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(2) La mystérieuse lueur rouge

Publié le 01 mai 2010 par Luisagallerini


Quelques minutes plus tard, l'alarme rendait son dernier soupir, et l'orchestre, prenant la relève, rompait le silence. A l'entrée triomphante de

(2) La mystérieuse lueur rouge

Néron, qu'interprétait une très belle femme au costume resplendissant, Marie sortit une paire de jumelles. Elle adorait réunir les acteurs tout près d'elle, dans l'espace magique des verres grossissants. Lorsque

(2) La mystérieuse lueur rouge

Poppée rejoignit l'empereur romain, négligemment allongé sur un large lit rond, la salle frémit d'un même élan de volupté.

Les artistes échangèrent un long regard avant que leurs voix ne s'unissent pour ne plus se démêler. Puis Néron embrassa Poppée, et les joues de Marie s'empourprèrent. Comme, à cet instant, tout heureux propriétaire d'une lorgnette, qu'elle fût d'ivoire ou d'écaille, vêtue de cuir ou de bois, que ses charnières fussent de cuivre ou d'étain, et qu'enfin, elle grossît peu ou prou, elle cala l'objet sur l'arête de son nez, et fut instantanément propulsée au milieu du décor avec les deux jeunes femmes tendrement enlacées.

Le souffle court, elle s'immobilisa, suspendue aux lèvres fougueuses, épiant la main tendre de Néron sur le déshabillé en mousseline chair de Poppée. Quand le lit fut à nouveau vacant, d'un geste rapide, elle rangea les jumelles dans leur écrin.

Les paumes brûlantes d'avoir trop applaudi, elle quitta le hall dépeuplé à minuit passé. Dehors, la lune étincelait, laiteuse et souriante, relayée par trois lampadaires fangeux rescapés des grands travaux. Étourdie par la représentation, Marie n'hésita pas longtemps sur le parvis de l'Opéra, avant de traverser la place pour rejoindre la rue Saint-Antoine où se trouvait l'unique bouche de métro encore ouverte à cette heure. Saisissant l'occasion de prendre un raccourci pour le moins déconseillé en temps ordinaire, quand les véhicules sont maîtres de la Bastille, elle repéra, tailladant le rond-point, plusieurs lignes brisées de pavés, qui lui rappelèrent les exploits des chasseurs de trésor de son enfance. Dans les romans d'aventure qu'elle dévorait alors, recroquevillée sur le canapé, ces intrépides explorateurs, en équilibre sur des corniches piégées, déjouaient trappes, roues crantées, fléchettes empoisonnées et piques hérissées.

Quittant la chaussée, elle s'engagea, confiante, sur les vestiges de la place. Pourtant, si la magie de Paris illuminait cette nuit-là les décombres fantomatiques de son habituelle majesté, quelque chose d'autre émanait de l'esplanade désarticulée, quelque chose d'insaisissable. A mi-chemin, la lueur rouge, à laquelle elle n'avait pas pris garde quelques heures auparavant, attira son regard. Intriguée, elle revint sur ses pas et emprunta, pour s'en approcher, un remblai de ciment aussi étroit qu'une poutre. Mais son imagination lui avait sans doute joué des tours car elle ne trouva sur place qu'un amas de cailloux, de mégots, de terre et de ferraille. De surcroît, lorsqu'elle se redressa, elle constata avec désespoir que l'on pouvait d'ores et déjà inventorier sur sa robe de soirée délicatement maculée, de nombreuses souillures représentatives des richesses du sous-sol parisien. Consternée, elle considérait avec dégoût l'état déplorable de ses escarpins lorsqu'elle aperçut la bandelette.

A suivre... Dans le prochain épisode, fouiller la terre portera ses fruits...

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