Magazine Journal intime

Le Scoutisme.

Publié le 05 février 2011 par Douce58

      Durant quatre ans, entre ma classe de Cinquième et celle de Seconde, je m’étais occupé de mon « équipe ».  Cependant, au tournant de l’adolescence, alors que j’entrai en Première, je ressentis la nécessité de changer ses statuts officieux et d’en faire une entreprise plus sérieuse.  Le scoutisme était une voie toute tracée.  Nous y fûmes encouragés par mon cousin germain René, qui faisait déjà partie du mouvement.  Il nous conseilla utilement dans les démarches que nous devions entreprendre pour fonder une patrouille libre.  L’association des Scouts de France agréait des unités issues des quartiers et librement constituées, à la condition qu’elles fussent rattachées à une troupe plus importante.  Avec l’accord de mes amis Michel Goze, Francis, Jean-Pierre et Henri Dessors, Pierre Hors, je présentai donc notre candidature aux responsables de la IVème Troupe de Perpignan, dont le siège se trouvait dans le centre-ville, rue Bastion Saint-Dominique.  J’avais déjà obtenu l’approbation du père Coreau, que j’étais allé revoir pour la circonstance, et la bénédiction du bon curé Cinca de la paroisse Saint-Christophe.  Notre candidature fut favorablement accueillie par les chefs de la troupe-mère, le scoutmestre Pierre Durand et l’aumônier, l’abbé Millasseau. Et nous devînmes la Patrouille Libre de l’Épervier.
      Avec l’accord de ma famille, je lui attribuai pour siège la salle à manger du premier étage du 121 avenue Joffre, toujours vacante, puisque mon grand-père François n’occupait plus, depuis qu’il était veuf, que sa chambre à coucher, prenant ses repas et vivant avec nous toute la journée.      C’est là, sous notre fanion d'azur orlé d'orangé à l'épervier passant du même, que nous tenions nos réunions.  Au mur, entre la cheminée de marbre et un buffet-vaisselier Henri II , nous avions affiché la Loi scoute.  Nous siégions en uniforme, le foulard noir des patrouilles libres autour du cou, passé dans une bague de cuir tressé.  Je dois dire à ce propos que je me faisais une idée exagérée de l’importance de l’uniforme.  Un jour, je chassai de notre réunion (j’en ai du remords aujourd’hui) Jean-Pierre Dessors, qui s’était présenté en civil.  Qu’il soit dit cependant à ma décharge qu’à cette époque, à l’école, à l’atelier, à l’église comme au stade, la discipline, à laquelle j’avais eu moi-même tant de mal à me plier, régnait sans partage.      La patrouille libre faisait des sorties régulières, retrouvait le terrain de jeu familier des « Garrigues », campait à Sainte Marie la Mer sous la tente familiale, que mes parents nous prêtaient.  Parfois, nous nous agrégions aussi à la troupe-mère pour des excursions plus importantes en moyenne montagne.  Au siège de la troupe, rue du Bastion Saint-Dominique, nous nous initiions aux techniques des éclaireurs : secourisme, pionnièrisme, nœuds, morse, etc.  De temps en temps, nous mettions les gants pour disputer un match de boxe.  Les réunions plénières avaient lieu sous la présidence du chef de troupe, de l’aumônier et du doyen des scouts, Monsieur Lapalud, qui, à cinquante - quatre ans, portait chemise kaki et culotte courte.  Ils étaient assistés de deux sous-chefs, dont l’un s’appelait Rodas.  Le père Millasseau nous commentait la Loi scoute et l’Évangile dans un style ferme et résolu.  Ainsi, sur le point de savoir s’il fallait être généreux et bon, la réponse était : « bon, certes, mais pas bonasse ».      Pour être définitivement admis au sein de l’association des Scouts de France, il nous fallait faire notre Promesse.  Pour cette cérémonie solennelle, la Troupe choisit le col de l’Ouillat, situé à une altitude de mille mètres dans les Albères.  Aspirants à la Promesse, mon second Michel Goze et moi, le chef de patrouille, étions accompagnés de mon cousin René, qui, comme je l’ai dit plus haut, était déjà scout et avait fait lui-même sa promesse. Guidés par l’un des deux scoutmestres en second, nous devions faire à part l’ascension du col et rejoindre la troupe, qui nous attendait au sommet.  Nous établîmes notre camp de base au-dessus du village de Laroque-des-Albères.  Il n’était pas question de prendre tranquillement la petite route qui monte au col.  Il fallait attaquer directement le versant abrupt de la montagne et progresser à la carte et à la boussole.  Nous partîmes à quatre heures et demie de l’après-midi. Nous étions en novembre et le jour déclinait déjà.  Si bien qu’au bout d’une heure de marche environ, nous nous retrouvâmes dans l’obscurité. Malgré un beau ciel étoilé, nous avions du mal à nous orienter sur ce versant sauvage, hérissé d’une végétation épineuse et coupé de ravins, au creux desquels, sur des rochers moussus, luisaient des salamandres.  Notre guide, scout aîné et plus expérimenté, consultait la carte d’état-major et la tournait en fonction de la boussole à la lumière de sa torche électrique.  Mais il se trompa plusieurs fois dans ses estimations et ce ne fut qu’à une heure du matin que nous arrivâmes, recrus de fatigue, au sommet du col.  La troupe nous y attendait, en effet, autour d’un grand feu de camp, qui brûlait dans la clairière.  Sur le moment, nous n’eûmes qu’une idée en tête : nous laisser glisser voluptueusement à terre, délestés de nos sacs à dos, le long des troncs des grands pins laricio.  Mais il faisait froid, nous grelottions.  Pierre Durand, toujours très énergique, se précipita vers nous :    
      Debout ! ne vous endormez pas ! allez ramasser du bois pour alimenter le feu! 
Titubants de fatigue, nous obéîmes et bientôt les flammes réchauffèrent nos membres engourdis.
    
      Près du feu, les scouts avaient dressé un autel en rondins.  L’aumônier se tenait prêt. Autour de l’autel, les étendards à fleur de lys et croix potencée, sur lesquels dansaient les reflets des flammes, nous faisaient un sûr rempart contre les ténèbres.  
      L’un après l’autre, nous nous avançâmes, mon second Michel                                                                                                                                                             Goze et moi, et nous prêtâmes serment :
Sur mon honneur, avec la grâce de Dieu,je m’engage à servir de mon mieux. Dieu, l’Église et la Patrie ,à aider mon prochain en toutes circonstances,à observer la Loi Scoute. 
      Les autres membres de la patrouille libre, Francis et Jean-Pierre Dessors (Henri s’était désisté entretemps), Pierre Hors et une nouvelle recrue, Jean Rebetllat, qui venait du Haut Vernet, devaient attendre leur tour pour faire leur promesse.  Pour Francis Dessors, le plus âgé d’entre nous, il y avait d’abord un obstacle à lever, qui se représenterait pour son frère Jean-Pierre.  De famille agnostique, il n’était pas baptisé.  On ne pouvait faire la promesse, sans avoir reçu le sacrement.  Francis reçut donc volontairement le baptême chrétien à l’âge de seize ans en la chapelle de la IVe Troupe des Scouts de France de Perpignan.      Au cours d’un grand rassemblement scout qui eut lieu à la chapelle de la Trinité, en plein cœur du massif des Aspres, la patrouille libre de l’Épervier se distingua dans un concours de fabrication et d’utilisation de ponts de singe. Nous fûmes les mieux organisés et les plus rapides à évoluer sur les cordes tendues entre les troncs des chênes verts. Nous reçumes les félicitations de hauts responsables du scoutisme français.

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