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Julien

Publié le 20 décembre 2010 par Banalalban

Les parcs municipaux proposent toujours en été, pour peu que l'on sache où et comment regarder, un éventail de sensualités cachées qui n'existe nulle part ailleurs. Le chaland alanguis peut en effet y contempler les valeurs des jolies et gracieuses joggeuses du dimanche et leur pendant plus assidus, les musclés et secs joggeurs, qui prennent sous la chaleur écrasante aussi vite que bien, des couleurs en sueurs, la vénérabilité et vulvénérabilité des filles qui viennent, l'espace de quelques heures et courtes vêtues, sur la pelouse s'y faire bronzer. D'autres se cachent plus péniblement abrités sous un quelconque grand arbre qu'ici nous prénommons. J'y  entends bien le cri des gonades, les coups d'œil échangés, timides, sur la fraîcheur de l'herbe fraîchement coupée. C'est une mouche saoule de chaleur _ car il y a presque toujours une mouche saoule de chaleur _ qui butine la peau _ ma peau _ le vent doucereux qui se joue des poils de torses _ mes poils de torse _  et des petits corsages qui s'échancrent sur des seins. C'est cette fibre textile _ car il y a toujours une fibre textile _ qui, venue de nulle part, trouve refuge sur cet espace intime qui sépare le pouce de l'index en une pellicule si fine qu'on y voit les veinules intérieures. Une fibre rouge à qui appartient-elle ? Qu'a-t'elle à raconter ? À quelle peau a-t'elle goûtée ? Celles des joggeuses et joggeurs ?  Des amoureux gorgés de sève qui se paluchent sous les ombres des voyeurs ? Celle d'un ventre, la gangue épiderme d'un autre là-bas parmi les badauds du petit lac avec la fontaine immense dedans ? Le corps est ici partout car dénudé comme un terrain fertile connu _ les pieds nus dans la terre fraîche _ des couples qui s'enlacent encore une fois... et les chiens tenus en laisse qui se prélassent eux-aussi dans l'air d'été et qui parfois chassent un corbeaux venu se poser là comme si ce n'était pas grave ou qui pissent. Les parcs muncipaux, je peux y rester des heures à y contempler les corps et la sève qui s'en dégage, sous les bruits des insectes qui grouillent et volent.

Puis quelqu'un rompt le manège en disant : "Tiens Julien, tu es là toi-aussi ?".

Et je réponds : "Non".

"Je ne suis pas là".

Et je ferme les yeux et compte les phosphènes qui lentement glissent : 1, 2 , 3, 4...


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