Magazine Journal intime

Cette eau qui n'est pas de la pluie

Publié le 09 juin 2010 par Petistspavs

Oui, je sais, je n'ai pas le temps d'écrire ce billet, déjà, La séance du mercredi c'est pas sûr, là j'ai plein d'autres choses à faire, sauf... J'arrivais station Varenne après déjeuner et là, embouteillage. Des dizaines, puis des dizaines de mecs (quelques filles, mais peu) de personnes du genre à se faire contrôler là où moi je reste transparent pour les autorités. Des dizaines, puis ça fait des centaines. Et des centaines. Et ils passent en force, sans la moindre violence, sans le moindre coup de gueule, ils prennent le métro, ils ne paient pas parce que ça serait interminable s'lls validaient leur passe ou s'ils achetaient un ticket. Des centaines. des rires encore, mais des visages durs parfois. De la pluie coule de leurs cheveux, c'est l'été parisien, mais sur ce visage là, ce mec qui répète "Y'en a marre, y'en a marre", en avançant avec les autres, dans un ordre impeccable qui ferait passer la Garde Républicaine pour une bande de fêtards centristes, sur ce visage là, c'est pas que de la pluie. J'attends mon tour. Je demande "Ça va ?" et on me dit "Oui, ça va", ça va toujours. Mais on perçoit une sourde détermination chez ces mecs et quelques filles en grève depuis huit mois maintenant, ces travailleurs venus faire les boulots qu'on se croit trop malins pour faire, nous les anciens colons et sur ce visage là, ça s'appelle des larmes. Ça s'appelle de la colère, "Yen a marre" oui marre, vraiment. Mais ils attendent quoi, les autres, en face, ils attendent quel incident ? Je les laisse passer, je ne suis pas plus pressé qu'eux, il n'y a pas de raison, moi j'ai un Bilan de la négociation collective à terminer, eux travaillent à inventer un droit de passage vers leur avenir. Comme c'est pas des gens qui évitent le regard de l'autre, qui nient l'existence de l'autre, à plusieurs reprises on me propose de passer, de monter l'escalier à contre-courant, mais ai-je une envie profonde d'être à contre-courant de ces gens calmes, souriants le plus souvent mais faut peut-être pas en demander trop, terriblement déterminés, sérieux, fatigués, forts et beaux comme sont beaux les chants de revendication. Quand je décide de partir (d'essayer, avec leur aide), c'est une ondulation qui me fait place, qui me dit "Oui, camarade, tu existes. Tu existes pour nous, tu existes avec et par nous". Je pose des questions, je serre des mains, je sais très bien qu'il y a eu une séance de négociation rue de Grenelle, soit au ministère du travail, soit au ministère de l'identité nationale (si, si, ça existe ; ils ont été infoutus de définir une identité nationale, mais cette identité floue a son ministère). Je sors, je serre des mains à nouveau, je dis Bonne chance, je dis On est plein de français avec vous, je serre des mains et ça me serre le cœur. Je les laisse derrière moi et à l'angle de la rue de Varenne, ces gueules autres, ces gueules fermées, ces robocops prêts à faire barrage de leur corps bodybuildé s'il prenait envie à un de ces bourricots de s'aventurer rue des 4x4 mal garées et des ministères. C'est à ce moment que j'ai senti cette eau sur mes joues qui n'était pas de la pluie. Quand je me suis senti chez moi.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog