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Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Publié le 20 janvier 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 10
Un nouveau week-end arrive. Je me rends compte soudainement que je n’ai donné de nouvelles à personnes depuis mon départ. Personne ne sait où me joindre. Mais je suis sûr que personne ne cherche à me joindre. Peut-être même que si je revenais, je me rendrais compte que mon escapade est passée complètement inaperçue. Mon départ n’a causé de peine à personne.
C’est sans doute une bonne chose.
Il va quand même falloir que je me débarrasse des affaires courantes. J’ai abandonné mon appartement sans donner de préavis, en n’emportant pratiquement rien. Sans parler de mon loyer impayé, bien entendu.
Le froid se fait de plus en plus vif par ici. Heureusement qu’il n’y a pas de vent. Pas un brin d’air. Rien. Tout est calme. Tout est mort.
Carine me propose d’aller passer le week-end au bord de la mer. Excellente idée. Ca signifie qu’elle est capable de prendre des initiatives. C’est ce dont j’ai besoin en ce moment.
Durant le trajet, je dois me farcir l’inusable Balavoine. Je ne peux m’empêcher de regretter qu’il n’ait pas suivi l’exemple du lamentable Claude François. Mais il est vrai qu’il n’y a pas d’eau dans le désert, donc à plus forte raison de baignoire. Seulement quelques hélicoptères paresseux, maladroits, et si fragiles. Et la seule ampoule au plafond ne devra pas être changée avant au moins cinq milliards d’années.
Ce cher Daniel a certainement fait de son mieux pour soigner sa sortie.
Nous n’échangeons pas un mot. La musique a ceci de formidable qu’elle nous permet d’être ensemble tout en restant seul. Aussi bien celle délivrée par un autoradio que celle dégueulée dans une discothèque. Quoi de mieux que d’aller en boîte lorsque l’on n’a rien à se dire, rien à partager, finalement rien en commun. De préférence quand il s’agit de retrouvailles. Comme l'aurait sans doute déclamé Gustave s'il avait été confronté à l'horreur de l'Aziza... La musique a tellement été souillée de sous et de merde qu’il est temps de n’en plus écouter du tout.
Nous arrivons enfin à destination. Du moins si l’on se réfère aux panneaux.
La mer.
La plage.
Tout droit.
Ma - gni - fique.
Je me demande pourquoi tous ces peintres de seconde zone choisissent et ont toujours privilégié le sud de notre pays, et plus particulièrement la Provence et la Côte d’Azur. Sans doute par idiotie et conformisme. Car comment rester insensible devant un tel spectacle ! J’ai souvent entendu parler d’un phénomène étrange, inconnu en Méditerranée. Un phénomène que l’on nommerait « marée ». Je crois savoir d’où vient ce terme. Etymologiquement, « marée » provient directement de « marais ». C’est un fait. Il s’agit d’un seul et même concept. A tout le moins, les deux sont étroitement liés.
Je m’empresse de m’informer au sujet d’une récente marée noire (pléonasme ?) qui aurait sévi sur les côtes qui dégoulinent lascivement sous mes yeux. Carine semble ne pas apprécier mon humour. Si elle savait que je n’ai en aucune façon voulu faire un trait d’esprit… Je suis bien trop ému pour ça.
Néanmoins, et malgré mon immense mauvaise foi, je dois bien reconnaître que les plages d’ici offrent un aspect qui m’était jusqu’alors inconnu. Elles sont quasi-désertes. Ce qui ne fait qu’accentuer l’impression d’immensité de ce spectacle lunaire. J’ai sous les yeux l’exacte réplique de la « mer de la tranquillité » qui ferait la fierté des habitants de notre prétentieux satellite, s’il se trouvait des êtres assez fous pour choisir de s’y établir.
En guise d’êtres vivants, je dois me contenter de mouettes chétives et sales, qui tournoient, maladives, comme égarées dans la brume rampante. Leur cri n’est pas un cri moqueur, j’en ai désormais la certitude. C’est un appel au secours, mais qui ne nous est pas destiné. Les mouettes s’adressent au ciel. Mais celui-ci est vide et ne les entend pas.
Non, le ciel n’est pas vide.
Loin s’en faut.

Et l’Homme a toujours su faire parler les nuages.

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