Magazine Journal intime

De la crétinerie et de la vérité au cinéma

Publié le 11 mai 2010 par Alainlecomte

J’ai vu deux films en très peu de temps. Le premier, ce dimanche, se nomme « Mammouth ». on y voit Gérard Depardieu, déguisé en Obélix à la recherche de feuilles de paye pour sa retraite. Le film se veut loufoque, cocasse et « poétique ». Avouons que certaines séquences feront date : celle, notamment, où le bon gros géant s’évertue à faire passer un caddie de super-marché entre deux voitures en stationnement, alors que manifestement il n’y a pas la place… ou bien celle de la salle de restaurant où dînent des hommes solitaires qui éclatent en sanglots à l’écoute de la conversation téléphonique de l’un d’eux avec son enfant. Drôle, bien sûr, drôle. En même temps, éloge de la crétinerie, c’est ce qui gêne un peu. Le dénommé Serge Pilardosse part avec sa moto (une « Munch ») sur les routes de Charente : on nous présente ça comme un road movie à la Easy Rider.

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On apprend vite que la moto lui a coûté cher dans la vie : celle dont il était amoureux, jeune, est morte après qu’ils aient culbuté dans le talus, elle, lui et la moto. Son fantôme à elle réapparaît une fois, deux fois… dix fois dans le film, c’est trop. Le visage ensanglanté de la belle Adjani, (oui, rien que ça), est d’un kitsch épouvantable. Tout ça pour avoir sur la même pellicule deux monstres du cinéma français (quand je dis « monstres », je ne veux pas dire nécessairement « sacrés » et je ne veux pas nécessairement être gentil). Drôle au début, le film sombre dans un sentimentalo-rococo d’un mortel ennui. Je sais que des critiques se sont émerveillé des grâces de Depardieu prenant son bain dans une rivière… Admettons. Evidemment il y a un petit côté Groland, Siné (qui d’ailleurs me semble-t-il joue dans le film) etc. mais la branlette de deux vieillards, chacun dans son plume, moi, ça me gave. Et ça me gave grave. Quand cessera-t-on de confondre poésie avec vulgarité + nunucherie. Comme s’il suffisait qu’un colosse se saisisse d’une pâquerette pour qu’on se pâme d’émoi. Ou qu’il se masturbe en regardant les étoiles.

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L’autre film vu, « 8 fois debout » vaut nettement plus la peine. D’aucuns prétendront que c’est parce que je suis plus sensible au charme de Julie Gayet qu’à celui de Depardieu… Il doit y avoir de ça. Mais surtout voilà un film qui, en comparaison du précédent, parle vrai. L’héroïne est une paumée, elle aussi, elle devient même SDF, c’est une « looseuse », mais tellement plus crédible que le gros plein de soupe susnommé, et le cinéaste (Xabi Molia) la respecte, comme il donne le sentiment de respecter les êtres fragiles qui sont dans la situation de cette femme. On pense en regardant ce film à Florence Aubenas et à son quai de Ouistreham, bien entendu. Le réalisateur ne nous épargne pas : il ne cherche pas à nous faire prendre des situations dramatiques pour des bluettes « poétiques-z-et-sentimentales ». La pauvre nana russe qui tombe de son échafaudage alors qu’elle travaille au noir et que son employeur ne voudrait surtout pas avoir d’ennui, ce n’est pas « du cinéma ». Quand le personnage de Julie Gayet s’affronte au propriétaire de son studio, ou à son ex-mari, plein de pitié à deux balles, qui la menace sans arrêt de ne plus voir son gosse, et qu’elle tremble comme une feuille pendant les entretiens d’embauche qu’elle rate tous, on est sincèrement ému. Quand elle manifeste des désirs mortifères à l’égard de son propre fils, à cause de son désespoir, on y croit. Et le réalisateur n’essaie pas de terminer « sur une note d’espoir » (même s’il y ade la musique), parce que dans la réalité, de l’espoir, il y en a peu à avoir.

Bref, ce qu’on demande aux cinéastes ce n’est pas forcément qu’ils soient géniaux (tout le monde n’est pas Godard), mais au moins, au moins, qu’ils nous donnent des personnages et des situations VRAIS. La « poésie » viendra après. N’oublions pas que, comme le disait Eluard, « la poésie doit (d’abord) avoir pour but la vérité pratique ». Et les niaiseries à la Depardieu peuvent repasser…


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