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Matthew

Publié le 09 février 2011 par Banalalban

Hier soir dans l’hôtel-pomme.


Mon ver solitaire est sorti de moi dans un pet alors qu’une fois encore j’étais fin bourré. Mon cœur, ma bile, tout en moi maintenant rechigne sous le poids moite de l’alcool, toute cette acidité n’est plus faite pour lui. Sa constitution, plus que la mienne, ne peut plus supporter ces tonnes d’alcool ingérés ni de malbouffe. Fast-food. Junk & drunk food. Potatoes. French fries. Alors le ver, long et terriblement dur, sort de mon cul aussi rapidement qu’une balle de tennis. Heureusement pour moi, il n’y a personne dans la chambre et avec chance, je ne tâche même pas les draps. Je lui demande ce qu’il fout là, il me répond qu’il en marre, qu’il ne peut plus supporter toute cette acidité dans mes intestins, il me parle d’énolase et je n’y comprends rien, il me demande si je veux un dessin, il remballe ses affaires (les cerques de rechange, bien propres, bien pliés...) et s’affaire, ça fait rien. Il me dit que d’habitude, il sort en douce, qu’il ne parle à personne, qu’il met sa jolie parka et qu’il part faire un tour, mais là, je vois bien qu’il a pris sa valise et son porte-documents, je suis sûr qu’il a ses papiers sur lui mais je lui demande s’il a bien pris son passeport parce que je ne suis pas certain qu’on le laisse passer comme ça sans rien lui dire à la frontière. Lui me dit qu’il s’en fout, qu’il s’est trouvé une petite pépée toute propre dans le cul d’une japonaise, il blablate sur la propreté de ces dernières en comparaison de moi et je suis un peu gêné pour ça, lui, ça le fait bien rigoler de me voir rougir, mais il me dit que là, c’est vraiment un foutoir en dedans de moi, que je devrais faire gaffe, que tout ça va pas tarder à déconner sévère, que je suis irresponsable et que pire, je cours à ma perte. Cancer, diabète, ulcère... Moi, j’essaye de le rassurer, je lui promets que cette orgie incessante depuis des semaines, ce n’est rien qu'un passage, mais lui n’en a cure, il s’en fout pas mal de mes petites errances, il me balance que je m’en balance, que je suis irresponsable, je lui dis que je pouvais pas savoir qu’il était là, mais bon, c’est quand même con, laisse-moi une nuit, de toute façon je me calme dès demain, je lui dis que j’ai pris une bonne décision, que je ne mangerai que du bio, qu’il peut avoir confiance en moi, que jamais plus je ne le décevrai, que je ne boirai plus que de l'eau, minérale qui plus est, non, non, non, je me casse, le cul de la japonaise est bien mieux et puis toi, quelque part, tu te fous pas mal de savoir qui je suis, ce que je suis, qui j'aime, comment je fais pour me reproduire, t'en sais rien, que c’est plus qu’une simple histoire de parthénogenèse, qu’il lui faut redoubler de vigilance à chacune de ses escapades amoureuses, qu’il n’a pas droit à l’erreur, qu’il faut faire gaffe à chaque instant, tu comprends, un ver solitaire ça doit vivre caché, n’est pas ténia qui veut, qu’il faut se couvrir parce que dehors il caille, ça meule, et puis y’a les voitures et là, ça craint un max, non vraiment, je peux plus rester, tue-toi si tu veux, continue ton petit jeu, mais moi, j’en ai trop ma claque de ce que tu manges et bois, si tu veux te bousiller, c’est ton droit, mais ça sera sans moi. Et il m’abandonne, je lui dis de ne pas faire sa petite gueule des mauvais jours, mais je constate avec tristesse qu’il me tourne le dos, alors je me mets à penser aux bons moments que nous aurions pu vivre, à nos joies, à nos flirts partagés, à nos soirées d’ivresse, à nos gloutonneries, et puis je me fais une raison lorsqu’il claque la porte. Ce soir, je me fais sauter la cervelle : j’ingurgite six litres de bière pour fêter mon nouvel intestin grêle vierge. Et j’aborde la rue comme tous les autres soirs, rien à foutre d’être mal habillé : je me sens tout léger sans Matthew, le ver solitaire de 1983.


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