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Vous me faites tous bien rire…

Publié le 12 août 2010 par Ivanoff @ivanoff

Vous me faites tous bien rire...

La lucidité n'est que le début du désespoir.

Ou est-ce le désespoir qui rend finalement plus clairvoyant ?

A quoi bon vous expliquer ? Je vis en parallèle dans un monde qui frôle le votre. Mais vous n'avez pas encore assez réfléchi pour simplement le soupçonner... Ce que vous voyez n'est que le reflet de votre propre image, vous ne pouvez distinguer le faux du vrai...

Pour me comprendre, il faudrait que vous connaissiez ma vie, que vous ayez su mes rêves, mes espoirs et mes fragilités... Il aurait aussi fallut qu'au moins ce soir vous ayez pu surprendre un de mes regards...

Epargnez moi vos sermons, je prends bien garde à ce que mon verre soit à moitié plein, mais l'ivresse ne parvient plus à masquer toutes mes peurs...

Pour me comprendre, il faudrait qu'en dormant vous soyez déjà inquiets à l'idée de vous réveiller, que chaque matin ne vous soit plus qu'une sourde angoisse. Que cette trouble inquiétude creuse votre ventre, monte inexorablement jusqu'à votre gorge et s'en saisisse comme un étau pour vous y garder prisonnier.

Il faudrait que vous soyez vous-mêmes enfermés, ligotés, incapables de vous évader de cette prison d'émotions. Que comme un noyé vous éprouviez ce que c'est de lutter contre un courant qui vous submerge et vous empêche de respirer...

Pour me comprendre, il faudrait que vous ne soyez plus qu'une fatigue, que le moindre geste exige de vous un effort si considérable que vous ayez renoncé à  le tenter... Que ce désarroi pèse si lourd que l'idée même de vous lever vous paraisse une incongruité...

Vous me faites tous bien rire...

Pour me comprendre, il faudrait qu'aucun de vos projets n'aient jamais été couronné de succès, que tous vos désirs n'aient jamais été qu'un raccourci pour prendre la mesure de vos impuissances...

Il faudrait que vous ayez gravi des montagnes d'optimisme et qu'atteignant enfin leurs sommets votre utopique escalade ne soit plus qu'une dégringolade...

Oui, vous me faites tous bien rire...

Je ne vous blâme pas de ne pas réussir à  me comprendre... A condition que vous cessiez immédiatement de me répéter que bientôt  : "ça ira mieux"...

Pour me comprendre, il faudrait aussi que vous sachiez ce que veut dire renoncer... A quelqu'un, à quelque chose...

Quand mille fois vous aurez recommencé à espérer et qu'autant de fois vous aurez du vous avouer vaincus, là seulement vous approcherez de ce qu'on nomme lassitude...

On ne peut éternellement s'accrocher...

A qui ? A quoi ?

Le triste constat aura pris parfois des décennies et usé la plupart de vos amis. La gaité comme la tristesse est contagieuse, si l'une a le magnétisme des aimants, l'autre éloigne inexorablement les plus patients...

Il faudrait qu'autour de vous on ne vous parle plus qu'en langues étrangères, qu'à force d'incompréhension au mieux l'indifférence s'installe, à moins que pour toute réponse vous ne receviez plus que du mépris... Vous savez, vos histoires n'interessent personne.

Pour me comprendre, il faudrait que vous n'ayez plus besoin d'aucun chagrin pour que vos yeux s'emplissent de larmes, et que vous vous trouviez tellement ridicule de ne pas savoir les retenir...

Il faudrait que plus rien vraiment ne vous fasse envie, que vous égreniez vos jours comme les grains d'un chapelet, que chaque soir soit une journée de plus passée... Que dormir soit le seul moment d'apaisement...

Il faudrait que vous trouviez vain d'encore chercher des solutions, que plus aucune colère ne vienne vous donner la force d'affronter une ultime rebuffade...

Il faudrait que le soleil ne réussisse plus à vous réchauffer, qu'au coeur du plus bel été vous frissonniez avant d'enfiler un gilet, que la pluie ne vous contrarie pas plus qu'autre chose, il faudrait que vous vous vous rendiez compte que plus rien n'a vraiment d'importance...

Ne vous fatiguez pas à me trouver de bonnes raisons d'aller bien, je les connais tout aussi bien que vous, mais elles ne suffisent plus à gommer les traits de crayons noirs qui ont dessiné ma vie...

Et quand bien même vous auriez raison...

Vous me faites tous bien rire...


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