Magazine Journal intime

Sophie, réinventeuse de vêtements

Publié le 14 octobre 2010 par Rosekhaki

En quête de créateurs engagés, je suis tombée en admiration devant les talents de Sophie, plus connue sur la blogosphère sous le pseudo de Créalicia. Bien que ne vivant pas de son don, cette talentueuse couturière redonne vit aux vêtements avec tant de créativité que j’ai décidé de lui proposer de répondre à mon interview spéciale créateur récup (car après tout la création ne rime pas obligatoirement avec commercialisation, et heureusement !). Et à ma grande joie, elle a accepté. Je vous laisse donc faire connaissance avec cette grande bavarde .

1. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ou points marquants de votre vie ?

Sophie dite Créalicia

Sophie dite Créalicia

Je m’appelle Sophie, j’ai 38 ans, 3 enfants merveilleux, et un mari qui l’est tout autant ! Je suis bénévole dans une « boutique » d’entraide où je « valorise » des dons de petits objets et vêtements afin de les vendre au profit de pays africains en voix de développement, et bien souvent frappés d’injustes catastrophes naturelles.

J’ai crée mon blog en juin 2009 afin de promouvoir l’éco design textile. Parallèlement, je participe à d’autres blogs collectifs, tels que Recyclage et Cie. J’aime vraiment me poser des questions sur l’avenir de ce qu’on n’utilise plus tel quel et en particulier les vêtements. Il m’est assez effroyable, je dois bien l’avouer, de penser qu’un tailleur griffé ou pas d’ailleurs puisse finir en miettes floquées utilisées comme isolant. D’autres débouchés existent que celui de l’incinération (la poubelle), ou le flocage, bien qu’ils soient nécessaires… La réutilisation « presque » directe peut aider certaines personnes à s’habiller dans des tissus de qualité, d’autres à s’offrir des pièces uniques, tout en favorisant une consommation peut-être un peu plus maîtrisée des vêtements réalisés en Chine.

2.Pouvez vous nous parler de votre activité de création ?

sb2T-6

Création Sb2T

Aujourd’hui, je suis ce qu’on appelle une éco designer textile. Mon activité de création consiste à faire du neuf avec du vieux tout simplement… Par ce biais de récupération de vêtements inutilisés, j’ai l’immense privilège de ne travailler quasiment qu’avec des matières nobles, (lin, soie, laine vierge, coton) pour la plupart portant encore l’étiquette « fabriqué en France ». Les tissus ont bien souvent traversé le temps et les lavages n’ont pas diminué leurs teintes ni qualité. Acheter de tels tissus pour mes créations textiles aujourd’hui me serait impossible… Il faudrait déjà pouvoir les trouver, et à quel prix ! Certains types de tissage des fibres n’existent même plus aujourd’hui, où tout est ultra mécanisé. Pour le moment, mes créations sont à l’unique destination de ma famille et de quelques proches… Elles font bien souvent l’objet de petits cadeaux… Mais j’ai eu également la chance d’habiller une artiste peintre pour ses vernissages, des danseurs et des comédiens. Mon plus grand souvenir et d’avoir offert à une amie un vêtement re-crée par mes soins à partir d’un vêtement de sa maman, qu’elle portait lorsqu’elle était jeune. Mon activité prendra peut-être un jour le chemin d’un plus grand rayonnement… Et j’en serais comblée, car ne pas réussir à partager ce que j’ai expérimenté aujourd’hui en matière de techniques de « Reconstructing clothes » à un plus grand nombre me rendrait bien triste… Quelqu’un disait un jour à juste titre dans une émission de TV (je crois qu’il s’agissait de Pierrette BRES) : « Quand on veut on peut et quand on peut, ON DOIT » !

3.Pourquoi avoir choisi de promouvoir la récup ?

Je ne m’en suis pas rendue compte tout de suite, au début, récupérer était pour moi comme un « jouet » qui aiguise ma créativité… Mais très vite, je me suis aperçue que la récup, et en particulier celle de vêtements, cela créait du lien… enfin, LE lien entre les gens. Je m’explique… Tous ceux, si différents, qui viennent à la boutique associative en sont bien la preuve vivante. Leurs motivations sont si variées… Je ne citerais que celles relatives à la re-création textile : certaines personnes sont retraitées modestes, d’autres viennent d’être maman et ne peuvent rechanger toute leur garde-robes, certaines se sont mises au théâtre, d’autres à la couture…

Faire du neuf avec du vieux

Faire du neuf avec du vieux

Avec la récup, on s’adapte, on n’est jamais à court d’idées, d’autant qu’on n’a aucun frein à l’expression du « créatif » qui est en nous… Récupérer c’est donner une seconde chance, où est le risque de rater ?… Avoir essayé, c’est déjà une réussite, non ? Avec les vêtements inutilisés, la récup’, c’est non seulement une manière intelligente d’agir pour notre planète, c’est aussi pour beaucoup de familles une aide financière énorme qui permet du coup peut-être à côté de conserver un peu de moyens pour les petits plaisirs de la Vie (loin d’être si futiles que ça !)… Mais c’est aussi et surtout un moyen d’échange et de partage entre les gens, donc de LIEN.

4.Votre création phare.

Reconstructing clothes by Sb2T

Reconstructing clothes by Sb2T

J’ai choisi cette re-création non pas parce qu’elle est la plus spectaculaire visuellement parlant, mais parce qu’elle représente la « naissance » de QUATRE vêtements différents à partir d’une seule robe dont le tissu était très joli, mais la coupe démodée. Cela illustre parfaitement le terme de « Reconstructing clothes ».

5.Quelle création Rose Khãki vous plait le plus et pourquoi ?

J’aime particulièrement les coussins « Chouette vache », peut-être parce que je suis née en Normandie !

6.Et pour le mot de la fin, quel message voudriez-vous faire passer (à travers votre activité, votre choix de vie…) ?

C’est peut-être utopique (ça l’est foncièrement pour l’instant !), mais comme tout peut changer lorsqu’on commence à regarder les gens qui vivent là, tout à côté de nous… Ils courent, ils crient, ils rient, sont pressés, ou n’ont rien à faire… mais ils ont tous un point commun avec nous : ils aiment découvrir qu’ils ne sont pas les seuls dans leur cas ! Échanger, c’est partager quelque chose avec quelqu’un, c’est créer un lien et lui donner du SENS.

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Voilà, j’espère que vous aurez pris plaisir à découvrir qui se cache derrière les créations Sb2T, et que vous aurez tout autant plaisir à suivre ses actualités sur le blog Créalicia.

Avant de vous quitter, je tenais à vous dévoiler mon coup de cœur Sb2T, qui une fois s’en faut, n’est pas une création textile mais une création à base d’une matière 1ère qui m’est chère : la brique de jus de fruit.

Vide poches en brique de jus de fruit

Vide poches en brique de jus de fruit

Et pour les fans de Créalicia qui ne sont pas encore rassasiés et qui veulent tout tout tout savoir sur elle, je vous livre en conclusion un préambule plein de souvenirs, signé Sophie B. évidemment 217;ai pris beaucoup de plaisir à la lire et découvrir.)

En y re-songeant, ma passion pour la vie d’un vêtement remonte certainement à l’un de ces petits bonheurs d’enfance, alors qu’on est encore enfant… Avec mes sœurs et cousines, notre petit privilège secret était alors d’être autorisées par notre mamie adorée, à monter dans le grenier où des quantités « pharaoniques » de vêtements dormaient. Cela créait un drôle de paysage, comme les terrils dans le nord. Ma mamie avait eu cinq enfants, qui en avaient tous eu entre deux et cinq aussi… alors avec le temps et les modes qui filent, ça en fait un trésor.
Déjà, je savais qu’une jupe de ma mamie ça fait une véritable robe de princesse si on la remonte jusque sous les bras… et puis, superposer des combinaisons et « fonds de robes », ça c’était parfait pour le final « robe de mariée » de notre défilé. Quels doux souvenirs que ces repas dominicaux chez mes grands parents maternels… Surtout qu’habitant à la campagne, les seules « boutiques de vêtements » que je côtoyais se résumaient au rayon textile du supermarché de la petite ville la plus proche.
Toutes ces matières et ces formes hors du temps, ça forge certainement son esprit à se montrer inventif… Je remercie d’ailleurs infiniment mes grands parents maternels d’avoir eu une telle patience de laisser nos styles s’exprimer au milieu de nos rires et au détriment du bazar « sans nom » que nous laissions derrière nous dans cet immense grenier magique.
Je remercie également ma tante institutrice qui faisait beaucoup de choses de ses mains de façon tout à fait autodidacte… Un jour, alors qu’elle avait réalisé pour moi un pantalon tout simple à taille élastique dans une chute de tissu à rideaux, je lui demandais comment on devient couturière, comment on fait pour assembler tous ces tissus coupés afin qu’ils deviennent un vêtement ? Elle m’avait alors répondu que le plus simple était pour moi de découdre un vêtement que je ne mets plus, morceau par morceau, et de regarder comment tout cela s’assemble avant de le remonter.
A douze ans, je me servais des collants abîmés de ma mamie pour en faire des justaucorps de danse : les jambes devenaient des bras en aménageant le « trou » de l’entrejambe pour la tête !
A quatorze ans, je m’en souviens comme si c’était hier, j’entrais pour la première fois « au bon marché » à Caen ! Une incroyable découverte, grâce à Marie, une amie de mes parents, avec tous ces vêtements partout, éclaboussant les yeux de couleurs, matières et mises en scène… Cette notion était nouvelle pour moi, la mise en scène, mais l’ambiance était si familière du grenier magique de mon enfance… J’ai été émerveillée et j’ai découvert que ce monde « de la mode » en quelque sorte, m’intéressait bien au-delà du sens « consommatrice » du terme.
Seulement voilà, lorsqu’on est plutôt douée pour les maths, on se retrouve bien vite en 1ère scientifique, là où le dessin, les poètes et la musique sont vite abolis par les nombres de moles, les dérivées secondes et autre hypothèse H0, à accepter quoiqu’il advienne dans l’unique but de prouver la légitimité de l’hypothèse H1… En résumé, les seules options « autorisées » alors étaient le grec, le latin ou l’informatique (que j’ai choisi cela dit en passant…).
J’ai pu toutefois garder un lien avec « mes premiers amours », les vêtements, grâce à l’ouverture dans la ville où se situait mon lycée, d’un magasin de vente au kilo. C’était pour moi vraiment un lieu important qui allait me permettre d’exprimer un peu plus « mon » style.
Ce n’est que vingt ans plus tard, après la naissance de ma première fille que j’ai eu envie de me (re-)mettre à coudre. J’ai investi dans une machine durant mon deuxième congé prénatal… De la couture déco pour commencer : draps, coussins, rideaux… puis grenouillères, tour de lit, doudous… Quand on commence à se sentir à l’aise sur une MAC (Machine A Coudre), on a très vite envie de se lancer dans la création de vêtements… Mais malgré les patrons « Burda easy », j’avais du mal à visualiser un vêtement « à plat » sur un papier patron. C’est là que je me suis souvenue des conseils de ma tante. J’ai donc défait un vêtement, bien regardé… mais en voulant le remonter, j’en ai fait tout autre chose, de plus personnel pour le coup ! A quoi bon de toutes façons le remonter tel quel ? Le réinventer, quelle plaisante découverte ce fût pour moi. Et quelle fierté de porter « à nouveau » quelque chose qu’on a failli jeter ! L’esprit inventif au contact d’un vêtement inutilisé était de retour… Avec pour seul moteur une question : « Pourquoi le jeter, il est encore « bon » ? Le donner ? Oui, peut-être, mais il est quand même un peu démodé ! Le réinventer, relooker, remettre au goût du jour… en voilà un joli débouché pour un vêtement condamné !
Sophie b.

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