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La retraite

Publié le 31 mai 2010 par Mari6s @mari6s

Procédons par ordre, en commençant par définir le contexte dans lequel l'idée de retraite a été instaurée (en 1941 en France).
Les gens commencent à travailler dès qu'ils le peuvent, généralement avant 18 ans, peu font des études et très peu, des études longues. L'espérance de vie est de moins de 60 ans (en 1941, 54 ans pour les hommes et 61 ans pour les femmes). La plupart des travailleurs travaillent alors au minimum 40 heures par semaine (durée légale depuis 1936 mais pas effective avant 1960 ou 1970), pour beaucoup dans des conditions difficiles, et n'ont que leur famille pour les aider une fois qu'ils ne sont plus en état physique de travailler.
Le but de la retraite est donc d'assurer un revenu décent à chacun à partir du moment où il ne peut plus gagner sa vie par lui-même, jusqu'à sa mort. Ce qui, le plus souvent, ne représente que quelques années, 10 au maximum.
Le système par répartition, choisi à l'époque, permet d'assurer immédiatement une pension à ceux qui en ont besoin, même s'ils n'ont pas cotisé. C'est la génération suivante qui commence dès ce moment à cotiser, et cela ne pose alors pas de problème puisque le taux de natalité dépasse deux enfants par femme et qu'il y a donc au moins un travailleur actif pour un retraité (en pratique, plus, du fait de la faible espérance de vie et du début rapide de la vie active évoqués plus haut).

Quel est le contexte actuel?
On commence à travailler de plus en plus tard, avec des études longues pour presque tous les domaines - niveau licence courant, niveau master de plus en plus représenté, etc. Le chômage a augmenté et on a fait le deuil du plein emploi, ce qui fait donc moins de travailleurs actifs pouvant cotiser (sans compter les indemnités chômage à financer). Parallèlement, l'espérance de vie est passée à plus de 80 ans (20 ans de plus que dans les années 1940!) et certains arrivent jusqu'à 100 ans... De plus, l'âge de la retraite moyen est maintenant aux alentours de 60 ans. Ce qui fait en moyenne 20 ans de "retraite". Pour une trentaine d'années (en tout cas moins de quarante ans!) de vie active, le plus souvent entrecoupées de périodes d'inactivité (voir plus haut pour le chômage).
Ajoutons à cela les très faibles taux de natalité ayant suivi le baby-boom, et l'arrivée des baby-boomers à l'âge de la retraite, et le problème est posé! Même si aujourd'hui la natalité remonte, et même si elle se stabilisait à plus de deux enfants par femme, leurs 30 ans de cotisation pourraient difficilement financer les vingt ans ou plus (l'espérance de vie continuant à augmenter) de retraite de leurs aînés. Deux enfants par femme, c'est un enfant par adulte, or il en faudrait un et demi ou deux pour tenir le rythme actuel!

Voilà. Cela me semble énoncer des évidences, mais ce ne l'est apparemment pas pour tout le monde, au vu des réactions que j'ai pu observer, notamment autour de l'éventualité d'une réforme des retraites. Et j'espère qu'une vraie réforme va se faire, car elle est nécessaire et qu'il est injuste d'hypothéquer un peu plus les jeunes générations à cause d'un système qui ne pouvait que poser des problèmes, depuis le début - alors que question hypothèque, nous avons déjà la crise économique et la dette des Etats, la crise écologique et la destruction de la planète, etc, etc.

J'ajouterai que la base même de ce système de retraites est selon moi tout aussi symptomatique du fantasme d'une croissance permanente, que la crise des subprimes et tout ce tralala: faire cotiser les travailleurs actifs pour les retraites de la génération précédente, c'est supposer qu'il y ait toujours au moins deux enfants par femme ET pas de chômage, conditions nécessaires à l'équation 1 actif pour 1 retraité, et conditions impliquant toutes deux une croissance permanente (en général, la natalité augmente en période de croissance, et le chômage existe souvent même en période de croissance). Bref, conditions qui ne peuvent pas être remplies sur le long terme.

Alors oui, ça me met en rogne, parce qu'il est fort possible que je doive cotiser et que je reçoive peanuts. Alors que je demande rien du tout, juste qu'on me laisse travailler pour moi-même - traitez-moi d'individualiste. Aider les générations précédentes en cas de besoin, normal (je compte bien le faire avec mes parents). Leur financer des vacances Club Med autour du monde pendant vingt ans, je l'avoue, c'est pas mon objectif prioritaire (surtout que si on me les offre quand j'aurai leur âge, j'en voudrai pas, j'aime mieux les bed&breakfast!). Je n'arrive pas à comprendre par quelle substitution abracadabrante, par quelle opération du saint-esprit la retraite est devenue un acquis social sans lequel personne ne supporterait l'horrible réalité de leur travail, qu'ils choisissent bien souvent en fonction de la retraite qu'il leur apportera, d'ailleurs. Donc si j'étais pas déjà pas très enthousiaste à l'idée d'être salariée, ça m'en dégoûterait. Autant avoir une petite marge de manoeuvre sur mes cotisations...

Et quelle est l'une des formidables mesures qui vont sans doute être mises en place par notre gouvernement adulé? Imposer le revenu du capital. Ce qui sonne formidablement bien, n'est-il pas, ça plaît même aux communistes (qui ne peuvent pas vraiment causer vu leur pourcentage aux élections) et à la bande à Besancenot (déjà plus fringant, je vous l'accorde). Mais c'est quoi le capital, concrètement? L'argent des gros vilains capitalistes à la tête des grosses vilaines entreprises? Bah non, enfin pas trop, sinon ils vont encore partir à l'étranger et on aura des manifs des syndicats, des cocos et de Besancenot sur le dos... Alors on va trouver autre chose, plus petit mais plus nombreux... Comme l'immobilier!

Bah ouais, le "revenu du capital", c'est en grande partie celui des particuliers qui investissent dans l'immobilier, par exemple en rénovant et louant des apparts comme mes parents l'ont fait, pour ne pas avoir à dépendre des retraites allouées par l'Etat et/ou gagner leur vie tout simplement. Résumé grossièrement: on prend aux indépendants pour distribuer aux salariés. C'est-y pas chouette la solidarité?

Pas de happy end pour cet article, mais vous y attendiez vous vraiment vu le titre? Tiens, vu qu'on est dans le troisième âge, une question au passage: quelqu'un peut-il m'expliquer comment le fiasco du Lundi de Pentecôte travaillé (par quoi, 1/5 de la population) peut rapporter plus d'argent qu'il n'en coûte, ne serait-ce qu'en termes d'organisation? Pas de réponse? Bah j'suis contente que ma grand-mère soit pas en maison de retraite...


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