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14 juillet : fête nationale ou anniversaire de la prise de la Bastille ?

Publié le 14 juillet 2010 par Hermas

Le 14 juillet : commémoration de la prise de la Bastille ?

Il existe en France, et a fortiori à l’étranger, une tenace croyance, ou une tenace ignorance, selon laquelle le 14 juillet, fête nationale, constituerait une commémoration de la prise de la Bastille, intervenue le 14 juillet 1789.

Ainsi, si l’on consulte le site gouvernemental “France diplomatie”, on y apprend que :

« journée révolutionnaire parisienne devenue fête nationale, le 14 juillet associe aujourd’hui la solennité des défilés militaires et la convivialité des bals et des feux d’artifice. La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, est commémorée en France depuis plus d’un siècle. »

Echo identique sur le site même de la Présidence de la République, fût-ce au prix d’une contradiction ultérieure, qui permet de constater que les sphères officielles préfèrent – faut-il s’en étonner ? - le maintien d’une erreur idéologique à la vérité des faits. Après avoir dit que le 14 juillet avait pour objet de célébrer la « journée révolutionnaire » de la prise de la Bastille, il poursuit en ces termes :

« Par la suite, la commémoration du 14 juillet 1789 est abandonnée, jusqu'à ce que la IIIème République, notamment Gambetta, cherche à célébrer les fondements du régime. Sur proposition du député de la Seine, Benjamin Raspail, la loi du 6 juillet 1880 fait du 14 juillet la fête nationale de la République ».

Le Larousse n’est pas en reste :

« La chute de la prison d'État fut, après coup, saluée comme la victoire de l'insurrection populaire sur l'arbitraire royal. C'est pourquoi le 14 juillet fut choisi comme fête nationale de la France par la IIIème République, en 1880. »

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La fête nationale française célébrerait ainsi l’assaut de cette prison, dont n’ont pourtant été délivrés que des « faux-monnayeurs et des satyres », selon le mot de Gaxotte. Pour beaucoup, cette image prétendument épique, assimilée par l’historiographie d’Etat à une glorieuse victoire militaire, porte en elle la Révolution toute entière et l’Idée sublimée que l’Ordre nouveau se fait de lui-même : le prophète de la liberté, de l’égalité, de la fraternité universelles, dans un monde démocratique qui ne connaît plus désormais ni obscurité, ni fanatisme, ni injustice, ni privilège. Il plaît visiblement à notre bourgeoisie couronnée de rappeler ses origines canailles, selon un modèle mi-mondain, mi-vulgaire fort prisé de politiciens aujourd'hui très en vue.

Les peuples, paraît-il, étaient fatigués de l’opium de la religion. Ils lui ont préféré le suc plus corsé du phantasme révolutionnaire, qui sert, génération après génération, à consoler le citoyen de ses désillusions amères. Le règne des rois a laissé place à celui des banquiers, des bouffons, des marchands de soupe, des faiseurs d’affaires, des promoteurs immobiliers, des officines de la pensée unique, des penseurs  de quai de gare et des manipulateurs d’opinion portant tous le pouvoir relatif de politiciens médiocres, cyniques, inféodés et veules.  Les castes de privilégiés se sont multipliées, et avec elles, à la fois, l’arrogance ici, et la jalousie là. Les inégalités les plus criantes se sont épanouies paisiblement à l’ombre du pouvoir, y compris en matière fiscale. Un servage nouveau s’est développé, le citoyen lambda travaillant six mois l’an pour le seul compte de l’Etat protecteur, lequel vit à grand train sur sa ruine consommée et son avenir obéré. Le culte public de Dieu a laissé place à celui de l’Argent et l’idéal de l’honnête homme à celui du Consommateur, gavé de matérialisme, de téloche et de sport.

Mais qu’importe ! Chaque année vient offrir au citoyen désidéalisé, avec les beaux jours d’été, sa prophylaxie mémorielle contre l’esprit de réflexion et de rébellion. Nous sommes libres, vient-on nous marteler, nous sommes un modèle pour le monde, frères et égaux dans cette communauté sociale de bienveillance universelle car nos pères ont pris la Bastille ! Les politiciens eux-mêmes paraissent parfois être convaincus de la grandeur de l'événement de 89, inconscients qu'ils sont de celui qu'ils préparent à leurs dépens. Et ce trésor collectif qui est censé être nôtre a été conquis par les piques et les canons qui ont fait tomber, le 14 juillet 1789, la célèbre prison scélérate. 

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Cette foi naïve, cette crédulité englobe aussi, souvent – malgré les élucidations apportées en ce domaine par l’historiographie moderne, notamment étrangère – cette idée que la Révolution française, qui a mis fin à un monde vieilli, serait une œuvre de vertu. On ne saurait donc trop rappeler, en passant, la violence et le fanatisme qui lui ont été consubstantiels, et qui l’ont conduite, dans le temps, à arracher les racines traditionnelles de ce pays, jusqu’à lui faire perdre, au plérôme de notre âge de mondialisation, toute identité. 

Qu’il nous soit donc permis de rappeler également, comme en passant, que cette Révolution a opéré son point de non retour par la Terreur, laquelle n’était pas un accident, mais un instrument logique et cohérent de ses objectifs. Si la prise de la Bastille a quelque chose à voir avec cette période, ce n’est certainement pas avec les progrès du droit qui l’ont accompagnée, mais avec cette Terreur, c’est-dire cette confiscation violente du pouvoir par des voyous et des assassins érigés en chantres de la Vertu obligée. En quoi, dès lors, la célébration d’un fête nationale, supposée constituer un lien national de tous les Français, peut-elle être symbolisée ou prendre naissance dans cette bacchanale de vulgarité et de sang ? D’autant que, contrairement à ce que la Légende Dorée de la République s’est appliquée longuement à faire croire, par son histoire officielle, le « nettoyage » auquel la Révolution – cette révolution de violence et de meurtre – s’est livrée a été tourné, premièrement et directement contre le peuple français lui-même.

« Contrairement à ce que l’on a pu croire, les guillotinés se sont recrutés beaucoup moins chez les “aristos” que parmi les gens du peuple. Se sentant menacés, un grand nombre de nobles avait émigré dès les premiers mois de la Révolution. Les victimes sont donc principalement des artisans et des laboureurs, des marchands et des religieux, désignés comme ‘ennemis de la Nation’ parce qu’ils avaient essayé de se soustraire aux réquisitions, ou simplement parce qu’ils avaient exprimé un peu trop haut leur mécontentement fut le blocage des prix et des salaires en général, de la politique du gouvernement » [cf. Michel Mourre Les Guillotinés der la Terreur, Publications Henry Coston, mars 1988, 139 pages : l’ouvrage donne la liste, avec noms, prénoms, profession, motif de la condamnation de toutes les victimes].

Mais surtout les principales victimes furent les prêtres [réfractaires, qui restaient fidèles au Pape], les religieux, les religieuses, des couvents entiers ; mais aussi et surtout, de nombreux fidèles, des gens simples du bon peuple de France, des gens attachés à leur foi, des catholiques qui continuaient, malgré les dangers, à s’adresser aux prêtres réfractaires et qui n’hésitaient pas à les cacher pour leur permettre de poursuivre leur ministère. Quand ils étaient découverts, le procès était bref : « Es-tu catholique ? – « Oui, je suis catholique » - Fidèle à la Constitution ou au Pape ? «  - Au Pape » - « A la guillotine »…

Dans mon village de Lorraine une famille, qui habitait alors Lyon, y a eu 31 personnes guillotinées, pour la seule raison d'être catholiques, et de s'adresser aux prêtres réfractaires! Les interrogatoires, que j’ai lus, font penser aux pires persécutions du temps de l’Empire Romain.

Dans mon propre village, la Mère Abbesse de l’une des quatre Abbayes de femmes de Lorraine, a écrit une Lettre personnelle au Pape au début du mois de janvier 1790 en analysant la situation. Elle déclarait que le mouvement nouveau avait pour but surtout de détruire l’Eglise Catholique en France (Je possède copie de ce document dans mes archives, qui se trouve aux Archives de Meurthe et Moselle). Elle assurait le Saint-Père de sa fidélité et à l’Eglise « perinde ac cadaver », ainsi que de la fidélité de ses Chanoinesses, dont plusieurs sont mortes, de fait, à la guillotine.

Est-ce cela que l’on fêterait le 14 juillet ? Et pourtant, pour beaucoup, pour de très nombreux Français, la Fête nationale c’est la prise de la Bastille… Quelle ignorance et quelle honte !

Chaque année, les journaux, la télévision, nous rebattent les oreilles avec cette « prise de la Bastille ». En Italie, comme dans de nombreux autres pays, il en est de même.

C’est pourquoi j’avais écrit en son temps, sans succès, à l’Ambassadeur de France près le Saint-Siège pour que soient informées les différentes Ambassades, et surtout les différents journaux et radios et télévisions sur la signification du 14 juillet. Car on ne peut tolérer qu'une telle ignorance continue : c’est une erreur grave, c’est même un non sens, qui dénote la grande ignorance qu’ont les Français de leur propre histoire. Qu’enseignez-vous  Messieurs les professeurs d’histoire ? Ma lettre est bien sûr restée « lettre morte » et je gage que, cette année encore, tous les moyens italiens d’information renchériront sur « la prise de la Bastille »… C’est beau la « francophonie ».

C'est pourtant un fait historique et culturel, qu'il faut faire connaître pour lui donner tout son sens : Une fête nationale ne saurait être une chose banale, qui exalte des massacres aveugles…. Sinon, moi-même, je ne fêterais pas le 14 juillet, car mes ancêtres s'adressaient alors aux prêtres réfractaires, comme le montrent les registres de ces prêtres que j'ai découverts aux Archives de Nancy.

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Le 14 juillet, fête nationale de la France,

n’est pas la commémoration de la prise de la Bastille [14 juillet 1789]

La date du 14 juillet retenue comme fête nationale, est le 14 juillet 1790, Fête de la Fédération, où toute la France, avec les trois Corps constitués, Clergé, Noblesse, Tiers-Etats, se sont retrouvés pour une messe solennelle de réconciliation, en présence du Roi Louis XVI, afin de marquer la réunion de la France autour de son Roi, et autour de l'autel gigantesque dressé sur la Place de la Concorde à Paris, après les incidents sanglants révolutionnaires de la prise la Bastille le 14 juillet 1789. Le site internet du Sénat, mieux inspiré que d'autres sites gouvernementaux, ne manque pas de le rappeler.

Cette Fête de la Fédération eut lieu le 14 juillet 1790, pendant la Révolution française, un an jour pour jour après la prise de la Bastille. Les fédérés défilèrent avec leurs tambours et leurs drapeaux ; ils étaient 100.000, y compris ceux de Paris. Les parisiens prirent place sur les talus que l’on avait élevés autour de l’esplanade. Louis XVI arriva de Saint-Cloud et prit place dans le pavillon dressé devant l’École militaire. La participation de la foule fut immense, très enthousiaste, malgré le mauvais temps. La messe fut célébrée par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun (personnage pour le moins ambigu). La Fayette, en grand uniforme, arriva sur un cheval blanc et monta sur l’estrade. Louis XVI prêta serment à la Nation et à la loi, la multitude le répéta et l’on entonna un Te Deum, puis on se sépara au milieu des embrassements et des vivats dont beaucoup s’adressaient à Louis XVI.

La date du 14 juillet, comme fête nationale, fut retenue bien plus tard.

En effet, ce n'est que le 21 mai 1880 que le député Benjamin Raspail déposa la loi faisant de cette date la fête nationale annuelle en commémoration de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Cette référence à cette fête et non pas à la prise de la Bastille fut volontaire et explicite – afin d'écarter un événement sanglant.  Voici en quels termes s’est exprimé à ce sujet le Rapporteur du Sénat, Henri Martin :

« (…) à ceux de nos collègues que des souvenirs tragiques feraient hésiter, rappelons que le 14 juillet 1789, ce 14 juillet qui vit prendre la Bastille, fut suivi d’un autre 14 juillet, celui de 1790, qui consacra le premier par l’adhésion de la France entière, d’après l’initiative de Bordeaux et de la Bretagne. Cette seconde journée du 14 juillet, qui n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme, cette journée de la Grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. Le 14 juillet 1790 est le plus beau jour de l’histoire de France, et peut-être de toute l’histoire. C’est en ce jour qu’a été enfin accomplie l’unité nationale, préparée par les efforts de tant de générations et de tant de grands hommes, auxquels la postérité garde un souvenir reconnaissant. Fédération, ce jour-là, a signifié unité volontaire » (Henri Martin, rapporteur du Sénat).

Le même Rapporteur, au cours des débats, devait d’ailleurs déclarer à propos de l’Ancien Régime : « Cette ancienne société, cette monarchie, messieurs, nous vous l'avons dit bien des fois, nous en acceptons tout ce qui a été grand, tout ce qui a été national, tout ce qui a contribué à faire la France. »

La loi fut adoptée par l'Assemblée le 8 juin et par le Sénat le 29 juin. Elle fut promulguée le 6 juillet 1880. C’est depuis lors que le 14 juillet est officiellement le jour de la fête nationale française.


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