Magazine Journal intime

Elles sont reviendues, sauve qui peut

Publié le 13 août 2010 par Anaïs Valente

C’est toujours en août qu’elles reviennent.  Je le sais.  J’ignore comment je le sais, mais je le sais.  C’est quelque chose que tout citoyen sait.  On l’apprend presque à la naissance j’imagine, puisque je ne me souviens pas de qui me l’a appris ni quand.  Ça fait partie de la culture collective et citoyenne quoi.

Bref, je le sais, qu’elles reviennent en août, les zébrées jaunes, alias les guêpes.

Mais cette année, enfer et damnation suprêmes, elles étaient bien en avance.

Dès début juillet, j’ai eu à subir leurs assauts.  Leurs attaques.  Si.  Elles attaquent, et que ceusses qui me disent « pas bouger, une petite bête ne mange pas une grosse (c’est moi que tu traites de grosse là ?), elle va partir, elle va pas t’attaquer, reste calme » se taisent à tout jamais, passqu’on en entend partout des histoires de zébrées qui se ruent d’un coup d’un seul sur un innocent citoyen qui ne bougeait pas, ne bronchait pas, ne parlait pas, ne provoquait pas, alors hein, les théories « pas bouger pas broncher », j’y crois pas.

Et donc, début juillet, je mange calmement une petite crêpe aux trois sucres, troooop bon.  Et je bois un Ice tea pêche, troooop glacé.  Je suis avec une amie et le moment est super, y’a du soleil, on a pris la namourette, j’ai trouvé des godasses à ajouter à ma collection.  Bref, moment bonheur.  Et petit bonheur supplémentaire, sur ma canette d’Ice tea, y’a un code pour avoir des réductions sur les DVD.  Alors, pour pas emporter la canette, je décide de noter le code.  Je saisis la canette.  Je l’approche pour lire le code.  Et là, le drame.  Une énoooorme zébrée, mais énorme, genre libellule version jaune, sort de la canette et me regarde d’un air méchant.  Elle est fâchée.  Comment je le sais ?  Ben elles sont toujours fâchées, les zébrées, zavez qu’à mater leur tête triangulaire, avec leurs antennes pointées agressivement vers leur proie et leurs yeux qui lancent des éclairs.  Brrrr.  La voyant sortir, donc, je pousse un hurlement digne de Jessica Lange quand King-Kong l’enlève (mais est-ce bien elle, j’ai un doute du coup, ma culture étant ce qu’elle est, jamais vu King-Kong, mais c’est le nom d’actrice qui m’est venue, comme un reflux de culture collective…), hurlement qui ameute le responsable de l’établissement.  Je rougis d’angoisse et de honte, je sue comme une truie ménopausée (j’avais d’abord mis un porc ménopausé, ça sonne mieux, mais Word pas content, car ménopausée n’existe qu’au féminin, qu’on se le dise), je respire comme une asthmatique en pleine crise.  J’ai eu peur, c’est normal hein.

Depuis lors, j’étais relativement tranquille.  A savoir que les zébrées se contentaient de me tourner autour quand : je bois quelque chose qu’elles aiment, je mange quelque chose qu’elles aiment, je parle et elles aiment mon haleine, j’ai du parfum qui sent bon, j’ai du gel qui sent bon, je transpire et elles aiment ça, j’ai un bouton  sur le nez qui leur plait pas, j’ai une fringue de couleur qui leur plait… et j’en passe.

Mais aujourd’hui, le summum de l’horreur.  Attention, thriller en vue.

A midi, je m’installe gentiment au soleil, avec mon petit repas, mon petit coca light et mon petit livre (le nouveau Beth Fantaskey, Alchimie, passionnant).  J’ai à peine le temps d’engloutir une bouchée que la voilà : la zébrée, avec son air gourmand et agressif.  J’envoie valser (Zazie) mon livre (et je perds ma page, tchu), je saisis mon assiette violemment (du coup la pomme de terre en chemise se retrouve noyée dans la sauce cocktail qui en devient toute chaude, tchu) et je me précipite à l’intérieur.  Puis je ferme la porte-fenêtre, car je sais qu’elle va me poursuivre.  Et je mange, terrée chez moi.

Ensuite, un peu plus tard, un verre en terrasse en agréable compagnie.  Tout va bien, la conversation est sympa, moment bonheur.  Soudain, une zébrée se pointe (chuis sûre que c’est celle de midi qui vient se venger de n’avoir pas pu manger dans mon assiette, sûre sûre – meuh non chuis pas paranoïaque).  L’angoisse monte, je m’éloigne le plus possible du bestiau qui hésite entre nos verres, nos canettes, nos lèvres.  Elle finit par se poser sur le bord d’une canette, puis par y entrer.  Et la voilà prise au piège d’un sous-bock.  Je devrais me sentir rassurée (argh j’avais écrit rassurer, vous voyez comme je suis traumatisée par l’angoisse), l’animal sauvage étant maîtrisé.  Mais je ne peux plus quitter le sous-bock des yeux : et s’il s’envolait, et si la zébrée poussait, de ses petites pattes musclées, sur le sous-bock pour le soulever, et si et si et si…  Finalement, mon comparse retourne la canette et le sous-bock, et coince définitivement la zébrée dans la canette.  En plus, le reste de boisson en coule, ce qui, espoir fou, pourrait noyer notre bestiau.  Mais rien n’est moins sûr.  Et même avec la canette retournée, je continue à angoisser.  Un peu comme si la seule présence d’un zébré à moins de dix (cent ?) mètres m’obligeait à ne plus penser qu’à ça rien qu’à ça.  Et je stresse.  Et j’ai des visions d’horreur.  Un coup de vent renverse la canette (le soleil a laissé place aux nuages, un coup de vent est donc possible), la zébrée s’échappe et, furieuse, se précipite sur le premier visage visible, savoir le mien, et se met à me piquer la lèvre encore et encore et encore.  Je la visualise, sur ma lèvre, aaaaaaaaaaargh je veux hurler.  Vision d’horreur suivante.  Elle parvient à se faufiler dans l’interstice entre la canette et la table et idem.  Vision d’horreur suivante. Elle pousse avec ses antennes pour soulever la canette et idem.  Et ainsi de suite.  Bref, plus moyen de me concentrer sur notre conversation.  Pourtant j’essaie, mais en vain.  Et je ne pense qu’à une chose, m’éloigner de cet endroit tellement dangereux pour moi.

Alors, nous partons.

Et j’avertis le serveur du danger… ben oui quoi, quand il va soulever la canette, vous le savez, elle va se précipiter sur le premier visage visible et idem.  A moins qu’elle ne se lance à ma poursuite, sait-on jamais…

Je hâte alors le pas jusqu’à mon humble demeure, où je me réfugie, toutes portes et fenêtres closes, des fois que la zébrées connaîtrait mon adresse (ah ben oui elle la connaît, elle y était ce midi, car oui c’était elle, je le sais).

Ouf, sauvée.

Jusque demain…

Dessin issu du blog de Coco.

Alias Corinne Rey.

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