’arrogance. Et lorsque je dois intervenir en public, quand bien même la situation est tendue, mon petit air circonspect étouffe la moindre velléité de critique. Même si je n’ai rien d’intéressant à dire, et que je confisque néanmoins la parole. Je berce les gens en les bombardant d’idées et de concepts futiles savamment formulés, ponctués de marqueurs discursifs imparables lorsqu’il s’agit de les faire hocher de la tête, abonder en mon sens. Un petit regard complice, ou un clin d’œil furtif envers les « puissants », chirurgicalement administrés, ne passeront jamais inaperçus. Captés au vol par l’assemblée, ils achèveront préventivement d’éventuels frondeurs soucieux de s’attirer la bienveillance du Prince. Du coup, je passe pour un intime, ou pour la « garde rapprochée ». Alors c’est moi qu’on courtise. Je leur souris avec insistance, pour éviter qu’ils se réveillent, et leur montrer combien ils ont besoin de moi quand tout va mal. Mais un jour mon imposture s’arrêtera. Quelqu’un qui me ressemble saura détourner le cours de mon fleuve d’inepties, qui ira mourir dans une mare où pataugent les plus dignes représentants de l’art de paraître et de tromper. Ce verre d’eau dans lequel se noie la superficialité qui voulut boire la mer. Celui-là éteindra la mèche d’un bâton de dynamite réduit à l’état de misérable pétard mouillé. Je ne serai alors plus que le projectionniste ambulant de la grandeur imaginaire, et perdue, d’un orateur perpétuellement anonyme.

Mais mon métier, c’est « porte-flingue ». Celui dont je parle de manière évasive lorsque je suis en représentation, et que je tais quand on me demande ce que je fais dans la vie. Et comme je ne ressens ni les joies, ni les peines, j’ignore encore ce que « tu vas le regretter » peut bien vouloir dire. Alors j’exécute des missions stratégiques comme si je préparais un collier de nouilles pour ma mère. Tout est dans le bluff, comme au poker. Sauf que, quand on relève du droit pénal des affaires, ou du pénal tout court, au mieux c’est un strip poker au terme duquel on se retrouve à poil. Au pire, c’est un duel qui se finit à la roulette russe. Et cette semaine, j’ai eu mon quota de bouffées de chaleur. L'étau, l'espace d'un instant, a semblé se resserrer. Ca sonne comme un coup de bluff en guise d’avertissement irréfléchi, compulsif et désarmé. Comme un aveu d'impuissance. Comme quelqu’un qui prétend vouloir foutre une gifle avec une main qui tremble. Puis, une nouvelle imprudence de ma part. Si ce n’est une provocation amusée. Mais on est jamais à l’abri des teigneux, et encore moins de la justice. Alors je suis peut-être un comédien. Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette… Mais j’ai les couilles bien accrochées. Et pas grand-chose à perdre, finalement. Sinon ce qu’il me reste à gagner. Et je ne sais rien faire d’autre. Je devrais m’estimer heureux, on me paie pour jouer ; un jeu d’enfants aux règles édictées par d’intraitables (et irritables ?) adultes à la fréquentation peu recommandable. Jusqu’au jour où… « Si ça tourne mal, on n’existe pas, on est transparent ». En attendant j’angoisse. Ca m’aide à m’endormir, en suçant des Ricola. Sinon je m’emmerde. S’épanouir dans l’adversité c’est déjà bien, quand on ignore la sérénité. « Je suis ce à quoi tout s’oppose. Si je n’existais pas, rien n’existerait, car il n’y aurait rien à quoi s’opposer ». (Pessoa, L’heure du Diable, 1989)

En attendant, pour ceux qui tolèrent mes absences et ignorent respectueusement mes secrets, voici une suggestion de bon temps cinématographique. Sous des airs de comédie enjouée, une monographie romancée mais cinglante des relations entre les cabinets de "CI" et leurs clients. Dont on n'exhibe que le caractère excitant, la facette insignifiante du métier. Et oui, je me prends pour James Bond et, oui, je chie sur ceux qui voudraient encore m’extirper d’un fantasme grâce auquel moi, je parviens à gagner ma vie. Parce que ma vie n’est ni drôle, ni forcément exaltante – au moins pas autant que certains voudraient le croire -, mais au moins elle est plus exotique que la leur. Ca ne durera pas, mais je l’aurai fait. Je vis dans un monde où déstabilisation et filouteries relèvent du talent davantage que de la grossièreté. Celui dans lequel la Belle au Bois Dormant finit toujours par se faire baiser. N'en déplaise à ceux qui préfèreront rester couchés. Ils sont mon fonds de commerce. 


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