Magazine Nouvelles

La Musique Adoucit la Mort III

Publié le 12 mai 2010 par Dirrtyfrank
La Musique Adoucit la Mort III

Angie. Une apparition mystique pour Bernard. Toute la musique du monde ne pouvait rivaliser avec la vision de cette jeune femme. Une déesse, glissant vers lui comme dans un rêve mouillé, bande sonore comprise. Sa plastique était irréprochable (que de la Cher naturelle), une poitrine improbable (Mariah Carey peut rentrer passer l'aspirateur), une chute de rein à tomber par terre (la grâce de Jones n'était qu'un pitoyable souvenir publicitaire), ses yeux le pénétraient en un clin d'oeil (Dalida, remet vite tes lunettes de soleil) et des cheveux ondulées qui cachaient un grand front immaculé (Vanessa pouvait bien aller en enfer, personne pour la sauver). Un larsen émotionnel. On pouvait bien tuer la mémoire de John, Elvis, Bob, Jimi, Janis, Kurt, ce n’était pas si grave que ça. Bernard avait tout oublié de ses idoles. Elle était maintenant devant lui, sans même avoir fait un geste pour devenir la nouvelle star...Elle se dirigeait droit sur lui. Une seule phrase lui retourna le coeur "Où puis-je trouver l'import japonais de 1984 de You are what you is de Frank Zappa ? Je ne l'ai trouvé nulle part ailleurs." Putain, on ne lui avait pas posé une question aussi intéressante et avec tant de conviction depuis des lustres. Et en plus, ce disque, il l'avait. Poussiéreux, mais il l’avait.

Le courant électrique passa si vite qu’il faillit faire péter les bougies de son ampli. Certains auraient parlé d'un véritable coup de foudre mettant le feu aux planches. En tout cas, ni l'un ni l'autre ne zappa un seul moment de la conversation sur Frank. Chacun d'entre eux étaient intarissables sur ce qui était leur passion commune. Ils passèrent en revue tous les styles de musique qui ‘valaient le coup’, toutes les époques notamment les plus perturbées et les plus créatrices, toutes les anecdotes sur les stars furent échangées, chacun faisant rire l'autre avec leur catalogue de rumeurs croustillantes. Leurs regards ne pouvaient mentir, leur façon de se comporter non plus. Angie faisait trémousser son corps dans tous les sens. Bernard, lui, plus timide, tortillait des pieds derrière le comptoir. Ça planait grave pour Bernard et il ne s'était jamais senti aussi positivement penaud depuis des lustres. Angie dut mettre un terme à la valse des sous-entendus. Elle devait s’éclipser de la scène. Elle prétexta un quelconque cours de piano dans le VIe arrondissement. Elle avait décidé de s'y remettre dernièrement même si elle trouvait l'instrument super ringard quand elle était plus jeune. La redécouverte de la discographie d'Elton John avait eu raison de ses a prioris. Mais elle promit de revenir très vite pour ‘parler musique’. Dehors, il tombait des cordes. Bernard, déjà très attentionné, sortit un parapluie publicitaire de son arrière boutique, ridiculeusement estampillé WhatFor et lui tendit avec beaucoup d’attention. Même si elle s'inquiétait très peu de se mouiller, elle l'accepta avec un certain intérêt. Elle reviendrait au magasin, c'était sûr. Bernard était comme un fou. Cette rencontre lui avait donné des ailes et sa journée de travail allait se poursuivre beaucoup mieux qu'elle n’avait commencé. Il voulait crier OUI à Neil Young qui s'était installé dans son petit cerveau en ébullition.

Are you passionate? - Are you living like you talk? - Are you dreamin' now that you're going to the top?

Les jours suivants furent les plus heureux de notre petit vendeur. Non seulement, il avait fait la rencontre d'une femme merveilleuse mais, en plus, son chiffre d'affaires avait fait un bond inhabituel. Les clients affluaient et ne se privaient pas de se faire largement plaisir. Cela correspondait aussi à la sortie de plusieurs valeurs sûres de mauvaise facture annoncés mais bon, l'argent n'avait plus d'odeur depuis bien longtemps: la Star Academy, le succès inattendu de Christophe Maé, la brise revenue de la petite Alizée, les compilations de l'été dès le mois de Mai...La vie de Bernard était devenu un émerveillement total. Elles étaient loin les périodes de galère financière et sentimentale. Au bout de quelques jours, la longue attente du retour d'Angie commençait à se faire sentir. Il voulait se convaincre qu'elle allait revenir la semaine d'après, jour pour jour. Un rendez-vous qui était marqué d’une pierre blanche. Tout cela commença par une musique iconoclaste pour Bernard. Une vieille chanson de feu Take That, avec dans ses rangs un Robbie Williams bien imbibé, avait enflammé son réveille-matin.

Put your head against my life - What do you hear? - A million words just trying to make the love song of the year - Close your eyes but don't forget what you have heard - A man who's trying to say three words - The words that make me scared.

Il était maintenant sûr qu'il allait revoir Angie - en tout cas, il l'espérait de tout cœur.


Retour à La Une de Logo Paperblog