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Publié le 10 janvier 2011 par Cameron

On a placé des montagnes devant mon horizon. Des bosses brumeuses, comme le dos d’une baleine foncée et moussue, qui forment une ligne épaisse juste au bout de ma vision. Une borne monstrueuse. Et d’en dessous de moi montent les ronflements des voitures, le coup de frein du bus qui est ma pulsation originelle, celle que j’entends ici, que j’entendais ailleurs, celle qui émane de la ville pour se communiquer à mon corps parce que tout tremble du passage de ces asthmatiques poids d’acier.

Mais devant ma fenêtre, il y a des montagnes. Alors me revient un certain goût de l’air, un certain regret de cette odeur sans odeur dont nous nous gorgions, mètre après mètre, en grimpant. J’ai connu cela. Il y a si longtemps, je ne l’ai pas oublié. Et la ville toujours là, toujours à moi, s’est transformée d’être aujourd’hui bornée de l’horizon montagneux. Suis-je encore ici, du monde qui m’est aussi intime que le rêve ? Suis-je déjà ailleurs ? D’heure en heure je vais à ma vision, vérifier si les frontières minérales s’élèvent toujours. C’est cela, l’étrangeté, c’est cela l’inattendu. Quand la ville n’est plus tout à fait cette étendue inexorable et vivante, qui ne s’affranchissait que d’elle-même. On a placé le paysage urbain entre les montagnes, et nous y sommes piégés.


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