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J’ai besoin de bras pour un shooting. Jou-Jou. Téléphone....

Publié le 12 janvier 2011 par Fabrice @poirpom
J’ai besoin de bras pour un shooting.
Jou-Jou. Téléphone....

J’ai besoin de bras pour un shooting.

Jou-Jou. Téléphone. Début Décembre.

Un truc super. Mateo prend sa journée au taff pour filer un coup d’main.

Le truc super, c’est un projet sur lequel Jou-Jou taffait au printemps, pendant la campagne marseillaise. Une sorte de présentoir à geekeries.

Première semaine de janvier. La veille du shooting, ballade en camion. Paris et banlieue. Récupérer des bricoles. 

Ivry-sur-Seine. Maison sur deux étages convertie en bureaux. Moquette mouchetée, pas feutrés. Au rez-de-chaussée, des iMac 27 pouces dissimulent des gens qui ont peur de dire bonjour. Au premier étage, Marie-Antoinette, Louis XIV, pompiers, paysans, gendarmes et gendarmettes font le guet. Une costumière a pris possession des lieux avec toute sa petite famille. Au deuxième étage, une galette flétrie trône sur la table d’une kitchenette. À côté, agglutinés, cinq bureaux dans une pièce grande comme un cercueil avec fenêtres. Deux minettes, deux lascars, un RTT. Ça mail à mort, ça skype à donf.

Un premier lascar relève la tête.

J’ai reçu l’mail du mec. Trois semaines de taff non-rémunéré pour le développement d’un site web. Contre 1% du chiffre d’affaires quand le truc cartonnera. Sont ouf, les mecs.

Humour de webdesigner. Bide assuré en soirée. Mais dans cette pièce, tout le monde semble avoir saisi. Lascar N°2 pouffe de rire.

Ils s’croient tout permis, les mecs. Je rêve.

Ce dernier lève son cul, serre des pognes et va chercher la bête. Le Rolling Cube. Un cube en mousse et un mini PC. Cube en mousse interactif qui permet de faire mumuse avec des images qui défilent sur un vidéo-projecteur. Quarante minutes pour brancher la bête, récupérer trois screenshots qui ne serviront à rien et glisser le cube dans un sac.

Châtillon. Locaux d’un opérateur de téléphonie mobile. Hôtesses d’accueil qui sourient, à l’entrée, planquées derrière un comptoir froid comme la Mort. Un badge électronique par salarié pour accès aux ascenseurs via des portillons automatiques en plexiglas. Sur cour, toujours au rez-de-chaussée, terrasse fumeur en bois avec baby-foot ruiné par la pluie.

Une brune quinquagénaire se pointe. Le gris et le blanc se sont discrètement invités dans ses cheveux, lâchés sur ses épaules. Elle tend une besace en toile, estampillée La Poste, à Jou-Jou.

Voilà la bête.

Angelino. Une boîte à musique connectée à Twitter grâce à Arduino. Arduino l’hidalgo est un joli circuit imprimé sur lequel est greffé un microprocesseur. Notre ami permet de faire interagir du solide (la boîte à musiques) avec du pas solide (Twitter). Ce que fait Angelino grâce à l’hidalgo: la petite danseuse de la boîte à musiques paye son petit pas de danse et la chansonnette qui va avec chaque fois qu’un têtard balance le mot ange sur Twitter.

Vaut deux mille euros sa babiole. On va garder Angelino avec nous dans la cabine. Si le truc se pète à l’arrière, on est mal.

Pour les tartines de Nutella, rien ne vaut un couteau à beurre ou une petite cuillère. 

Rue Montmartre. Un passage. Avec boutiques aux accessoires inutiles et aux prix insultants. Planqué au fond, un bureau en rez de chaussée, écrasé sous le poids de l’immeuble. Une coopérative d’ingénieurs en informatique. Une salle de réunions et une salles des machines. Deux-cents kilos de connectique et de souris avec ou sans fil entassées sur une enfilade de cinq mètres de bureaux. MacBook Pro, PC survitaminés, écrans plats grands comme le mur d’une Guerre Froide. Deux trois gueules hirsutes pianotent. Sur tous les écrans, des lignes de code. Des lignes de code. Des lignes de code. Chacun marmonne des incantations en les saisissant à la volée.

En bout de tablée, un autochtone trône.

HELLO

I’M A MAC

Hoodie noir, inscription en capitales blanches. Jean’s sale, Leatherman à la ceinture. Barbe éparse, joues creusées, cheveux courts et sales, coiffés au C4. Une petite tresse serpente, au départ de sa nuque, jusqu’à sa pomme d’Adam.

Dans une boîte en plastique suédoise posée sur un chariot, la MakerBot. Une imprimante 3D hackée. Armature en contreplaqué, moteurs apparents, courroies dentées taillées au couteau. Des circuits en matériau de récup’.

J’lai pimpée. Elle fait une lumière bleue maintenant. Plus cool pour la photo.

Montreuil. Un vieil entrepôt en briques. Une petite porte en métal, un grand rideau de fer. Une sonnette coincée entre les deux, planquée sous une plaque en ferraille.

Atelier d’artistes.

Pompes de sécurité, jean’s noir de merde, voix rauque, main rugueuse et poignée franche, un résident ouvre la porte.

C’est pour quoi?

Jou-Jou Mickey s’enlise pour expliquer. 

Jimmy… Japon… Coffre… Shooting photo…

Un coup de fil plus tard, le gaillard ouvre la marche. Un joyeux bordel de plusieurs centaines de mètres carrés. Des meuleuses qui crient, des découpes de bois grandes comme des tables de ping-pong, des seaux de peinture par dizaines entassés sur les mezzanines bricolées sur la structure en acier du bâtiment. Un chariot de supermarché, poubelle à bières. Des peintures aux murs, des canapés éventrés dans tous les ateliers, des établis poussiéreux… Un immense foutoir bandant comme le cul d’une mexicaine de dix-sept ans. Une incitation à la bricole. Furieuse envie de couper, limer, polir, poncer, tailler. N’importe quoi, pourvu que les mains mènent la danse. Une rampe d’accès, un couloir, un atelier, une porte battante, un autre atelier, un couloir encore, encore un atelier, une porte grinçante et enfin arrivée dans la zone de Jimmy. Le mec parti au Japon bricoler la version XXL de l’âne mort qui trône dans un coin. Le TouChest. Un coffre à trésors. À l’intérieur, pas de pièces d’or. Deux putains de multi-touch grands comme des iMac, une unité centrale, un lecteur DVD et tout un merdier électronique pour faire tourner l’engin. À l’exception des dalles d’écran, du lecteur et des multiprises planquées à l’intérieur, le tout est cent pour cent fabrication artisanale. Pour faciliter le transport de l’animal, Main Rugueuse dégote un chariot version magasin de bricolage, idéal pour transporter un cadavre. Ou un coffre à trésors multi-touch. Un iPhone gros comme un écran cathodique. Lourd comme le 12 cylindres d’une Testarossa. Charger ce truc-là dans un camion se fait nécessairement dans la douleur.

Argenteuil. Un box pourri dans une résidence grise de tristesse. Une concierge, aspirateur de Gitanes, reluque la magouille de la fenêtre de sa cuisine. Des bacs de récupération d’eau, bidons crades, au bout de toutes les routières de l’enfilade de boxes.

Une concierge chuchote toujours trop fort.

C’est quoi cette magouille?

Récupérer le truc super pour le shooting. Des armatures en acier, idéales pour se luxer des épaules et s’écrabouiller des orteils.

Camion chargé, retour bercail, bise amicale puis dodo. Rendez-vous à l’aube.


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