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Marie dans l'Evangile de saint Jean (2) : Les noces de Cana (2)

Publié le 13 juin 2010 par Hermas

2). « Quid mihi et tibi mulier ? ».


La traduction la plus commune est littérale, et déclare : « Qu’y a-t-il de commun entre toi et moi, Femme ? », qui se présente sous une forme offensante, irrespectueuse de Jésus vis-à-vis de sa Mère, et est considérée comme un refus d’intervenir de la part de Jésus. Mais alors, pourquoi Marie dit-elle aux serviteurs « Faites tout ce qu’il vous dira » ?


« Femme, cela regarde-t-il vous et moi ? » (Missel Quotidien, Dom Gérard, 1951), autrement dit : ne nous mêlons pas de cette affaire ! Même genre de traduction dans la Bible Pastorale (Brépols, 1997) : « Femme, en quoi cela ne nous concerne-t-il ? ». « Femme, que me veux-tu ? » trouve-t-on dans les lectures officielles du Missel des Dimanches en français, 3° dimanche ordinaire, Année C). Je pourrais continuer longtemps ainsi dans l’énumération des traductions ! Ceci montre la grande confusion qui règne chez les traducteurs, et surtout, qu’ils sont dans l’incapacité de donner une traduction cohérente de la réponse de Jésus à sa Mère, en raison d’une grande ignorance de la Bible, et surtout parce qu’ils n’ont pas compris le sens du « signe » de Cana !
La phrase « quid mihi et tibi (mulier) (homo) » est une expression du langage commun chez les juifs. Tout dépend du ton sur lequel elle est prononcée. Elle peut aller du refus total , à l’insulte : « qu’est-ce que j’ai à voir avec toi fils de chien ! » (réponse de David à Shiméi qui l’insultait et lui lançait des pierres, 2 Samuel 16,10, et 19, 23), mais aussi à l’accueil favorable d’une demande présentée par quelqu’un. On voit mal Jésus répondre mal à sa Mère, et lui dire : « que me veux-tu », sur un ton lassé, ou « en quoi cela nous concerne-t-il » ? ce qui trancherait avec la délicatesse de Jésus qui a « pitié de ces foules car elles sont comme des brebis sans pasteur », qui fait remarquer qu’ils n’ont pas mangé depuis trois jours, et qui les nourrit avec cinq pains et deux poissons, multipliés à profusion.
L’attitude de Marie qui dit aux serviteurs « faites tout ce qu’il vous dira », montre clairement que Jésus accueille favorablement la remarque de sa Mère, et qu’il va y pourvoir. Sa réponse ne peut être que la suivante, positive, et présentée pour l’instant sous deux formes entre lesquelles le contexte nous aidera à choisir : « Que dois-je faire ? », ou « que puis-je faire ? ».
3). « Femme »


Cette manière de s’adresser à sa Mère peut choquer notre mentalité moderne, habituée à des formules toutes faites, selon les personnes auxquelles on s’adresse. Mais là aussi, c’est une manière commune de s’exprimer chez le peuple juif : « Mulier, Femme, ou bien Homo, Homme. On les retrouve à plusieurs reprises dans la bouche de Jésus, quand il s’adresse à une malade qui lui demande de le guérir « homo » « mon ami ». Il dit de même à Marie de Magdala : « Mulier, quid ploras » : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » (Jean 20, 13). Et lorsque Pierre est interrogé par une servante, dans la cour du grand-prêtre, il lui répond : « Mulier, non novi illum », « Femme, je le connais pas ». Et comme un serviteur insistait, Pierre déclare » : « O Homo, non sum », « « Mon ami, je n’en suis pas » (Luc 22, 56.58).
Rappelons simplement pour l’instant, car nous allons revenir sur cette appellation, les paroles de Jésus à sa Mère, du haut de la Croix : « Mulier, ecce filius tuus », « Femme, voilà ton fils » (Jean 19, 26b) : il existe un lien très étroit entre les deux récits, qui sont les seuls qui concernent Marie et que Jean a retenus. Jean, l’Aigle de Patmos, ne pouvait pas manquer de souligner la richesse exceptionnelle de ce terme pris dans le langage courant, mais que l’on trouve dés le début de la Genèse, et dans l’Apocalypse, dans un sens tout différent d’une simple interpellation.

(à suivre)


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