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Lecture de La Divine Comédie (1)

Publié le 22 juillet 2010 par Jlk


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Retour au livre total. Premières notes. De l'Enfer et du chemin.

À La Désirade, ce mercredi 20 juillet. – J’ai repris ce matin la lecture suivie de La Divine comédie de Dante, que je ne vais pas lâcher avant d’avoir atteint la dernière strophe à tierce rime du Paradis, à raison d’un chant par jour. Cela va nous conduire à l'automne, qui est sans pareil en Toscane. Or, j’y suis revenu après avoir fait l’acquisition du coffret contenant les trois volumes de la traduction de Jacqueline Risset en édition bilingue, la meilleure à ce jour pour notre langue (1)
J’y reviens aussi dans la foulée de Philippe Sollers et de son admirable travail avec Benoît Chantre (2), et en repensant au bon François Mégroz, qui nous y a introduit vers 1966-67 au Gymnase de la Cité de lausanne, dont le commentaire benoît est incessamment appréciable (2). C’est lui-même qui m’a parlé, à propos de La Divine Comédie, d’un « livre total », comme il n’y en a que quelques-uns dans l’histoire de la littérature. Mais ce qui m’intéresse plus précisément, à présent, c’est que ce livre-somme soit, comme le note Jacqueline Risset, encore « en avant » de nous. Du dehors, et notamment à travers la perception qu’il nous en reste du XIXe siècle, l’œuvre peut sembler anachronique et relevant en somme du musée. Du dedans, en revanche, et dès qu’on y pénètre, dès qu’on se plonge dans ce fleuve verbal, dès qu’on est pris dans le mouvement irrépressible des vers, un nouveau présent s’instaure bonnement, que la traductrice a raison de comparer avec le présent en marche du Temps retrouvé de Proust.
C’est en outre la base, pour moi, d’une nouvelle réflexion sur la vision panoptique. Tout part de l’enfer mais tout porte à en sortir, dès le début. Dès le début on sait d’ailleurs que Dante en est sorti. Dès le début l’œuvre est donnée pour travail de mémoire. D’emblée on sait que l’Aventure, contenant la matière d’une vie entière, a duré peu de temps. Plus précisément : un rêve de trois jours, entre le jeudi saint et Pâques 1300.Ainsi tout le poème apparaît-il comme un fantastique compactage. Or, on pourrait dire que ce compactage est à la fois celui du Moyen Âge et de notre temps, et que le chemin de l’Enfer passe par Auschwitz. Question d’Organisation.

« La grande réserve du mal dans l’univers : L’Enfer de Dante joue dans notre culture un rôle de référence absolue, et curieusement ambiguë », note encore Jacqueline Risset. Au titre de l’ambiguité, plus précisément de l’équivoque à son plus bas niveau, on peut citer évidemment le jeu vidéo récemment lancé sur le marché où L’Enfer est prétexte au déchaînement de toutes les violences. Mais il va de soi que cette réduction n’est qu’une récupération débile de la dramaturgie superficielle de l’ouvrage, excluant sa compréhension par sa conclusion pavlovienne que ce sont les violents qui l’emportent – pure négation du Chemin.

« Nel mezzo del camin di nostra vita », lisons-nous au premier vers du premier chant, et le quatrième vers du deuxième chant dira : «je m’apprêtais à soutenir la guerre du long parcours et de la compassion »…
Et tout est là : le chemin, le parcours, et c’est un travail de chaque jour, et quelle lecture engageante aussi. Andiamo...


(1) Dante. La Divine comédie. Présentation et traduction de Jacqueline Risset. Garnier Flammarion.
(2) Philippe Sollers. La Divine comédie. Entretiens avec Benoît Chantre. Gallimard. Folio.
(3) François Mégroz. La Divine comédie. Traduction commentée. L’Age d’homme, en trois vol.


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