Magazine Journal intime

Ruy Blas, de Victor Hugo & par Pierre Billon

Publié le 29 décembre 2010 par Missbabooshka
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Ruy Blas

Victor Hugo

(Français)
Classiques Larousse (1995)

Environ 190 pages
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En 1838, en moins d'un mois, Victor Hugo écrit un drame étincelant, flamboyant d'audace, de fantaisie, de ravissements sentimentaux, de fureur politique et de grandeur. Depuis lors, le cœur et la bravoure de Ruy Blas enthousiasment les générations. C'est au XVIIe siècle, à la cour d'Espagne, dans les ruines d'un empire qui s'écroule. Pour se venger de sa disgrâce, un ministre incite son valet à séduire la reine. Et nul n'ignore que le " ver de terre " va tomber amoureux de " l'étoile ", que celle-ci va l'aimer follement et faire de lui un Premier ministre se prenant au jeu avec un courage et une droiture exemplaires. Hugo savait tout de la mort des empires, de l'attrait des reines pour les domestiques, de la rapacité des gouvernants, de la dignité de l'être humain. Et de la magnifique symphonie de la langue française.

*

Ce drame romantique et moi, c'est une longue histoire ... Tout commença, alors que j'avais 16ans, j'étais en 1èreL (1996-1997) ; ce fut un coup de foudre, une révélation, un bouleversement, une attirance, des personnages qui me touchaient, le miroir de mon âme ... Tout continua l'année de mes 21ans, j'étais en maîtrise de Lettres Modernes (2001-2002), et je choisis comme sujet de mémoire : "Le Traître dans trois drames romantiques de Victor Hugo (Ruy Blas, Cromwell, Amy Robsart)", un sujet inédit et donc pas de livres de critiques à lire (ou si peu). Pourquoi ce sujet-là ? J'ai toujours été fascinée par Don Salluste ...

Aujourd'hui, après relecture, le plaisir est intact : Ruy Blas est touchant & impressionnant, Don Salluste toujours aussi fascinant, Don César attachant, le sort de la Reine m'émeut encore, le style de monsieur Hugo fait mouche à chaque fois, l'histoire est prenante, les tirades & monologues marquent tout autant mon esprit, les quiproquos tragiques, etc. J'aime profondément les drames romantiques, et celui-ci en particulier ... Je me souviens aussi avoir travaillé sur la théorie du Grotesque et du Sublime (Préface de Cromwell), que ce fut intéressant ... De là, j'ai démontré le non manichéisme des personnages dans ces drames, tout à la fois ombre et lumière : Don Salluste, le Traître, le monstre, le Mal, le serpent, le démon est au fond un homme blessé ... S'il incarne la part terrible du Grotesque, ne peut-il prétendre au Sublime ? Il ne faut point oublier que le drame romantique a pour vocation de peindre la "vie réelle" : "Les femmes ont raison de vouloir être émues, les penseurs ont raison de vouloir être enseignés, la foule n'a pas tort de vouoir être amusée". & la pièce Ruy Blas y parvient en mêlant l'histoire d'Amour d'une reine et d'un valet, des reflexions politiques (mais pas que) & les interventions comiques du vrai Don César.

Ne pouvant être totalement objective (trop de souvenirs), je vous propose une liste de choses pouvant vous plaire ou vous déplaire, c'est selon :

- Ruy Blas, tourmenté, fou amoureux de la Reine d'Espagne, derrière ses habits de valet se cache le coeur d'un grand homme ... Ses doutes, ses peurs ne peuvent que toucher le lecteur. L'Acte III tourne autour de lui, c'est à la fois son apogée et le début de sa descente infernale ...

- Don Salluste, le Traître par excellence, un de mes personnages préferés toutes oeuvres littéraires confondues ... Blessé, sa vengeance sera terrible (voir l'Acte I)... Auteur d'une machine dont les rouages s'emboîtent parfaitement et entraînent la marche implacable du Destin qui broiera plusieurs êtres.

- La Reine, son ennui profond, la vie terne à la cour, une prison dorée, un exil, passionnée, tendre, voulant n'être qu'une femme, elle est au centre du drame qui se noue. L'Acte II lui est consacré.

- Don César (le vrai), l'élément comique, la mouche qui se débattant dans la toile de l'araignée précipite le dénouement de la pièce ... Ses interventions bienvenues allègent une atmosphère de plus en plus pesante, lui aussi incarnation du Grostesque,homme du Peuple plustôt que noble désargenté, hérros picaresque, hommes aux multiples visages, il est au centre de l'Acte IV.

- Les personnages secondaires, Don Guritan en tête, ridicule dans son vain entêtement.

- Le rapport de force(s) entre Ruy Blas et Don Salluste : mots, gestes, attitudes, regards ... Tout en subtilité, en cruelle ironie parfois, en constante évolution toujours jusqu'à la tragédie finale.

- L'Amour de Ruy Blas et de la Reine, tout en retenue et si passionné : attentions, monologues et tirades sont les lieux où il s'épanouit ... Toute une palette d'émotions qui touche le lecteur en plein coeur, & même si toute la fin du drame peut paraître ridicule, elle est aussi profondément émouvante.

- La symbolique des costumes, même si tous avancent masqués, l'habit fait parfois le moine : la blancheur de la robe de la reine, la noirceur du manteau de Don Salluste.

- Le style de Victor Hugo, période Romantique, la force de ses vers ...

- Le début de l'Acte III, et la fameuse tirade de Ruy Blas commençant par "Bon appétit, messieurs !". La critique acerbe de ces Grands d'Espagne arrachant morceau par morceau les vestiges de l'Empire, tels des charognards. On reconnaît ici l'engagement politique de Victor Hugo.

- Toute la mise en place du plan machiavélique de Don Salluste, ces allusions aux forces démoniaques, Ruy Blas qui signe un pacte avec le "Diable" ... Le jeu de dupes, le bal des masques, les costumes sombres, les portes secrètes, les apartés ...

- La mise en abyme : Don Salluste devenant le metteur en scène de ce drame, manipulant ses pantins, possédant une étrange maison où tout se dénouera , exilé et pourtant toujours là ...

- Découvrir les drames romantiques ;)

ETC.

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Réalisé par Pierre Billon en 1947, durée 93 min.

 J'ai toujours reculé, mais finalement j'ai fini par voir une adaptation de ce drame romantique qui me tient tant à coeur. & je ne suis point déçue ! Les dialogues et le scénario sont de Jean Cocteau. Celui-ci a parfaitement respecté le texte de Victor Hugo, et les quelques libertés prises ici ou là passent très bien (certains personnages secondaires prennent de l'épaisseur, c'est plus moderne parfois ...). Quant aux acteurs, je les ai beaucoup appréciés : Jean Marais incarné à la fois Don César & Ruy Blas, Danielle Darrieux est la Reine ... Par contre, il manquait parfois un petit quelque chose à Don Salluste, joué par Marcel Herrand, mais c'est sans doute parce que je suis très exigeante sur ce point-là. Les décors et les costumes sont eux parfaits. Enfin, il me semble que l'on insiste plus sur la religion parfois, pour certaines scènes, mais cela ne me choque car je sais bien que Ruy Blas signe un pacte avec Don Salluste, comme l'on peut signer un pacte avec le Diable.

Bref, je vous conseille vraiment d'y jeter un oeil à l'occasion.

Challenge Lunettes Noires sur Feuilles Blanches : 9



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Ruy Blas à Don Salluste

"Monseigneur, nous faisons un assemblage infâme,

J'ai l'habit d'un laquais, et vous en avez l'âme !"

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