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Jean Dutourd casse sa pipe

Publié le 18 janvier 2011 par Jlk

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Deuil au club des ronchons. Bien connu du public audiovisuel, l’auteur d’Au bon beurre et des Horreurs de l’amour fut un romancier de forte trempe, souvent méconnu.
Jean Dutourd, qui vient de s’éteindre à Paris à l’âge canonique de 91 ans, était à la fois bien connu, dans son personnage télévisuel de «réac » de service éminemment cultivé, à l’enseigne des Grosse Têtes de Philippe Bouvard, et souvent mésestimé, voire sous-estimé par ceux qui se contentaient de ne voir en lui qu’un brillant ronchon de droite.
Né en 1920, héros de la Deuxième guerre mondiale, gaulliste de la première heure, adversaire mordant du communisme, et plus encore de la gauche parvenue et des «modernes », Jean Dutourd fut à la fois un journaliste aimant ferrailler dans la presse quotidienne et un chroniqueur littéraire, notamment dans les colonnes de France soir, mais également un écrivain de premier ordre qu’on pourrait situer dans la lignée charnue des « hussards », pratiquant la ligne claire à l’instar du grand Stendhal. Son premier essai, Le Complexe de César, fut d’ailleurs gratifié du prix Stendhal en 1946, où s’affirmait son indépendance d’esprit. C’est pourtant avec Au bon beurre, évoquant un couple de profiteurs franchouillards sous l’Occupation, que Dutourd, pas loin du Marcel Aymé d’Uranus, affirma son grand talent, salué par le Prix Interallié 1952.
Complètement étranger aux expériences du Nouveau Roman, Jean Dutourd n’en signa pas moins un roman de grande envergure et d’un feint cynisme réjouissant, intitulé Les Horreurs de l’amour et battant en brèche le sentimentalisme bourgeois ou antibourgeois.
Esprit acéré et fustigeant toutes les jobardises, Dutourd excella aussi dans l’essai et le pamphlet, comme Henri ou l’éducation nationale et l’irrésistible Séminaire de Bordeaux où il stigmatise l’insupportable néo-langage des cuistres au goût du jour. Son franc- parler, autant que ses positions politiquement très incorrectes, lui valurent d’ailleurs quelques ennuis, jusqu’à un attentat visant, en 1978, son accueillant appartement bourgeois et que compensa, la même année, sa nomination à l’Académie française, sur le trottoir de laquelle il aimait à fumer sa pipe de faux cynique débonnaire, président regretté du Club des ronchons (sic)...


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