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6 mai 1856/Naissance de Freud

Publié le 06 mai 2010 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


     Le 6 mai 1856 naît à Freiberg, en Moravie, Sigismund Schlomo Freud, fondateur de la psychanalyse.
Freud by Warhol
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LE GOÛT DU LATIN

     Sa pratique des humanités classiques commence au collège du quartier juif de Leopoldstadt, au nord de Vienne, à côté du Prater. Il fréquente le Gymnasium depuis l’âge de neuf ans. [...]
    La culture grecque et latine du jeune Freud déborde le cadre des exercices scolaires. Son père lui a donné à lire, dès l’âge de sept ans, une Bible qui était aussi un livre d’images. Le texte bilingue, en hébreu et en allemand, était replacé dans son contexte géographique et archéologique ; cinq cents gravures anglaises illustraient cet ouvrage, sélectionnées et commentées par le rabbin Ludwig Philippson, un esprit libéral acquis au mouvement des Lumières. Le jeune Sigmund connaît ainsi de longue date les monuments de l’Egypte pharaonique, le profil d’Alexandre, l’Acropole d’Athènes, la statue de la Diane d’Ephèse, le palais de Néron à Rome, les bas-reliefs de Pompéi, la traversée des Alpes par Hannibal, et même un portrait de Moïse. Le souvenir de ces images accompagnera Freud tout au long de son œuvre. La Bible de Philippson lui a donné une ouverture sur l’histoire de l’Europe. Sigmund (à dix ans) obtient de ses parents que son frère cadet soit appelé Alexander, un prénom qui lui semble de bon augure. L’intérêt que Freud portait au conquérant, dira-t-il plus tard, était attisé par sa rivalité avec son père, le roi Philippe de Macédoine.
    Le lycéen aime la langue de Platon et, pendant quelque temps, il tient son journal intime en grec. Plus tard, sa correspondance avec son ami de Berlin Wilhelm Fliess, est émaillée de mots grecs, et surtout de lettres grecques, le ψ, le φ, le ω ; mais les emprunts au latin sont nettement plus fréquents, depuis les citations d’Horace et de Virgile, jusqu’à la devise emblématique Fluctuat nec mergitur et le concept scolastique de libido. Le jeune homme a très tôt un penchant pour deux figures rebelles de l’histoire romaine, Brutus et Hannibal. Le rôle de Brutus lui a été dévolu pour une scène de Shakespeare, jouée devant un public de condisciples. Il éprouve, dit-il, une sorte de familiarité avec les sentiments mêlés, amour filial et désirs meurtriers, qui entraînent Brutus dans un complot tyrannicide. Chacun connaissait les ultimes paroles de César assassiné, Tu quoque fili. Quant à Hannibal, Freud voyait en lui un chef de guerre sémite (der semitische Feldherr), un symbole de la lutte contre Rome, et par extension un modèle valeureux de résistance à l’antisémitisme. En son for intérieur, il partage la hardiesse des héros qui n’ont peur de rien, comme s’il assumait, écrit-il, l’esprit d’insoumission que ses ancêtres ont déployé pour construire le Temple de Jérusalem.

André Bolzinger, Ruines et musées, Le bonheur de rêver in « Freud et la culture », Revue littéraire mensuelle Europe, n° 954, octobre 2008, pp. 55-56.



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