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Jeanne

Publié le 30 novembre 2010 par Banalalban

La nuit que le jour me prend, je porte mon amoureux comme une écharpe et me fais petit oiseau qui meurt parfois pour qu'il me ramasse dans le creux de ses mains lorsqu'il neige puis pleut, blanc dans noir et poisseux dans nue.

Il me dit "Jeanne" et mes yeux roulent : je traverserais les murs pour ça. Je les ai bien usés déjà. Tous le monde le dit. Mais pas encore assez.

Je porte un visage dur dans le sombre de la veilleuse sous le menton pour lui faire peur puis me ravise et le câline en joyau et il se noie des pleurs gamin d'or roulants en plis amidonnés, mou dans dur, puis dur dans mou et magie dans joue.

Il est princesse d'une tour, blonde, et chante à la grande ourse l'ode à Jeanne qui est en bas sur un fier destrier bai : je suis page la nuit non Jeanne, puis ange non page.

Il est jolie fillette délicate et les cheveux ramassés en oboles du soir et moi grand comme un monde et mes seins bouclés nus, ganses entre les pattes, taillés dans un roc de lilas gris et perles et splendeurs : je suis prince si je veux, la nuit, plus Jeanne, plus page, plus ange et je les sors sur le drap, lourds et gorgés corolles aumônes.

Il me dessine quand vient minuit une belle colonne que j'enserre dans des crins de chevaux arrangés en archet et je joue du violon comme l'archange qui connait le geste et comme lui, j'ai des pudeurs décentes.

Il se cache en épine en beau mâle et fait chanter sa peau quand chauffe la bouilloire : mon thé aux aubes. 

Puis la tristesse coupée coule le long de ma gorge et nous nous non-endormons en déréliction.


Je porte mon amoureux comme une écharpe qui me raconte l'amant la nuit et qui trancherait le jour les autres, les étranglés doux, d'autres gorges tant la journée, bien malgré moi, mon amoureux se fait monstre et est marlou.


Était bien qu'il est encore parmi les vilains enguyanés.


Car aujourd'hui le jour venu, il embrassera la veuve et me trompera pour la première et bien dernière fois.


Je ferai alors recel de fleurs et de gestes les plus fous que personne ne verra et que je coudrai bien arrangés dans l'échancrure de mon décolleté et mes flaques tomberont sur la pierre qu'ils ne graveront pas.

JEANNE

1924

pour G. par Filipp


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