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Le jour où nous tuerons nos pères

Publié le 11 mai 2010 par Cochondingue

Paris – Décembre 2018 – dans un café rue Oberkampf
- Alors, que t’a dit le médecin ?
- Il a été assez rassurant. Si Maman commence le traitement dès maintenant, elle sera guérie dans quelques mois. Par contre si on attend trop, son état risque de se dégrader rapidement…
- Et pour le prix ? T’as réussi à négocier ?
- On n’est pas en train de marchander une machine à laver dans un supermarché. C’est un hôpital, ils ne font pas de soldes pour Noël !
- Je sais bien, mais ça tombe vraiment mal cette histoire. J’ai dû prendre un crédit sur 10 ans pour payer les études à la Fac de mes gamins.
- Et moi j’ai le remboursement de mon appart et de ma voiture, je suis endetté sur 40 ans. Qu’est-ce que tu crois, moi aussi je suis dans la merde.
- J’ai peut-être une solution. Je t’ai parlé de ce gars qui a installé une mini-clinique dans son appart et qui soigne ses patients au black ?
- Un médecin ?
- Non, c’est mon boucher.
- Tu plaisantes, j’espère ?
- Je t’assure, c’est quelqu’un de sérieux. Il voulait faire médecine mais il n’a pas pu, faute de moyens. Alors il s’est tourné vers la boucherie. Le point positif, c'est qu'il a de bonnes notions d'anatomie.
- T'es malade ! On ne va pas laisser notre mère aux mains d'un type qui n'a même pas son brevet de secourisme.
- Parce que toi, t’as de quoi débourser 50.000 € pour son hospitalisation ?
- Non…
- Sans compter que même si elle se rétablit, elle va continuer à vieillir et à se dégrader. Tout notre héritage va y passer, tout l’argent que les parents ont mis de côté va s’envoler en soins médicaux. Et chaque année nous allons devoir nous endetter davantage. Soyons réalistes, Maman est en grande partie responsable de cette situation. Si elle avait travaillé comme le prévoit la législation jusqu’à ses 75 ans, elle aurait aujourd’hui encore le droit à la sécurité sociale. Mais avec sa retraite anticipée elle tombe sous le coup de la loi Minc de non-complaisance envers les Improductifs. Aucune aide de l’Etat pour les retraités, les chômeurs, les handicapés, les criminels récidivistes…
- Oui oui, je sais... Ca fait des mois que tu ressasses le même discours et moi je te réponds que Maman n’avait pas le choix, elle a été licenciée ! Et à 72 ans, retrouver un emploi tient du miracle.
- N’empêche, maintenant ce sont ses enfants qui trinquent ! Désolé, mais je ne paierai pas la note.
- Tu sais ce que cela signifie…
- Oui et ça me désole autant que toi. Mais je suis sûre qu’elle comprendra. Après tout, c’est sûrement mieux pour elle, nous lui épargnons ainsi les affres du vieillissement et de la sénilité.
- Et comment comptes-tu gérer sa fin de vie ? La laisser crever seule de sa maladie, sans assistance à domicile ?
- Non bien sûr, je ne suis pas un monstre. Nous pouvons déposer à la Préfecture un dossier de demande d'euthanasie pour personne inutile à la société. Comme ça, elle partira en douceur, comme elle l'avait toujours voulu, en laissant derrière elle un petit pécule qui sera nécessaire à la survie de ses enfants.
- Ce qui m'impressionne chez toi, c'est qu'en toutes circonstances, tu as toujours eu l’art de te donner bonne conscience…


Ceci est une fiction (du moins pour le moment)
.
Je tiens à remercier celui qui m'a inspiré dans l'écriture de cette histoire :
Alain Minc
, qui pour alléger le déficit de la Sécu, a proposé au cours de l'émission "Parlons net" du 7 mai 2010, d'imputer les dépenses médicales des "très vieux" sur leur patrimoine ou celui de leurs ayant-droits.


(vers la 21ème minute)




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