Magazine Talents

La dernière fois

Publié le 04 décembre 2010 par Addiction2010

On ne devrait pas regarder derrière soi, on y aperçoit trop de dernières fois. La dernière fois que je lai vue, la dernière fois que je l’ai embrassée, la dernière fois que nous nous sommes dits « je t’aime ». La vie est faite de premières fois auxquelles succèdent des dernières fois, et de routine entre elles. Les premières fois sont une fête, on les connaît, on ne peut pas les manquer. Mais les dernières fois… Sur le moment, on se croit dans la routine. Parfois, on se dit que c’est une de ces dernières fois, et puis on se trompe, la routine revient, jusqu’au moment de la cassure, qu’on ne voit plus venir.

Les dernières fois sont un passage le plus souvent inconscient. La vie est faite de dernières fois, certaines sont plus irrémédiables que d’autres. On revient de quelques unes. Il y a des dernières fois dont on sait qu’elles le sont vraiment, parce que les êtres ou les lieux qu’elle implique ne sont plus là. Je pense à mes grands-parents bien sûr. Ce sont souvent les premiers pour qui il y a une dernière fois. Un quai de gare, un pas de porte, un salon anonyme, un lit de souffrance. Images conservées, images reconstruites. Un pas de porte déjà évoqué ici, et des retrouvailles au gré des lieux partagés en des temps différents. Ah, qu’il serait bon d’avoir la foi en un autre monde. Ah, Dieu… Ce n’est pas parce que je lui parle quelquefois que j’ai l’espoir de cet au-delà où nous retrouverions ces êtres qui nous manquent.

Il y a aussi les lieux que nous ne retrouverons plus. Ces maisons où nous avons été enfant, qui sont devenues des maisons à vendre et où d’autres enfants, qui auraient pu être les nôtres jouent à leur tour. Il en est quelques unes que j’ai rêvé d’acheter pour les retrouver mais au fond, ce ne sont pas les murs qui importent mais ce qu’ils entouraient et qui a disparu à jamais. Et il y a tous ces lieux où nous nous étions promis de retourner, et qui peu à peu, se sont enfoncés loin dans notre mémoire. Ils surgissent parfois, comme cette grotte de Pathmos où j’imaginais d’emmener une femme aimée. Peut-être la reverrai-je, sans doute pas. Et les lieux disparus qui reviennent au hasard d’une image qui vient, comme ces maisons que l’on a détruites pour laisser place à quelque parking, en oubliant que dans l’une d’elles tous les enfants d’un quartier ont senti l’odeur du pain chaud pour la première fois. La boulangère non plus, je ne la reverrai pas. Est-elle encore de ce monde ? Et ces salles de classe, et ces maîtres à qui nous n’avons jamais dit au revoir, à qui nous n’avons jamais pu dire combien nous leur devons, combien nous les remercions de nous avoir appris beaucoup plus que la lecture et les tables de multiplication. Ah, mes maîtres d’école qui portiez encore des blouses, grises ou bleues, c’est l’amour des mots que vous m’avez donné, pourquoi n’ai-je jamais pris le temps de venir vous dire un simple « merci ». Savez vous que j’en pleure en écrivant cela ?

Et puis, il y a les dernières fois à venir. Le dernier verre de vin. La dernière bouffée d’air. En serais-je conscient ? Mais pourquoi y penser maintenant. Elle peut être aujourd’hui, demain, dans dix ans, vingt ans, cinquante qui sait…

J’espère connaître encore bien des dernières fois avant celle là, la dernière de toutes. Mais ce qui compte, ce sont les premières fois encore à venir.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Addiction2010 7 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine