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the road

Publié le 20 février 2010 par Plumaplumbum
band the road 3

"The road", film post-apocalyptique de John Hillcoat est une œuvre sombre et déroutante, à l'image du best-seller de Cormac McCarthy (Prix Pulitzer 2007) dont elle est l'adaptation.
 
« L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d'une humanité retournée à la barbarie.»
Ce film n'est pas inspiré du livre, il en est plutôt la mise en image fidèle, quasi exhaustive. Passer par la case roman avant celle des salles obscures est toujours préférable, mais ici pas indispensable tant l'histoire a été suivie à la lettre. Certains se demanderont quel est l'intérêt d'un copié-collé : Concernant les adaptations, il est assez rare qu'un réalisateur ne massacre pas l'oeuvre originale [ je pense ici, dans la même veine post-apo,  au génialissime "i am legend" de Richard Matheson, récemment transformé en bouillie pop-corn par un réalisateur employé de Warner Bros qui, non content d'être passé "à côté" de l'œuvre notamment le final, se lance désormais dans un préquel ]. Félicitons donc Hillcoat de ne pas être tombé dans la surenchère visuelle...
J'ai retrouvé à l'écran les images mentales élaborées à la lecture du roman, la même atmosphère poisseuse, humide, angoissante, mélancolique (travail remarquable du directeur photo) ; le tout transcendé par la prestation du prodigieux Viggo Mortensen et du très bon Kodi Smit-McPhee dans le rôle du fils. Le film est à l'image du livre : le but n'est pas de nous conter une épopée SF, mais bien de nous faire entrer dans l'intimité de ce duo père/fils confronté au danger, au désespoir et à la solitude. L'œuvre bien qu'extrêmement violente reste donc profondément humaine.
Quantité de créations post-apocalyptiques insistent, souvent lourdement, sur la "forme" au détriment du contenu humain. Heureusement il est des livres comme "la route" de McCarthy qui nous proposent de pénétrer dans l'intimité des personnages. Nous ne sommes plus simples spectateurs, mais devenons acteurs et passons par les mêmes questionnements que les protagonistes. Le genre post-apo devient du coup prétexte à sonder le fin fond de notre âme. Parler de "survie" bien au chaud dans un fauteuil, le ventre plein, n'engage finalement à rien. Il est facile de se prétendre différent, supérieur, de se croire l'âme d'un héros. Mais quand la mort est au coin de la rue ou tapie dans un buisson ces belles postures éthiques, bien qu'ayant de la valeur, n'ont plus aucune utilité. Moi, citoyen d'un pays occidental, me plains de choses et d'autres futiles qui n'ont aucun rapport avec la survie ; que je fasse mes courses chez ED, que j'habite un 15m², au final je ne meurs pas de faim, j'ai un toit sur ma tête et ne crains pas pour ma vie en traversant la rue. Comment dissocier alors ce que je suis vraiment de mes "postures" morales? Je n'ai aucunement l'intention de suivre les traces de Bear Grylls ou de partir dans un pays en guerre pour tester les limites, il me faut donc expérimenter de façon virtuelle. Il s'agit là de l'un des rôles de l'art : transmettre des émotions, des idées, les amplifier ou encore en susciter de nouvelles. Ce qui est valable pour la peinture, la sculpture, la musique (...) l'est aussi pour le cinéma. A défaut de pouvoir vivre réellement une situation, un livre ou un film offrent un succédané tout à fait convaincant, à condition que l'auteur ait du talent bien sûr. La science-fiction intelligente est un genre qui n'a pas perdu sa relation à l'art et donc sa capacité à susciter des émotions, à créer un vécu virtuel. Un de mes  premiers chocs post-apo fut Malvil (Robert Merle) : à travers ce livre j'ai "vécu" la fin du monde, ce qui a changé de façon sensible mes réflexions ultérieures. Avec "la route" j'ai été à la fois le fils et le père et me suis retrouvé face aux mêmes dangers. Aurai-je aidé ce vieux, ce "déchet", rencontré en bord de route? Lui aurai-je donnée une part de mes provisions au détriment de ma propre survie? Je n'en suis pas sûr. Hillcoat, à l'instar de McCarthy, joue la carte de la psychologie ; en cela l'œuvre est crûment réaliste, donc forcément déroutante. Le père ne pense qu'à la survie de son fils, et son "humanité" n'est destinée qu'à lui. Ni pitié ni altruisme pour les autres qui ne sont que des dangers à écarter. L'enfant personnifie l'espoir, nécessaire dans une œuvre si sombre. Il demande à plusieurs reprises s'ils font partie des gentils. Le père n'est pas dupe et nous non plus : Gentils ne veut plus rien dire. Mais il lui répond pourtant qu'il doit protéger la flamme, celle de l'espoir, de l'humanité perdue. Ce qui aurait semblé hypocrite dans un monde douillet prends ici tout son sens...

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