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Penser au passé

Publié le 05 juillet 2010 par Cameron

Le ciel s’est entre-ouvert, et j’ai vu mon passé. C’était tout figé, silhouettes de stuc et de plâtre dans la posture approximative de mes souvenirs, aux visages d’eau vaguement agités par le courant d’une pensée que je ne pouvais saisir. J’ai regardé. Je n’ai reconnu personne. Alors dans mon esprit j’ai créé une porte, une grande porte de bois blanc qui ressemblait à la maison de mon enfance, avec la poignée inaccessible des jeunes années. Elle se confondait avec le ciel. Elle me masquait ce passé que je n’admettais plus comme étant mien. Mais si je l’ouvrais, si, haussée sur la pointe des pieds, je parvenais à l’entrebâiller, oui, là, j’aurais revu l’entièreté d’autrefois, le monde clos et mesurable d’une enfance parcourue de long en large, et peut-être les silhouettes seraient-elles devenues de marbre, non plus de plâtre, peut-être la grandeur imaginée de mes souvenirs aurait-elle acquis sous mes yeux solidité tout autant que silence. Il suffisait d’une porte entre moi et le passé. D’un rempart.

J’ai regardé le ciel se refermer. Je me disais qu’il épousait la destinée du chagrin, et je n’avais qu’à le contempler pour me souvenir d’un temps où les pensées étaient miennes quelle que soit leur portée. C’est si facile, aujourd’hui, ce fut si douloureux autrefois. Le ciel est toujours ce miroir déformant que j’aimerais briser, mais je ne peux pas. Et il y a des mondes entiers entre nous, des mondes pas même ébauchés, lourds de leur seule possibilité d’existence, des mondes où nous ne sommes pas. Un jour, j’ouvrirai la porte, oui, j’y parviendrai. Un jour, je briserai ces statues qui du chagrin n’ont plus que la saveur salée. Et par la fente du ciel, je regarderai les débris s’éparpiller en mémoire assassinée.


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