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(11) Les cendres du passé

Publié le 14 juin 2010 par Luisagallerini

Lorsqu'elle lui demanda si tout allait bien, il hocha la tête de haut en bas sans desserrer les dents. Pendant qu'il lui servait un thé à la menthe, elle s'installa dans le même divan fatigué que la veille. Le contact des coussins lui apporta un peu de réconfort. Du coin de l'œil elle remarqua, sur le buffet, une photographie où il enlaçait une jeune femme blonde et deux enfants. Elle ouvrait la bouche pour l'interroger lorsqu'il prit la parole :

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, commença-t-il, hésitant.

- Vous êtes marié ? vous avez des enfants ? s'exclama-t-elle sous le coup de la surprise.

- Voudriez-vous que ce soit la bonne ou la mauvaise nouvelle ? répliqua-t-il en esquissant un pâle sourire, quelque peu déstabilisé par la spontanéité de Marie.

- Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, pardonnez-moi. Je suis affreusement impolie, ce n'est pas dans mes habitudes, mais cette photo...

- Ah oui ! mon ex-femme ! Je vous présente Laurence et mes deux fils, Léo et Stanislas. Et ne me dites pas qu'ils sont magnifiques, je le sais. Mais tout ce petit monde n'a rien à voir avec ce que j'ai à vous annoncer.

Il toussota, manifestement embarrassé. Ses mains tremblaient légèrement.

- Quand j'ai voulu la déplier, expliqua-t-il, la bandelette s'est effritée. Je suis vraiment désolé. J'avais pris toutes les précautions possibles, mais le contact de l'air après toutes ces années sous terre... En revanche, j'ai eu le temps de scanner une partie du tissu. Tenez, voici ce que j'ai pu traiter.

Il lui tendit une feuille.

- Il s'agit d'une suite de noms de dieux, plus précisément, des quarante-deux dieux

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des quarante-deux régions d'Égypte, bien qu'il n'y en ait que dix-sept dans ce fragment.

Déconcertée, Marie soupira.

- J'aimerais beaucoup examiner à nouveau la statuette, ajouta Philippe sans transition. L'analyser au scanner, pour être certain de la datation.

- Maintenant ? s'enquit-elle, méfiante dès qu'elle devait se séparer, même quelques secondes, de l'oiseau de pierre.

- Vous l'avez amenée ? c'est formidable ! Quelle transmission de pensée !

Marie haussa les épaules. L' amulette ne la quittait jamais, de jour comme de nuit, mais c'était son secret. Il n'y avait là ni intuition féminine, ni lien psychique. Néanmoins, Philippe pouvait bien croire ce qu'il voulait. A contrecœur, elle lui confia l'amulette. Il s'en empara religieusement, la scanna, puis lança les analyses.

" Non ! " s'écria-t-il soudain, " C'est impossible ! ". Marie sursauta. En observant le jeune chercheur, rivé à son écran, elle fut frappée par son dos voûté et la maigreur de ses avant-bras, que dévoilait une chemise noire retroussée aux coudes. La même lueur de folie qu'elle avait entraperçue la veille assombrissait ses yeux. Il fumait en tirant fébrilement sur sa cigarette, comme si celle-ci lui délivrait l'oxygène nécessaire à sa survie. Puis subitement, il en tapota l'extrémité d'un geste extrêmement précis. Une pluie de cendre s'éparpilla sur le bureau, que l'ordinateur dérobait en partie à sa vue. La jeune femme frissonna, le cendrier n'avait pas reçu la moindre particule. Avait-il perdu la raison ?...

Quelques minutes plus tard, il rejoignit Marie sur le canapé qui s'affaissa de quelques centimètres supplémentaires. Instinctivement, elle se décala vers l'accoudoir. Les mains tâchées de cendre, il lui rendit l'amulette qu'elle rangea aussitôt.

- Il n'y a aucun doute possible, murmura-t-il. L'amulette date bien du 19ème siècle. Mais le plus étonnant est ici. Tenez, jetez un œil sur cette page !

Il lui tendit une feuille soigneusement pliée en quatre. Marie, le souffle court, la déplia lentement et se figea.

Qu'y a-t-il donc d'écrit sur le papier ? Suite au prochain (et dernier) épisode (du chapitre) !

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