Magazine Journal intime

Scènes d'une salle d'attente quotidienne

Publié le 05 janvier 2008 par Anaïs Valente

Dans la salle d’attente du médecin, ce qui est super chouette, c’est qu’en y entrant en parfaite santé, vu la foule en délire à l’agonie qui s’y presse, on en ressort à coup sûr malade.
Comme je suis déjà malade, pas de stress, ça ne pourra pas être pire.
Quoique…
Imaginez la scène.  A mon arrivée, je réalise avec stupeur et tremblements que six personnes sont déjà arrivées avant moi, les lâches.  Dix minutes après mon arrivée, six autres nous ont rejoints.  C’est quoi tous ces gens qui ont décidé d’être malades en même temps que moi ?  A-t-on idée.
Le jeu consiste donc à tenter de garder sa place sans se la faire piquer par autrui, mais sans chiper la place d’un autre non plus.  Un vrai challenge.  D’autant qu’il faut savoir que les gens malades sont un peu à cran (moi je suis très beaucoup à cran quand je suis malade) : devoir patienter ainsi des heures en attendant son tour, toussant, crachant, agonisant, mourant de chaud puis de froid.  Pas la joie.  Nous gardons cependant suffisamment de lucidité pour tenir les comptes sans anicroches, mais à grands coups de « c’est à vous ensuite ? et moi j’étais juste avant Madame mais après Monsieur n’est-ce pas ?  Moi je suis arrivée avant vous, vous, vous et vous, mais c’est tout ce que je sais »  Passionnant.
Et niveau contamination, ça ne pourrait être pire, entre la mémé au nez coulant, le petit vieux qui crache ses poumons avec des bruits à filer la nausée à un estomac vide, la dame qui se trémousse sans cesse comme si elle devait faire pipi, le gosse turbulent et fiévreux qui joue à cache-cache avec lui-même (jeu ô combien conseillé dans une salle d’attente bourrée massacre) et sa mère qui garde le nez collé à son mouchoir comme pour éviter qu’une substance étrange ne s’en échappe.  C’est un drame dramatiquement dramatique : ils ont tous l’air… malade !
C’est pas que je sois hypocondriaque (enfin si, quand même un peu, je l’avoue), mais rester une heure et trente-neuf minutes en leur compagnie ne présage rien de bon pour ma santé fragile.
En effet.  Une heure trente-neuf minutes.  J’ai donc, entre deux quintes de toux, le temps de lire l’intégralité des derniers numéros de Voici, Public et Closer, torchons que je ne lis jamais.  J’apprends donc que Sarkozy sort avec Laurence Ferrari (tiens ça doit être un vieux numéro ça, actuellement y’a de la Bruni dans l’air), que Omar Harfouch à 9876 potes sur Facebook et que des femmes jolies (et m… j’ai aucune chance d’épouser ce riche homme hyper snob, mais je vais m’inscrire sur Facebook c’est decided), que Xavier (l’infect individu de Secret Story) se fait liposucer les fesses, que Nadyia a montré son téton lors d’un show TV et que Arthur et sa créature de rêve nommée Estelle ont failli périr lors d’une escapade secrète en avion.  Transcendant !
Entre deux news croustillantes de la mort qui tue (Jenifer se ronge les ongles – Hélène Ségara a un bonnet D), j’écoute les conversations des patients.  Passque pour une fois, le silence ne règne pas.  Moi qui me plaignais, lors de ma dernière visite à l’hosto (à lire ici http://le-celibat-ne-passera-pas-par-moi.skynetblogs.be/post/5051457/jaime-les-docteurs-qua-la-teve-na-), que personne ne parlait dans la salle d’attente, et bien je vais vous le dire, et ceux qui voudront dire que je ne suis jamais contente pourront le dire, le silence est d’or dans les salles d’attente !
Parce que les sujets de conversation que j’ai dû supporter donneraient envie de se suicider au plus gai des lurons.  « Aaaah ma bonne Dame, les prix des consultations augmentent à partir d’aujourd’hui, on a mal choisi notre jour hein (rire gras) »  « aaaah ma bonne Dame tout augmente, y’a qu’à voir le prix du pain, de mon temps on le payait 40 francs (soupir contrit) » « même les boîtes de petits pois augmentent (re-soupir contrit) »  « ma bonne Dame, j’ai fait le compte, vous savez combien elle gagne la doctoresse, sur une soirée de consultation, elle a pas à se plaindre (regard envieux) » « non mais elle a fait des études pour ça (regard blasé) »  « et puis les hausses de l’immobilier, comment voulez-vous qu’on s’en sorte (larmichette dans l’œil) » « sans parler de la TVA de 21 % sur le chauffage, est-ce bien normal ? (illumination suspicieuse) »  « rien n’est normal ma bonne Dame, savez-vous qu’on a septante minissss’ en Gelbique, faut bien les payer à ne rien faire, qu’on les extermine tous (regard fou) »…  Et patati et patata.  Le tout entrecoupé de larges scènes de toux et de nettoyage de nez coulant.  J’en arrive presque à ne plus parvenir à me concentrer sur les frasques d’Amy Winehouse, c’est dire.
Voici donc ce qui se passe dans une salle d’attente.  
Mon tour vient enfin et je peux ainsi me soumettre au stéthoscope glacial et au tensiomètre gonflant, dans les deux sens du terme.  Je rentre ensuite dans mon home sweet home, me lover sous ma couette bien chaude, savourant le silence qui règne, ingurgitant les potions miracles qui m’ont été prescrites.
Au fait, j’ai une énoooooooooorme rhino-pharyngite, même que la doctoresse, et bien elle a pas dû abaisser ma langue avec le bâton de torture (un abaisse-langue que ça s’appelle), vu que les rougeurs montent quasi jusqu’à ma langue.  J’ai donc de jolis petits bonbons blancs dénommés antibiotiques à ingurgiter, ainsi qu’un truc immonde, jamais je n’aurais cru qu’un truc pareil puisse exister : un spray pour le nez ET la gorge.  Avec embouts interchangeables, alléluia.  C’est infect.  Non, infect est trop respectueux pour ce truc répugnant au possible, qui laisse un goût, une odeur, une texture dans tout le système respiratoire, sur la langue, sur les lèvres.  C’est vomitif, tout simplement.  Paraît que c’est efficace.  J’ai déjà spritché quatre fois, mais j’ai toujours la sensation d’avaler des clous, c’est grave docteur ?
PS : à l’heure de publication de ce billet, la situation est gravissimement grave, ça a dégénéré en bronchite… je vous fais d’ores et déjà mes adieux, sait-on jamais.  Hypocondriaque ?  Je vous dis que non !

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