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Les premiers chrétiens : comment vivaient-ils ? (2) La chrétienté primitive (b)

Publié le 03 septembre 2010 par Hermas

4. Le processus de conversion


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« On ne naît pas chrétien, on le devient », écrivit Tertullien (4), à la fin du 2ème siècle. Ces mots pourraient notamment signifier que, de son temps, la grande majorité des fidèles n’étaient pas - comme ce sera le cas à partir du quatrième siècle - les enfants de parents chrétiens, mais des gens nés païens, venus à l'Eglise par une conversion à la foi en Jésus-Christ. Le baptême - sacrement de l'incorporation à l'Église - constituait alors l'aboutissement d'un long processus d’initiation chrétienne.


Ce processus, entamé par la conversion, se poursuivait tout au long du “catéchuménat”, une période d’épreuve et d’instruction catéchétique, institué de manière régulière depuis la fin du 2ème siècle. Le centre de la vie liturgique des chrétiens était le Sacrifice Eucharistique, qui était offert au moins le dimanche, soit dans une demeure chrétienne  - siège de quelque “église domestique” - soit dans des lieux destinés au culte, lesquels commencèrent à apparaître dès le 3ème siècle.


5. La diversité culturelle des chrétiens


Les anciennes communautés chrétiennes étaient constituées de toutes sortes de personnes, sans distinction de classe ni de condition. Dès les temps apostoliques, l’Eglise fut ouverte aux juifs comme aux gentils, aux pauvres et aux riches, aux hommes libres comme aux esclaves. Il est certain que la majeure partie des chrétiens des premiers siècles étaient des gens d’humble condition, et un intellectuel païen hostile au christianisme, Celse (5), se moquait avec mépris de ses tisserands, de ses cordonniers, de ses lavandières et autres personnes sans culture, qui propageaient l’Evangile en tous lieux.


Cependant, c’est un fait indubitable que, depuis le 1er siècle, des personnalités de l’aristocratie romaine embrassèrent le christianisme. ce fait devait revêtir une telle ampleur, deux siècles plus tard, que l’un des édits de persécution de l’Empereur Valérien fut spécialement dirigé contre les sénateurs, les nobles et les fonctionnaires impériaux chrétiens.


6. La structure des communautés paléo-chrétiennes


La structure interne de la communauté chrétienne était hiérarchique. L'évêque - chef de l'église locale - était assisté du clergé, dont les degrés supérieurs - les ordres des prêtres et des diacres - étaient, comme l’épiscopat, d’institution divine. Les clercs mineurs, assignés à des fonctions ecclésiastiques déterminées, sont apparus au cours de ces siècles. Les fidèles qui devenaient membres du Peuple de Dieu étaient, dans leur immense majorité, des chrétiens ordinaires, mais certains d’entre-eux se distinguaient cependant pour une raison ou une autre.


A l'âge apostolique, nombreux étaient les charismatiques, qui, pour le service de l’Eglise, avaient reçu des dons extraordinaires de l’Esprit-Saint. Ces charismatiques ont joué un rôle majeur dans l'Église primitive, mais ils constituèrent un phénomène transitoire qui s’éteignit pratiquement au premier siècle de l'ère chrétienne. Tant que dura l’époque des persécutions, les « confesseurs de la foi » jouirent d’un prestige particulier. On les appelait ainsi parce qu’ils avaient « confessé » leur foi comme les martyrs, bien qu’ils aient survécu à la prison et à la torture.


Il faut encore mentionner d’autres fidèles chrétiens, qui tiraient de leur vie ou de leurs ministères un statut particulier au sein des églises : les veuves, qui, depuis les temps apostoliques, formaient un ”ordre” et assumaient un ministère avec d’autres femmes ;  les ascètes et les vierges, qui embrassaient le célibat « pour l’amour du Royaume des cieux » et constituaient, selon saint Cyprien (6), « la partie la plus glorieuse du troupeau du Christ. »


7. L’apologie du christianisme primitif


Les premiers chrétiens ont subi la dure épreuve externe des persécutions. L'Eglise dut cependant affronter, à l’intérieur, une autre épreuve, qui n’était pas moins redoutable : la défense de la vérité contre des courants idéologiques qui cherchaient à saper les principes fondamentaux de la foi chrétienne. Les anciennes hérésies - ainsi qu’on appelait ces courants de pensée - peuvent être divisées en trois groupes distincts.


Le premier groupe correspond à un judéo-christianisme hérétique qui niait la divinité de Jésus-Christ et la puissance rédemptrice de sa mort. Pour lui, la mission messianique de Jésus se bornait à porter le judaïsme à sa perfection, par la pleine observance de la loi.


Un deuxième groupe d'hérésies - d’apparition plus tardive - se caractérisait par son rigorisme moral fanatique, stimulé par la croyance en une fin des temps imminente. Au 2ème siècle, la plus connue de ces hérésies fut le montanisme (7). Cependant, dans l’Afrique latine, l’extrémisme rigoriste sera toujours l’une des composantes du donatisme (8) au début du 4ème siècle.


Mais la plus grande menace à laquelle l’Eglise chrétienne ait dû faire face, durant l’âge des martyrs, fut, sans aucun doute, l’hérésie gnostique. Le gnosticisme était un grand courant idéologique tendant au syncrétisme religieux, très en vogue au cours des derniers siècles de l’Antiquité. Constituant une véritable école intellectuelle, il se présentait comme une sagesse supérieure, uniquement accessible à une minorité “d’initiés”. Face au christianisme, son but était de disqualifier les vérités de la foi, en présentant les doctrines gnostiques comme l’expression de la tradition chrétienne la plus sublime, que le Christ était supposé avoir réservée à ses disciples les plus intimes. Le représentant le plus notable du gnosticisme chrétien fut Marcion (9). L'Eglise a réagi avec fermeté et les Pères apostoliques (10) ont démontré l'incompatibilité absolue de cette doctrine avec le christianisme.


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NOTES


(1) Saint Ignace [né vers 35 - mort vers 113], d’origine syrienne, fut le troisième évêque d’Antioche, après saint Pierre et Evode.

(2) Saint Irénée [né vers 130 - mort en 202], originaire de Smyrne, en Asie mineure, mort à Lyon, om ses reliques sont toujours conservées et vénérées.

(3) Clément Ier, du Clément le romain, 4ème Pape, martyrisé sous l’Empereur Trajan vers 99. On peut lire la Lettre aux Corinthiens évoquée ici dans Les écrits des Pères apostoliques, Ed. du Cerf. 2001.

(4) Tertullien [né dans la seconde moitié du 2ème siècle à Carthage - mort vers 230-240 à Carthage], issu d’une famille berbère romanisée et païenne. Converti à la fin du 2ème siècle au christianisme il en est devient le plus brillant apologète. Il rejoint cependant le mouvement hérétique montaniste à la fin de sa vie.

(5) Celse, philosophe épicurien du 2ème siècle, auteur d’un Discours véritable (perdu), contre le christianisme, dont le contenu n’est connu que par la réfutation qu’en fit Origène.

(6) Saint Cyprien [né vers 200 - mort en 258], évêque de Carthage, Père et Docteur de l’Eglise.

(7) Du nom de Montanus, originaire de l’actuelle Turquie, ancien prêtre des idoles, converti au christianisme.

(8) Du nom de Donat, évêque en Numidie, dont le courant refusait de reconnaître la validité des sacrements donnés par les évêques qui avaient failli lors des persécutions de Dioclétien (303-305).

(9) Originaire de l’actuelle Turquie, gagné aux doctrines gnostiques à Rome, excommunié en 144, mort vers 160.

(10) Les “Pères apostoliques” désignent les écrivains qui ont suivi immédiatement les Apôtres, depuis la fin du 1er siècle aux débuts du 2ème siècle. Parmi eux figurent Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Hermas. De culture plutôt juive que grecque, ils s’adressaient à des gens simples, sans référence philosophique, en se fondant seulement sur les Livres saints. Leurs oeuvres ont une importance théologique considérable comme  premier maillon de l’expression de la tradition.


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