Magazine Humeur

Invocation du saint-esprit avec marie, en communion fraternelle

Publié le 24 juin 2010 par Fbruno

BASILIQUE DE SAINT-PAUL-HORS-LES-MURS 10 JUIN 2010 ROME, ITALIE

CARDINAL MARC OUELLET ARCHEVÊQUE DE QUÉBEC ET PRIMAT DU CANADA

« Pierre, Jean, Jacques et André ; Philippe et Thomas ; Barthélemy et Matthieu ; Jacques fils d'Alphée, Simon le zélote et Jude fils de Jacques. Tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie la mère de Jésus » (Ac 1, 13-14).

Chers amis, Le pape Jean-Paul II chérissait cette scène des Actes des Apôtres. Il s'y plongeait littéralement par la contemplation, conscient d'appartenir à ce mystère avec toute l'Église et spécialement avec les prêtres. Depuis le cénacle de Jérusalem, il adressait ce message aux prêtres : De cette Salle sainte, je vous imagine spontanément dans les parties les plus diverses du monde, avec vos mille visages, les plus jeunes comme les plus âgés, dans vos différents états d'âme, reflétant pour beaucoup, grâce à Dieu, la joie et l'enthousiasme ; pour d'autres, peut-être, la souffrance, la lassitude, le désarroi. En tous, je viens honorer l'image du Christ que vous avez reçue par la consécration, ce « caractère » qui marque chacun de vous d'une manière indélébile. Il est le signe de l'amour de prédilection qui touche tout prêtre et sur lequel celui-ci peut toujours compter pour aller de l'avant avec joie, ou recommencer avec un nouvel enthousiasme, dans la perspective d'une fidélité toujours plus grande .

Ce message formulé au cénacle de Jérusalem, la ville sainte par excellence nous interpelle en cette première basilique mariale de la chrétienté et en cette heure bénie de l'Année sacerdotale. Il nous rappelle l'amour de prédilection qui nous a élu et qui nous rassemble en prière au cénacle, comme les Apôtres furent en prière avec Marie après la résurrection, attendant l'accomplissement de la promesse du Seigneur : « Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Saint Irénée de Lyon décrit cette force de l'Esprit qui a traversé les siècles : « L'Esprit de Dieu descendit sur le Seigneur, Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété, Esprit de crainte de Dieu. A son tour le Seigneur l'a donné à l'Église, en envoyant des cieux le Paraclet sur toute la terre, là où le diable fut abattu comme la foudre, dit le Seigneur ».

Le jour de mon ordination sacerdotale, après l'imposition des mains, je fus touché par une parole de saint Paul pour le reste de mes jours : « Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus » (Ph 3, 12). Ordonné prêtre en mai 1968, je commençai mon ministère dans une ambiance de contestation généralisée qui aurait pu faire dévier ou même interrompre ma course, comme ce fut le cas pour beaucoup de prêtres et de religieux à cette époque. L'expérience missionnaire, l'amitié sacerdotale et la proximité des pauvres m'aidèrent à survivre aux turbulences des années postconciliaires. Nous voyons déferler aujourd'hui une vague de contestation sans précédent sur l'Église et sur le sacerdoce, à la suite du dévoilement de scandales dont il nous faut reconnaître la gravité et corriger sincèrement les conséquences. Mais au-delà des purifications nécessaires méritées par nos péchés, il faut reconnaître aussi à l'heure actuelle une opposition ouverte à notre service de la vérité et des assauts du dehors et même de l'intérieur pour diviser l'Église. Nous prions ensemble pour l'unité de l'Église et pour la sanctification des prêtres, ces hérauts de la Bonne Nouvelle du salut.

Dans l'Esprit authentique du Concile Vatican II, nous nous recueillons à l'écoute de la Parole de Dieu, comme les pères conciliaires qui nous ont donné la Constitution Dei Verbum : « Nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue : ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous soyez vous aussi en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1 Jn 1, 2-3).

Chers amis, une grande figure sacerdotale nous accompagne et nous guide en cette méditation, le saint Curé d'Ars, patron de tous les prêtres, par la grâce de Dieu et la sagesse de l'Église.

Saint Jean-Marie Vianney a confessé la France repentante, déchirée et meurtrie par la Révolution et ses suites. Il a été un prêtre exemplaire et un pasteur zélé. Il a restauré la prière au cœur de la vie sacerdotale. « Nous avions mérité de ne pas prier, mais Dieu, dans sa bonté, nous a permis de lui parler. Notre prière est un encens qu'il reçoit avec un extrême plaisir ». « Ô mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tout moment que je vous aime, du moins je veux que mon cœur vous le répète autant de fois que je respire. »

Nous voici nombreux en cette basilique avec Marie, la mère de Jésus et notre mère. Ensemble, « nous adorons le Père en Esprit et vérité par la médiation du Fils qui fait venir sur le monde, de la part du Père, les bénédictions célestes ». Par la foi nous sommes unis à tous les prêtres du monde en fraternelle communion sous la houlette de notre Saint-Père le pape Benoît XVI que nous remercions du fond du cœur pour l'indiction de cette année sacerdotale.

LE MYSTÈRE DU SACERDOCE

L'Église catholique compte aujourd'hui 408 024 prêtres répartis sur les cinq continents. 400 000 prêtres, c'est beaucoup et c'est peu pour plus d'un milliard de catholiques. 400 000 prêtres et pourtant un seul Prêtre, le Christ Jésus, le seul médiateur de la Nouvelle Alliance, celui qui a présenté, « avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé » (He 5, 7). À cause de sa désobéissance, l'homme pécheur a perdu dès l'origine la grâce de la filiation divine. C'est pourquoi les hommes naissent privés de la grâce originelle. Il fallait que cette grâce soit restaurée par l'obéissance de Jésus Christ : « Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Car Dieu l'a proclamé grand prêtre selon le sacerdoce de Melkisédek » (He 5, 8-10). Ce grand prêtre unique se tient sur la montagne du calvaire comme un nouveau Moïse, soutenant le combat des forces de l'amour contre les forces du mal. Les bras cloués à la croix de nos églises, mais les yeux ouverts comme le crucifix de Saint-Damien, Il prononce sur l'Église, le monde et le cosmos, la grande Épiclèse.

En chaque eucharistie, l'immense épiclèse de la Pentecôte exauce et couronne la supplication de la croix. Le Christ, les bras étendus entre ciel et terre, recueille toutes les misères et toutes les intentions du monde. Il transforme en offrande agréable toute la peine, tous les refus et toutes les espérances du monde. Dans un seul Acte d'Amour infini, il présente au Père le travail des hommes, les souffrances de l'humanité et les matériaux du cosmos. En Lui, « tout est accompli ». Car, le sacrifice d'amour du Fils satisfait toutes les exigences d'amour de la Nouvelle Alliance. Sa descente aux enfers jusqu'au plus creux de la nuit fait retentir la Parole de Dieu, la Parole du Père jusqu'aux limites de l'univers, proclamant : « C'est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j'ai mis tout mon amour » (Mc 1, 11).

Le Père répond ainsi à la prière du Fils : « Père, glorifie-moi auprès de toi de cette gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde fût » (Jn 17, 5). Ne pouvant rien refuser à son Fils, le Père fait descendre sur lui le don ultime de la gloire, le don de l'Esprit Saint, selon la parole de saint Jean l'Évangéliste et l'interprétation de saint Grégoire de Nysse.

D'où l'Évangile de Dieu proclamé par Paul aux Romains, qui « concerne son Fils, issu selon la chair de la lignée de David, établi, selon l'Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d'entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 1, 3-4). Résurrection du Christ : révélation suprême du mystère du Père, confirmation de la gloire du Fils, fondement de la création et du salut. L'Église de Dieu porte cet Évangile de Dieu au monde entier depuis ses origines, dans la puissance de l'Esprit Saint. Nous en sommes témoins.

Chers frères prêtres, l'Église est le sacrement du salut. En elle, nous sommes le sacrement de ce Grand prêtre des biens à venir. Nous sommes nés de l'échange d'amour entre les Personnes divines et le Christ-Prêtre a posé sur nous sa céleste et glorieuse empreinte. Habités et possédés par lui, élevons vers Dieu le Père la supplication et le cri de l'humanité souffrante. Rassemblés par lui, avec lui et en lui, en communion avec le peuple de Dieu, reconnaissons notre propre mystère et rendons grâce à Dieu.

400 000 prêtres et pourtant un seul Prêtre. Par la puissance de l'Esprit Saint, le Ressuscité s'adjoint des ministres de sa Parole et de son offrande. Par nous, il demeure présent comme au premier jour et même plus qu'au premier jour, car il a promis que nous ferions des choses plus grandes que lui. Le Christ allait à la rencontre de ses frères et sœurs en marchant vers la Croix. Nous, ses ministres, allons vers nos frères et sœurs en son Nom et dans sa puissance de Ressuscité. Nous sommes saisis par le Christ, plénitude de la Parole, et envoyés sur tous les chemins du monde sur les ailes de l'Esprit. « C'est pourquoi, écrit Benoît XVI, le prêtre qui agit in persona Christi Capitis et en représentation du Seigneur, n'agit jamais au nom d'un absent, mais dans la Personne même du Christ ressuscité, qui se rend présent à travers son action réellement concrète . »

L'Esprit Saint garantit notre unité d'être et d'action avec l'Unique Prêtre, nous qui sommes pourtant 400 000. C'est lui qui fait de la multitude un seul troupeau, un seul Pasteur. Car si le sacrement du sacerdoce est multiplié, le mystère du sacerdoce demeure unique et le même, tout comme les hosties consacrées sont multiples, mais le Corps du Fils de Dieu présent en elles est unique et le même. Benoît XVI tire les conséquences spirituelles et pastorales de cette unité : « Pour le prêtre vaut ce que le Christ a dit de lui-même : "Mon enseignement n'est pas le mien" (Jn 7, 16) ; c'est-à-dire que le Christ ne se propose pas lui-même, mais, en tant que Fils, il est la voix, la parole du Père. Le prêtre doit lui aussi toujours parler et agir ainsi : « Ma doctrine n'est pas la mienne, je ne diffuse pas mes idées ou ce qui me plaît, mais je suis la bouche et le cœur du Christ et je rends présente cette doctrine unique et commune, qui a créé l'Église universelle et qui crée la vie éternelle ».

Puissions-nous, chers amis, garder une vive conscience d'agir in persona Christi, dans l'unité de la Personne du Christ. Sans cela, la nourriture que nous offrons aux fidèles perd le goût du mystère et le sel de notre vie sacerdotale s'affadit. Que notre vie garde la saveur du mystère et pour cela, qu'elle soit avant tout une amitié avec le Christ : « Pierre m'aimes-tu ? Pais mes brebis » (cf. Jn 21, 15). Vécue dans cet amour, la mission du prêtre de paître les brebis sera alors accomplie dans l'Esprit du Seigneur et dans l'unité avec le successeur de Pierre.

L'ESPRIT SAINT, LA VIERGE MARIE ET L'ÉGLISE

Cherchons maintenant le fondement secret et méconnu de la sainteté sacerdotale là où convergent tous les mystères du sacerdoce : dans l'intimité spirituelle de la Mère et du Fils où règne l'Esprit de Dieu. Sur les eaux de la création primordiale, l'Esprit plane et fait surgir l'ordre et la vie. Le psalmiste fait écho à cette merveille en chantant : « Ô Seigneur notre Dieu qu'il est grand ton nom par tout l'univers » (Ps 8, 2). Tout au long de l'histoire du salut, l'Esprit se pose sur les patriarches et les prophètes, rassemblant le Peuple élu autour de la Promesse et des « dix Paroles » de l'Alliance. Le prophète Isaïe fait écho à cette histoire sainte : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pas des porteurs de bonne nouvelle » (Is 52, 7). Dans la chambre de Nazareth, l'Esprit couvre la Vierge de son ombre pour qu'elle enfante le messie. Elle y consent de tout son être : « Qu'il m'advienne selon ta Parole » (Lc 1, 38). Elle accompagne alors le Verbe incarné au long de sa vie terrestre ; elle marche avec Lui dans la foi, souvent sans comprendre, élargissant sans cesse le oui sans conditions et sans limites qu'elle avait donné une fois pour toutes à l'Ange de l'Annonciation.

Au pied de la croix, elle se tient debout, silencieuse, consentant sans comprendre à la mort de son fils, communiant douloureusement à la mort de la Parole de vie qu'elle avait enfantée.

L'Esprit la tient dans ce oui « nuptial » qui épouse le destin de l'Agneau immolé. La Vierge des douleurs est l'Épouse de l'Agneau. En elle et par elle, toute l'Église est associée au sacrifice du Rédempteur. En elle et par elle, dans l'unité de l'Esprit, toute l'Église est baptisée dans la mort du Christ et participe à sa résurrection.

Nous voici donc avec elle au cénacle, nous prêtres de la Nouvelle Alliance, nés de sa maternité spirituelle et animés par la foi en la victoire de la Parole sur la mort et l'enfer. Nous voici implorant d'un seul cœur avec le Christ l'avènement du Règne de Dieu, la révélation des fils de Dieu et la glorification de toute chose en Dieu (cf. Rm 8, 19s).

Notre sainteté sacerdotale dans et avec le Christ est enveloppée dans l'unité de la Mère et du Fils, dans l'union indissoluble de l'Agneau immolé et de l'Épouse de l'Agneau. N'oublions pas que le sang rédempteur du Grand Prêtre provient du sein immaculé de Marie qui lui a donné vie et qui s'offre avec lui. C'est pourquoi ce sang très pur nous purifie, ce sang du Christ « qui, par l'esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache » (He 9, 14). « Toutes les bonnes œuvres réunies, écrit le Curé d'Ars, n'équivalent pas au sacrifice de la messe, parce qu'elles sont les œuvres des hommes, et la sainte messe est l'œuvre de Dieu. Le martyre n'est rien à comparaison : c'est le sacrifice que l'homme fait à Dieu de sa vie ; la messe est le sacrifice que Dieu fait pour l'homme de son Corps et de son Sang . »

La grandeur et la sainteté du prêtre viennent de cette œuvre divine. Ce n'est pas une œuvre humaine que nous offrons à Dieu, c'est Dieu que nous offrons à Dieu. « Comment cela est-il possible ? », pourrions-nous demander avec Marie, faisant écho à sa question posée à l'Ange. « Rien n'est impossible à Dieu » (Lc 1, 37) fut la réponse donnée à la Vierge avec le signe tangible de la fécondité d'Élisabeth. Accueillons et faisons nôtre cette réponse, avec Marie, pour « que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous » (Prière eucharistique IV). « Rien n'est impossible à Dieu. » L'Évangile nous dit ailleurs : « Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9, 23). « Les prêtres ont une alliance spéciale avec la très sainte Mère de Dieu, écrit Saint Jean-Eudes. Comme le Père éternel l'a rendue participante de sa divine paternité, de même il donne aux prêtres de former ce même Jésus dans la sainte Eucharistie et dans le cœur des fidèles. Comme le Fils l'a rendue sa coopératrice dans l'œuvre de la rédemption du monde, ainsi les prêtres sont ses coopérateurs dans l'œuvre du salut des âmes. Comme l'Esprit Saint l'a associée dans le chef-d'œuvre qu'est le mystère de l'Incarnation, ainsi il associe les prêtres avec lui pour une continuation de ce mystère en chaque chrétien par le baptême… »

Vierge Marie, Mater misericordiae, vita dulcedo et spes nostra, salve ! En ta sainte compagnie, Mère de miséricorde, nous buvons à la source de l'amour. Nos cœurs assoiffés et nos âmes inquiètes accèdent par toi à l'enceinte nuptiale de la Nouvelle Alliance. « C'est pourquoi les prêtres ayant une alliance si étroite et une conformité si merveilleuse avec la Mère du souverain Prêtre, ajoute saint Jean-Eude, ils ont des obligations très particulières de l'aimer, de l'honorer et de se revêtir de ses vertus et de ses dispositions. Entrez dans le désir d'y tendre de tout votre cœur. Offrez-vous à elle et priez-la de vous y aider fortement . »

ÉPICLÈSE SUR LE MONDE

« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive » (Jn 4, 10). L'Esprit du Seigneur est une eau vive, un souffle vital, mais il est aussi un vent impétueux qui secoue la maison, une joyeuse colombe qui apporte la paix, un feu qui embrase, une lumière qui perce les ténèbres, une énergie créatrice qui couvre l'Église de son ombre.

D'un bout à l'autre des Saintes Écritures, le Dieu de l'Alliance se révèle comme un Époux qui veut tout donner et se donner lui-même malgré les limites et les fautes de l'humanité pécheresse, son Épouse. Le Dieu jaloux et humilié ne se lasse pas de poursuivre l'épouse vagabonde et idolâtre jusqu'au jour béni entre tous des noces de l'Agneau. C'est pourquoi l'espérance du don de Dieu ne déçoit pas. « L'Esprit et l'Épouse disent : "Viens !" Celui qui entend, qu'il dise aussi : "Viens !" Celui qui a soif, qu'il approche. Celui qui le désire, qu'il boive l'eau de la vie, gratuitement » (Ap 22, 17).

Oui Père, nous te remercions de répandre déjà ton eau vive sur la terre dans le cœur des plus pauvres parmi les pauvres, grâce au dévouement inlassable de toutes ces âmes consacrées qui font de leur existence un sacrement de ton amour gratuit.

Ô Père de toute grâce, depuis la lumière inaccessible où tu habites et où nous sommes introduits par l'Esprit, avec Jésus et Marie, nous te prions de nous consommer dans l'unité en nous consacrant dans la vérité. Répands ton Esprit Saint sur nous et sur toute chair, l'Esprit de vérité qui régénère la foi, l'Esprit de liberté qui ressuscite l'espérance, l'Esprit d'amour qui rend l'Église sainte, crédible, attrayante et missionnaire. Que ton Règne vienne ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Que ta volonté salvifique accomplie dans ton fils crucifié et glorifié s'accomplisse aussi en nous, prêtres de la Nouvelle Alliance et dans les âmes confiées à notre ministère.

« Avec l'Esprit Saint, qui rend spirituel, écrit saint Basile le Grand, c'est la réadmission au Paradis, le retour à la condition de fils, l'audace d'appeler Dieu Père ; on devient participant de la grâce du Christ, on est appelé fils de la lumière, on partage la gloire éternelle . » Si donc vous voulez vivre de l'Esprit saint, écrit saint Augustin, conservez la charité, aimez la vérité, désirez l'unité, et vous atteindrez l'éternité .

Nous portons en nous-mêmes, pauvres pécheurs, les blessures de l'humanité meurtrie par les crimes, les guerres et les tragédies. Nous confessons les péchés du monde dans leur crudité et leur misère avec Jésus crucifié, convaincus que c'est la grâce et la vérité qui rend libre. Nous confessons les péchés dans l'Église, surtout ceux qui sont motifs de scandale et d'éloignement des fidèles et des incroyants.

Par-dessus tout, nous confessons, Seigneur, ton Amour et ta miséricorde qui rayonne de ton cœur eucharistique et de l'absolution des péchés que nous prodiguons aux fidèles.

Le Saint-Père nous l'a abondamment rappelé tout au long de cette année sacerdotale : Chers prêtres, quel ministère extraordinaire le Seigneur nous a confié ! De même que dans la célébration eucharistique, il se place entre les mains du prêtre pour continuer à être présent au milieu de son peuple, ainsi, dans le Sacrement de la Réconciliation, il se confie au prêtre pour que les hommes fassent l'expérience du baiser avec lequel le père accueille à nouveau le fils prodigue, en lui rendant sa dignité filiale et le reconstituant pleinement héritier (cf. Lc 15, 11-32) .

Saint Jean-Marie Vianney nous le redit à sa façon :

« Le Bon Dieu sait tout. Avant même que vous vous confessiez, il sait déjà que vous pécherez encore et, toutefois, il vous pardonne. L'Amour de notre Dieu est si grand, il va jusqu'à oublier volontairement l'avenir, pour nous pardonner . » Là à l'autel du Sacrifice, en union avec Marie, nous offrons le Christ au Père et nous nous offrons avec lui. Soyons conscients, chers amis, qu'en célébrant l'eucharistie, nous n'accomplissons pas une œuvre humaine, nous offrons Dieu à Dieu. Comment est-ce possible ?, pourrait-on objecter. C'est possible par la foi, car la foi nous donne Dieu. La foi nous donne aussi à Dieu. Nous disposons de Dieu en quelque sorte, comme lui dispose de nous. Celui que les philosophes désignent comme le Tout-Autre et l'Indisponible par excellence a voulu naître et vivre parmi nous, homme parmi les hommes, en vertu d'une Sagesse qui est scandale pour les Juifs et folie pour les païens (cf. 1 Co 1, 23). En sa divine compagnie, nous ressemblons parfois à des enfants insouciants et rebelles qui côtoient des trésors, prêts à les dilapider comme si de rien n'était. Quel abîme que le mystère du sacerdoce ! Quelles merveilles que le sacerdoce commun des baptisés et le sacerdoce ministériel ! Ces mystères sacramentels renvoient finalement au mystère de Dieu, un et trine. L'offrande sacrificielle du Christ rédempteur est au fond l'Eucharistie éternelle du Fils répondant à l'Amour du Père au nom de toute la création. Nous sommes associés à ce mystère par l'Esprit de notre baptême qui nous rend participants de la nature divine (2 P 1, 4). Plus l'Esprit rend les baptisés vivants de la filiation divine et plus il rend les prêtres rayonnants de la paternité divine, plus les deux s'unissent en une commune épiclèse irradiant le monde de la gloire de l'Esprit. « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (Jn 17, 21). Rassemblés au Cénacle, invoquant l'Esprit Saint avec Marie, en communion fraternelle, nous prions pour l'unité de l'Église. Le scandale permanent de la division des chrétiens, les tensions récurrentes entre clercs, laïcs et religieux, l'harmonisation laborieuse des charismes, l'urgence d'une nouvelle évangélisation, toutes ces réalités appellent sur l'Église et le monde une nouvelle Pentecôte.

Une nouvelle Pentecôte d'abord sur les évêques et les prêtres afin que l'Esprit de sainteté reçu à leur ordination produise en eux de nouveaux fruits, dans l'Esprit authentique du Concile Vatican II. Le décret Presbyterorum Ordinis a défini la sainteté sacerdotale en partant de la charité pastorale et des exigences d'unité du presbyterium :

« La charité pastorale exige donc des prêtres, s'ils ne veulent pas courir pour rien, un travail vécu en communion permanente avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, le moyen de trouver dans l'unité même de la mission de l'Église l'unité de leur propre vie. Ainsi, ils s'uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père, dans l'Esprit Saint ; ainsi, ils pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie » (PO 14). Aujourd'hui comme au début de l'Église, les défis de l'évangélisation sont accompagnés de l'épreuve des persécutions. Souvenons-nous que la crédibilité des disciples du Christ se mesure à l'amour réciproque qui leur permet de convaincre le monde (cf. Jn 13, 35 ; Jn 16, 8). « Bien plus, dit saint Paul aux Romains, nous mettons notre orgueil dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l'espérance ; et l'espérance ne trompe pas, car l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 3-5).

ACTION DE GRÂCES TRINITAIRE

Chers amis, rendons grâce à Dieu pour le don insigne du sacerdoce de la Nouvelle Alliance. En étant associés au sacrifice de l'Agneau immolé, nous communions à la plénitude de la foi qui ouvre les mystères de la vie éternelle. Ensemble avec Marie, laissons-nous ravir et emporter avec le chœur des anges dans la louange de gloire de Dieu trois fois saint. « Que l'Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire » (Prière eucharistique III). « Je vous aime, Ô Dieu infiniment aimable, et j'aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer. » Saint Jean-Marie Vianney, patron de tous les prêtres, conduis-nous à la suite de Jésus sur le chemin de l'intimité avec le Père dans l'allégresse de l'Esprit Saint, gardes-nous dans la joie du service de Dieu.

À son exemple, aimons Dieu de tout notre cœur dans l'unité du Saint-Esprit, et aimons aussi l'Église qui est sa demeure sur la terre :

Nous aussi donc, écrit saint Augustin, nous recevons l'Esprit Saint si nous aimons l'Église, si nous sommes compagnons dans la charité, si nous nous réjouissons de posséder le nom de catholique et la foi catholique. Croyez-le, frères, dans la mesure où quelqu'un aime l'Église, il a l'Esprit Saint . Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II résumait en deux mots son existence sacerdotale à la suite de Jésus : Don et Mystère. Don de Dieu, Mystère de communion. Ses grands bras ouverts embrassant le monde entier restent gravés dans nos mémoires. Ils sont pour nous l'icône du Christ, Prêtre et Pasteur, rappelant sans cesse à notre esprit l'essentiel, le Cénacle, où les Apôtres avec Marie, espèrent et accueillent l'Esprit Saint, dans la joie et la louange, au nom de toute l'humanité. Amen !


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