Magazine Journal intime

Un repas mémorable

Publié le 27 mai 2010 par Anaïs Valente

Quand j'étais enfant et jeune ado, soit au siècle dernier, aller au restaurant était un supplice pour moi.  Parce que je n'aimais rien.  Et surtout parce que j'avais un appétit de bébé moineau à peine sorti de l'œuf (quoique la comparaison me semble malvenue, un bébé moineau à peine sorti de l'œuf piaillant, si mes souvenirs sont bons, comme un hystérique, après son premier ver de terre).

Bref je détestais ça, parce, vu que j'affichais également sur la balance un poids de moineau à peine sorti de l'œuf, cela me valait systématiquement des regards compatissants des serveuses et autres chefs, dans lesquels je lisais des trucs du genre "la pauvre, est-elle malade ?", s'ils ne me disaient pas carrément "ça ne vous a pas plu ?" ou, s'adressant à mes géniteurs, comme si j'étais lourdement handicapée et incapable de sortir deux mots sensés "elle a pas faim la petite ?"

Et cette épreuve qui a bercé violemment mon enfance, je viens de la revivre.  A mon âge.

Dans un très joli resto du namurois, tout décoré de gris et de rouge, où boss chéri avait organisé un sympathique et délicieux repas il y a peu : coupe de champagne accompagnée de mises en bouche (petit potage tomaté onctueux, bœuf poêlé sur son lit de salade), plat principal composé d'agneau tendre à souhait, de petites pommes de terre et de champignons, et dessert est somptueux : moelleux au chocolat rafraîchi à la glace vanille.  Mon dessert favori.

Et bien, vous zallez être étonnés : je n'ai rien mangé.  Et quand je dis rien, c'est rien.  Rien de rien.  Même pas le délicieux moelleux au chocolat.  Sacrilège, je me suis entendue dire à la serveuse « je ne prendrai pas de dessert ».  Rien mangé.  Ou, pour être précise, rien su manger.  Rien qu'à voir tous ces plats, j'avais la nausée, des crampes d'estomac et les intestins qui voulaient se faire la malle.  Un enfer.  Deux heures, voire plus, que ça a duré.  Avec boss à côté de moi, à qui j'essayais de cacher, tant bien que mal, mon état.  Plutôt mal que bien d'ailleurs, puisque plus les minutes passaient, plus je m'enfonçais sur ma chaise, plus je devenais livide et moins je parlais.  A la serveuse, je n'ai rien su cacher, puisqu'elle repartait avec les plats sans que j'y aie touché, ou presque.  Disons que je bougeais un peu les ingrédients, histoire de faire comme si, que je tentais de cacher la viande sous les légumes ou l'inverse, mais impossible de donner le change.   Et impossible d'ingurgiter quoi que ce soit.  Quel drame.  De si bonnes choses.  Et un moelleux au chocolat.

Ce qui devait être un chouette moment convivial s'est transformé pour moi en horreur qui a duré deux longues heures.  Deux heures qui m'ont replongée dans mes souvenirs d'enfance, et le calvaire que je vivais à l'époque dans les restaurants.  Fort heureusement, actuellement (enfin, en général quoi, à part cette fois) j'aime manger et je parviens presque à vider mon assiette.  En général.  Parce que ce jour là, après m'être confondue en excuses, entre deux vagues nauséeuses, je suis rentrée coucher ma vieille carcasse vide de toute énergie, et je n'ai rien mangé jusqu'au matin suivant.  Non, je me trompe, jusqu'au surlendeain.

Tout ça à cause d'un médicament.  Un seul tout petit petit médicament, avalé à peine deux heures plus tôt, et qui m'aura totalement empêchée de manger durant 48 heures.   Et fait perdre deux kilos, maigre (c'est le cas de le dire) consolation.  Il en reste 27 dans la boite : quelqu'un veut perdre deux kilos ?

Morale de l'histoire : les médicaments ne sont pas nos amis, même s'ils sont parfois bien nécessaires.

J'ai envie d'un moelleux au chocolat... là, de suite.



Retour à La Une de Logo Paperblog