Magazine Journal intime

Politique du pire

Publié le 24 septembre 2010 par Alainlecomte

Ce n’est pas une chose évidente que de commenter l’actualité politique : peur de se tromper, peur de ne pas avoir assez de recul. Combien de fois me suis-je réfréné à l’idée d’écrire un billet exprimant mon sentiment spontané. Il est toujours facile de s’indigner, se dit-on. Et puis on passe à autre chose, comme si, après tout, d’autres se chargeaient bien de faire des commentaires. Je note d’ailleurs que mes rares billets à teneur politique ne sont ni les plus commentés ni les plus lus, comme si s’installait un consensus entre bloggueurs qui veut que le terrain de l’actualité culturelle (par exemple), ou des voyages, soit davantage un lieu de bienséance conversationnelle que le sujet du politique. On n’aborde pas les sujets politiques en famille - dit-on - , et entre amis, on s’assure d’abord qu’on est du même bord. La dernière fois , donc, que je me suis risqué à cet exercice, c’était pour évidemment pointer la politique intensément réactionnaire et sécuritaire du gouvernement actuel et du chef de l’état. Je disais que ces gens-là étaient dangereux et que Sarko n’hésiterait pas à nous embringuer dans une dialectique de la terreur, à l’instar de son maître américain G. W. Bush, afin de faciliter sa réélection, s’il en était besoin.
Il semble bien que nous en soyons là. Je veux dire : que cette dialectique soit enclenchée. Pas un jour qui ne passe sans qu’on nous prévienne contre un possible attentat. Les services de sécurité sont mis sur les dents et, de fait, on trouve des (fausses) alertes à la bombe et aussi des colis abandonnés dans les métros et lignes de chemin de fer (au cours d’un déplacement d’une journée à Paris, lundi dernier, ce fut d’abord sur la ligne 14, puis en rentrant sur un train qui passait par Lyon).
La séquence sécuritaire a démarré à Grenoble en plein mois de juillet.
Par une coïncidence très heureuse pour le pouvoir, à peu près en même temps, un groupe de « gens du voyage » mettait à mal une sous-préfecture de province : il n’en fallait pas plus pour créer un amalgame et cibler une communauté, ce serait donc les Roms. A Grenoble, le chef de l’état faisait pour la première fois (la chose fut soulignée par la radio suisse, plus peut-être que par les radios françaises, le regard de l’étranger ne trompe pas sur ces choses) le rapprochement entre délinquance et immigration. Il avançait la notion de déchéance de la nationalité, alors même que la constitution ne permet pas de distinguer entre les différentes manières dont on a pu obtenir la nationalité française, et que tous les citoyens sont égaux en droit. Elle ne permet pas non plus de discriminer un groupe ethnique. Belle perche tendue au Front National qui, par la voix de Marine Le Pen (toujours sur cette même radio suisse romande !), se trouvait autorisée à surenchérir en proposant les mesures les plus folles comme par exemple « la présomption de légitime défense pour tout policier faisant usage de son arme ».
Bien sûr, je sais bien que, hélas, les menaces d’attentat existent, mais cela est d’autant plus vrai que nous sommes dirigés par un individu agressif, provocateur et impulsif qui trouve malin d’accaparer l’attention des chefs d’états européens pendant plusieurs heures sur un sujet secondaire, ou de prêter à un autre chef d’état des propos invérifiables sur les camps de Roms, propos aussitôt démentis. Et par un gouvernement qui n’a jamais montré beaucoup d’intelligence et de compréhension dans ses rapports avec l’islam, devenu, qu’on le veuille ou non, une réalité incontournable dans l’hexagone. Si jamais par malheur un tel événement se produisait… quel bénéfice ne chercherait pas à en tirer notre tyranneau national. La manipulation que je dénonçais à propos de Grenoble (le déchaînement de Sarko et d’Hortefeux  contre les juges accusés de laxisme alors qu’ils n’avaient fait que leur boulot) ne serait bien sûr rien à côté de celle qui en découlerait. Les lois d’exception (mais en vérité destinées à durer) viendraient alors à pleuvoir.
Edwy Plenel a écrit un papier très fort (à lire sur le site de Mediapart), qui nous met en garde :

Ce pouvoir est prêt à tout pour durer, y compris à exploiter la menace terroriste pour s’imposer au pays. Des Roms expulsés aux attentats annoncés, la folle accélération de l’agenda présidentiel depuis qu’a surgi l’affaire Bettencourt est une alerte définitive pour tous les opposants à une présidence qui renie notre République démocratique et sociale.

Face à cette situation, que fait l’opposition ? Que faisons-nous, nous pauvres « intellectuels » ou « gens de la gauche » ? Le plus souvent nous nous taisons car nous avons peur de trop en dire, comme je le fais peut-être en ce moment. Trop en dire, qui donnerait du grain à moudre à la stratégie présidentielle, qui repose sur le prétendu accord d’une majorité silencieuse avec cette politique sécuritaire. Bénéficiant de ces atermoiements, le pouvoir se sent autorisé à tous les coups, y compris les violations des droits de l’Assemblée Nationale, comme cela s’est produit lors du débat sur les retraites. En d’autres temps, on aurait murmuré sans doute qu’il y avait là comme une sorte de « coup d’état », mais aujourd’hui, chut… de toutes façons tout cela sera fini en 2012. A voir. Ce pari sur l’avenir de 2012 est dangereux. On ne peut pas dormir dans la quiétude, avec l’assurance que tout se passera bien, en se disant que d’ailleurs n’est-ce pas, comme le disait Claude Bartolone sur France Inter ce matin… « Martine et DSK se sont rencontrés, rien ne doit filtrer de ce genre de rencontre, qui est la preuve que tout marche comme sur des roulettes ». Edwy Plenel conclut son article ainsi :

Le Parti socialiste croit que le temps est son allié, alors que c’est celui du pouvoir qui, loin de gouverner avec efficacité, est déjà entré en campagne, avec brutalité. Du coup, la gauche joue la montre, quand il parie sur l’urgence. Elle feuillette tranquillement le calendrier, alors qu’il ne cesse d’imposer son agenda. Elle se berce de fictions sondagières, tandis qu’il travaille le pays réel.

On ne saurait, à mon avis, mieux dire.


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