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Marie dans l'Evangile de saint Jean (2) : Les noces de Cana (1)

Publié le 12 juin 2010 par Hermas

Les Noces de Cana

Que le lecteur me pardonne de parler encore de Monsieur Trinquet ! Mais il était et il est toujours un bibliste de renom remarquable. A propos des Noces de Cana, il déclarait avec flamme, en 1965 : « Quand les prédicateurs cesseront-ils de dire que Jésus a changé l’eau en vin pour tirer d’embarras deux pauvres jeunes mariés, car le vin venait à manquer ? Ce sont des ignorants qui n’ont rien compris à ce qui n’est pas simplement un miracle, mais un signe, et qui indique une réalité qui n’est pas visible mais qui dépasse de beaucoup le miracle et sera comprise plus tard ! Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour bien autre chose ! ». Je suis de son avis, permettez-moi de le dire tout simplement.

Au temps fixé par le Père, Jésus quitte Nazareth : le temps est venu pour lui de se manifester au monde, de commencer son ministère. De Nazareth en Galilée au nord, il se dirige vers le sud, au bord du Jourdain dans le désert de Judée, là où les foules accourent pour entendre l’invitation de Jean à la pénitence (le Baptiste) et se faire baptiser par lui. Jean Baptiste prêchait à environ sept à huit kilomètres à l'est de Jéricho (30 km environ au nord-ouest de Jérusalem) ; les habitants de Jérusalem allaient à sa rencontre en empruntant le seul chemin praticable à l'époque, celui qui conduisait justement à cette ville. Jéricho était presque essentiellement habitée par les lévites et les sacrificateurs qui officiaient dans le Temple ; ils ne pouvaient donc pas ignorer ce qui se faisait à proximité de chez eux. Ce chemin historique passait en particulier par Béthanie, petite commune bien connue où des amis de Jésus, Lazare et ses deux sœurs, habitaient. Sur tout son long, ce chemin d'une trentaine de kilomètres est chargé de symboles et de faits réels : c'est là que Lazare revient à la vie, c'est là que Marie, la sœur de Lazare oint les pieds de Jésus annonçant sa mort ; c'est un peu plus loin, que Jésus situe la parabole du bon samaritain, et c'est surtout là, en fin de parcours, que Jésus se fait baptiser et qu'Il rencontre ses premiers disciples, Jean et André frère de Simon-Pierre auquel il dira « Nous avons trouvé le Messie », Philippe de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre (cf. Jean 2, 35-49) qui conduit Nathanaël à Jésus.

C’est la première semaine du ministère public de Jésus. Jean nous donne une chronologie précise : le témoignage de Jean-Baptiste, puis « le lendemain », répété trois fois, jours durant lesquels Jésus rencontre successivement les disciples nommés ci-dessus : 4 jours. Après quoi Jésus remonte en Galilée, nous dit Matthieu, quitte Nazareth et vient s’établir pour un temps à Capharnaüm. « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée » nous dit Saint Jean, terminant ainsi la première semaine de vie publique de Jésus, et il ajoute : « La Mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité, ainsi que ses disciples ». (Jean 2 1-2), certainement ceux-là mêmes que Jésus a connus au bord du Jourdain, et qui l’ont suivi.

Je crois qu’il est utile de citer ce texte en entier pour qu’aucun détail ne puisse nous échapper, car ce miracle est particulier, c’est un SIGNE comme l’appelle Saint Jean, et il nous faut tâcher de découvrir sa signification, précisément

Jean chapitre 2° :


1. 

Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était.

2. 

Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples.

3. 

Or il n'y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont plus de vin. »

4. 

Jésus lui dit : « (Que me veux-tu, femme : je préfère me référer au texte latin ci après)  Quid mihi et tibi mulier? Mon heure n'est pas encore arrivée. »

5. 

Sa mère dit aux servants : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le. »

6. 

Or il y avait six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures.

7. 

Jésus leur dit : « Remplissez d'eau ces jarres. » Ils les remplirent jusqu'au bord.

8. 

Il leur dit : « Puisez maintenant et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.

9. 

Le maître du repas goûta l'eau changée en vin : comme il en ignorait la provenance, tandis que les servants le savaient, eux qui avaient puisé l'eau - le maître du repas appelle le marié

10. 

et lui dit : « Tout homme sert d'abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant ! »

11. 

Tel fut le premier des signes de Jésus, il l'accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Les commentaires, les interprétations, les traductions abondent et donnent lieu à des élévations spirituelles d’une grande beauté… mais qui montrent qu’ils n’ont pas compris du tout le sens profond du « signe », du premier « signe » accompli par Jésus à Cana !, nous disait encore Monsieur Trinquet.

Voyons de plus près ces passages difficiles et leur compréhension, non leur interprétation personnelle. Les points « controversés » sont les suivants :

« Ils n’ont plus de vin »

« Quid mihi et tibi mulier ? »

« Femme » (mulier)

« Mon Heure n’est pas encore arrivée »

« Tout ce qu’il vous dira, faites-le ».

1). « Ils n’ont plus de vin »

Marie s’est aperçue que le vin venait à manquer et elle s’adresse à Jésus. Et les prédicateurs de s’émerveiller devant la délicatesse de la Sainte Vierge, à qui rien n’échappe, et qui vient demander à Jésus de faire un miracle. Comment Marie peut-elle demander à son Fils de faire un miracle pour des gens déjà ivres ? Et quel miracle ? De plus quel sens aurait ce miracle, « gratuit », qui ressemblerait fort à la tentation de Satan : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas » (Matthieu 4, 5). En a-t-il fait à Nazareth pendant sa jeunesse ? Aucune tradition n’en parle !  Sait-elle que Jésus peut faire des miracles, et qu’il va faire des miracles, non pour « épater la galerie », mais pour révéler qui il est, et accomplir sa Mission, à l’Heure venue ? Certes elle sait que « rien n’est impossible à Dieu » comme l’Ange Gabriel le lui a dit. Mais il serait inconvenant de sa part d’utiliser la puissance divine pour tirer d’embarras deux pauvres mariés en difficulté.

La réalité est tout autre, comme le soulignait Monsieur Trinquet. Pour les mariages de notre époque, les invités offrent aux jeunes époux des cadeaux de toutes sortes, pour les aider à se meubler, à faire leur voyage de noces, pour qu’ils aient tout le confort tout de suite. Nous sommes il y a vingt siècles, dans un petit bourg de Galilée. Les noces, à cette époque duraient plusieurs jours, voire même une semaine, et c’est tout le village qui partageait la joie des nouveaux époux. Chaque famille, comme cadeau, apportait ce qui était nécessaire pour que rien ne manquât à la fête, au repas surtout. Marie et Jésus sont invités à ces noces. Et Jésus arrive avec quelques invités supplémentaires, ses premiers amis. Marie et Jésus ont participé eux aussi aux cadeaux pour ces noces. Marie se lève et dit à Jésus, qui est le chef de la famille, Joseph étant décédé : « Ils n’ont plus de vin ».

Lequel d’entre nous, invité à des noces oserait se lever de table, aller trouver le maître du repas, ou le père du marié et de la mariée, pour lui indiquer qu’il manque quelque chose ? Ce serait un manque total de délicatesse, s’occuper de ce qui ne nous concerne pas. Marie aurait dû s’adresser discrètement, elle-même, au maître du repas pour le lui faire remarquer. Si Marie dit à Jésus : « ils n’ont plus de vin », cela manifeste, certes qu’elle est attentive au bien-être de tous, à la bonne réussite de la fête, mais surtout que cela concerne Jésus, qu’elle s’adresse à Celui qui, en cadeau, a offert le vin, et qui doit y remédier : Le vin des Noces de Cana a été offert en cadeau par Marie et Jésus, par Jésus et Marie. Et Marie lui demande de remédier, humainement, à ce manque, pour que la fête ne soit pas gâchée. « C’est aussi simple que cela » nous disait Monsieur Trinquet !

(à suivre)


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